Images de page
PDF
ePub

<< Français de son temps arma et équipa des galères. << Ses vaisseaux emportaient des draps de laine et autres <«< objets manufacturés du royaume sur les rivages << d'Afrique et d'Orient, où ils arrivaient jusqu'à Alexan<< drie d'Égypte. Ils rapportaient dans les pays du Rhône << des étoffes de soie variées, et toutes sortes d'aromates << et d'épiceries. »

On peut avec assurance comprendre Bougie, Tunis et Tripoli parmi les pays désignés un peu confusément par Thomas Basin sous le nom d'Afrique, car Matthieu d'Escouchy dit expressément que les vaisseaux de Jacques Coeur allaient en Barbarie « et jusques en Babilonne ». On peut croire aussi que, si son inique procès n'était venu mettre une fin malheureuse aux entreprises de l'intelligent ministre, qui avait obtenu en 1447, par les soins de Jean de Village, son neveu, le rétablissement d'un consulat français à Alexandrie, sa protection aurait continué les heureux effets de son exemple et ranimé les diverses branches de l'industrie maritime, qui n'étaient que languissantes, mais non anéanties dans nos provinces méridionales. La pêche et la navigation occupaient toujours les populations des côtes de la Provence et du Languedoc. Avant même les grandes entreprises de Jacques Cœur, comme après le désastre de sa maison, Montpellier conserva encore dans sa déchéance quelques restes de son grand commerce extérieur, si florissant au treizième et au quatorzième siècle. Les soins donnés, à cette époque, par les rois de France à l'entretien de ses canaux et de ses voies de communication avec la mer en sont la preuve. Les ruineuses expéditions des princes d'Anjou n'a

vaient pas éteint tout commerce extérieur en Provence. Le duc Louis et ses enfants protégèrent toujours l'industrie, qui avait encore une assez grande importance dans plusieurs villes. La préparation des cuirs, favorisée par l'extraction continue des peaux de Barbarie et des écorces tanniques, avait pris même vers ce temps une grande extension à Marseille.

Dans les autres pays du midi de la France appartenant aux couronnes unies d'Aragon et de Castille, nous retrouvons encore à cette époque des souvenirs de relations directes avec la Barbarie. Divers actes reçus par les notaires de Perpignan attestent que des navires roussillonnais partis des ports de Collioure, de PortVendres et de Canet, osaient braver les corsaires et se rendre à Dellys, à Alger et jusqu'à Tunis. Comme les navires de Jacques Cœur, ils étaient surtout chargés de draps, le grand article de nos manufactures méridionales. Ils rapportaient principalement des cuirs et de T'huile. Sans avoir l'importance de la navigation de la Catalogne et de la Provence, il paraît que la navigation roussillonnaise, secondée par l'exploitation des bois des Pyrénées, était plus qu'un grand cabotage. Elle aurait franchi le détroit de Gibraltar et dépassé la Sicile, pour remonter jusqu'aux ports de la Gascogne et de la Normandie d'un côté, atteindre l'Archipel grec et la Syrie de l'autre. Une pareille extension n'aurait eu rien de surprenant aux siècles antérieurs. Elle est plus extraordinaire au quinzième. On peut l'admettre cependant avec les savants du pays, en souhaitant qu'ils mettent en lumière les documents sur lesquels ils fondent leur opinion.

Il reste toujours établi que le Languedoc par Montpellier, depuis que Narbonne et Aigues-Mortes étaient ensablés, le Roussillon par Collioure, et la Provencepar Marseille, envoyaient encore des navires et des marchands sur les côtes du Magreb au quinzième siècle. Nous ne pouvons rien affirmer pour les autres parties de la France. Comment douter cependant que les villes portugaises de Ceuta et de Tanger, qu'Arzilla, plus éloignée vers Salé et cependant visitée par les Européens au quatorzième siècle, que les ports de Bougie et de Tunis, où les gouvernements étaient toujours bienveillants pour les chrétiens, ne reçussent pas aussi dans leurs eaux quelques voiles de Bayonne, qui dès le quatorzième siècle passaient dans la Méditerranée ; quelques-uns de ces hardis navires de Normandie, si ce n'est même de Bretagne, qui dès le treizième et le douzième siècle avaient longé le détroit de Maroc et porté les croisés au fond de la Méditerranée; qui au quatorzième, peut-être avant les Portugais, s'étaient avancés vers le cap Bojador, en commerçant avec le Sénégal et la Guinée; qui en 1402 donnèrent un amiral à la Castille, Robert de Braquemont; qui firent vers la même époque la conquête des Canaries avec Jean de Bethencourt, et pour lesquels le duc de Bretagne obtint en 1479 la faculté de commercer avec le pays des Turcs, avant que Charles VIII, devenu duc de Bretagne, donnât l'ordre de construire dans leurs ports une partie de la flotte dont il avait besoin pour son expédition de Naples?

1482.

Louis XI cherche à développer le commerce d'Afrique.

Louis XI voulut multiplier les rapports de la France avec la côte d'Afrique. Le même mouvement qui porta cet esprit actif et pratique à instituer les postes, à fonder des manufactures de soie, à augmenter le nombre des foires, à négocier des traités avec les étrangers, l'amena à donner une protection particulière au commerce de la Provence, quand la mort successive de son oncle et de son cousin René et Charles III d'Anjou l'eut mis en possession de ce riche comté (1481).

Dès l'année 1482, ou peu après, il annonça son accession à la souveraineté de la Provence au roi de Tunis, le sultan Abou-Omar Othman, dont le long règne nous a si souvent fourni l'occasion de parler de ses bonnes dispositions pour les chrétiens, et à son fils, qui gouvernait souverainement les provinces de Bone et de Bougie. Le roi de France exprimait aux princes son désir de voir continuer et se développer à l'avantage réciproque des deux pays les relations existant entre la Provence et l'Afrique du temps du roi René, son oncle : « Pour ce que, disait Louis XI au roi de Bone, << nous avons délibéré à l'aide de Dieu d'élever en notre << pays de Provence la navigation, et fréquenter la mar«<chandise de nos sujets avec les vôtres, par manière <«< qui s'ensuive utilité et profit d'une part et d'autre, et << que la benivolence accoutumée entre la majesté du roi << de Tunis, votre père, auquel présentement écrivons, <«<< et la vôtre et celle de bonne mémoire de Sicile, notre << oncle, non pas seulement soit conservée, mais accrue, <<< nous avons voulu vous avertir en vous priant bien

« affectueusement qu'il vous plaise accueillir nos sujets, <«<lesquels viendront pratiquer et troquer de par delà, <«<les traiter favorablement comme vous faisiez par le <<< temps que notredit oncle vivoit, car ainsi ferons-nous « à vos sujets quand le cas adviendra. »

Louis XI sollicitait en même temps l'émir de Bone, et il demandait à Abou-Omar d'appuyer sa réclamation auprès de son fils, pour que les marchandises d'un navire de Jean de Vaulx, ancien général de Provence, alors trésorier royal en Dauphiné, naufragé sur ses côtes, fussent restituées, «< comme il est juste », aux représentants que les intéressés envoyaient en Afrique. Il semblerait d'après ces documents que le roi Louis XI, pas plus que René d'Anjou, ni comme roi de France, ni en sa qualité de comte de Provence, n'entretenait alors de consul permanent dans les royaumes de Tunis et de Bone.

[blocks in formation]

Dernières relations de la Sicile avec les rois de Tunis.
Décadence de l'île.

Le roi René, malgré le titre de roi de Sicile, gardé par les princes d'Anjou comme une protestation contre les Vêpres siciliennes, n'avait réellement régné que sur la Provence, où il mourut en 1480, et sur le royaume de Naples, que lui avait enlevé, dès 1442, Alphonse Ier de Castille, déjà roi d'Aragon et de Sicile.

Un moment relevée de son affaissement sous le règne de ce prince ambitieux et énergique, qui tenta de lui rendre ses possessions d'Afrique, l'île languit de nouveau après lui. Préoccupés surtout de leurs intérêts en

« PrécédentContinuer »