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9. Sucre.

Les difficultés que peut rencontrer la réacclimatation de la canne à sucre en Algérie ne devraient pas arrêter nos essais, si l'on était certain d'ailleurs de réunir toutes les conditions nécessaires à une grande et avantageuse culture, c'est-à-dire l'eau et la main-d'œuvre en abondance. La température et le sol paraissent généralement favorables à la plante dans tout le nord de l'Afrique, et c'est une erreur de croire qu'on l'y a propagée seulement au quatorzième siècle. Au dixième et au douzième, elle était récoltée en grand sur les bords du golfe de Cabès et dans la campagne de Kaïrouan. Au treizième, les sucres bruts de Maroc paraissent dans les états de marchandises vendues en Flandre et à Venise. Suivant Edrisi, le sucre récolté et fabriqué dans le Maroc méridional était connu de << l'univers entier ». La culture de la canne n'était pas encore abandonnée au seizième siècle. On citait alors les sucres de Bone, et on remarquait pour leur abondance et leurs belles qualités les plantations du Sous et de Ceuta.

10. Cire.

La richesse de l'Afrique, surtout de la Mauritanie, en miel et en cire, constatée dès les temps anciens, s'est maintenue jusqu'à nous. La cire a été pendant tout le moyen âge exportée du Maroc, d'Alger, de Tunis, de Bone, de Bougie, et peutêtre est-ce vraiment, comme on le répète sans le croire, du nom de cette dernière ville que vient notre mot bougie, qui a dû être introduit d'abord sous la forme de chandelle ou cire de Bougie, comme on disait candela de Babylonia, chandelle d'Égypte.

Il est encore possible que les rotuli barbaresci, appartenant à un marchand de Montpellier et saisis par les Génois, dont il est question dans un arrêt du parlement de Paris de 1314, soient des pains de cire de Barbarie.

11. Huile.

C'était un des grands objets de commerce du Magreb, très riche encore aujourd'hui en oliviers, malgré l'appauvrissement général des plants. Il est souvent question dans nos documents de l'huile de Maroc, de Bougie, de Tunis, de Tripoli, de Sfax, de Cabès, surtout de celle de l'île de Gerba. Une anecdote historique conservée par les auteurs arabes rappelle l'extrême abondance des oliviers dans l'Afrique ancienne et les profits considérables que valait au pays l'exportation de l'huile å l'étranger. En 647, l'armée barbare ayant battu le patrice Grégoire près de Carthage, les habitants apportèrent des monceaux d'or aux pieds du général musulman pour l'apaiser. << D'où vous viennent ces richesses? » demanda Abd-Allah. · << Nous les devons à l'huile que nous vendons aux Romains, » lui fut-il répondu. Le chroniqueur désigne vraisemblablement sous le nom de Romains les habitants de l'Italie et des Gaules.

12. Céréales. Prix du blé en Afrique.

Blé, orge, grains divers des trois royaumes du Magreb. Venise et Gênes exportaient également pour leurs flottes des farines et du biscuit de mer, ou panatica, de Tunis et de Tripoli.

Les traités reconnaissaient aux Vénitiens et aux Génois la faculté d'exporter sans payer aucun droit de douane une certaine quantité de blé, s'il y avait disette bien constatée chez eux, et si le prix du blé ne dépassait pas en Afrique un maximum fixé. Les conditions étaient ainsi réglées dans le détail pour les deux pays. Le traité vénitien de 1231 porte qu'au cas de disette d'un an au moins, les Vénitiens pourront exporter en franchise le chargement de huit navires par an, tant que durera la disette, si le blé ne vaut dans le royaume de

Tunis que le prix de trois besants ou dinars à trois besants et demi. Le traité de 1251 élève à douze le nombre de navires exemptés en ce cas des droits de douane, et ce nombre, avec les conditions premières, est maintenu dans les traités suivants. Le traité génois de 1236 stipule que, s'il y a disette générale à Gênes, la république pourra faire exporter sans payer les droits de sortie, pour être dirigés seulement sur Gênes, le chargement de cinq navires, pourvu que le prix du blé ne dépasse pas en Afrique trois besants ou trois besants et demi. Les traités de 1250 et 1272 conservent ces dispositions. En 1433, il est dit que, lorsqu'il y aura disette à Gênes, et tant que le blé ne vaudra pas à Tunis plus de cinq besants le cafis, les Génois pourront exporter sans payer les droits de douane quinze mille cafis de blé. Si le prix du blé devenait supérieur au chiffre fixé, le sultan aurait à apprécier le cas pour déterminer la quantité de froment dont il autoriserait l'exportation en franchise.

Un changement dans la valeur des monnaies ayant eu lieu ensuite à Tunis, le nouveau traité génois de 1445 modifia les conditions de l'exemption des droits de douane, en se fondant précisément sur la modification survenue dans le cours des monnaies : quia moneta nunc mutata est. Il fut dit qu'au cas de disette à Gênes, les Génois pourraient acheter sans payer les droits d'exportation quinze mille cafis de blé par an, tant que le prix du blé ne dépasserait pas à Tunis quinze besants le cafis.

Nous ne connaissons pas les changements d'espèces auxquels le traité fait allusion. En ce qui concerne les conditions et les traités antérieurs du treizième et du quatorzième siècle, nos calculs, concordant avec ceux de M. Amari, nous permettent de dire que l'exportation en franchise était accordée aux Vénitiens et aux Génois, pour les quantités déjà indiquées de navires ou de cafis, quand le prix du blé ne dépassait pas en Afrique vingt à vingt-trois francs l'hectolitre, ce qui peut

être considéré comme le prix moyen du blé dans le Magreb au moyen âge.

Il y eut ȧ Tlemcen en 1227 une telle disette, que le prix du blé monta jusqu'à deux cent quarante francs le cafis, ou plus de cent francs l'hectolitre, suivant l'auteur du Roudh-el-Kartas.

13. Fruits et herbes.

Des dattes, et probablement aussi des bananes; des pistaches exquises, des figues sèches, des raisins secs de Bougie et de Bone, que les Italiens appellent encore, d'un mot arabe, zibibo. Amandes d'une qualité supérieure. Fenouil de Tunis. Aneth, plante odoriférante, assez semblable au fenouil. Cumin.

Au onzième siècle, à l'époque où les rois de Sicile étaient maîtres d'une partie des côtes maugrebines, l'île de Gerba possédait une espèce de pomme très renommée. Les Normands, enchantés de retrouver en Afrique les fruits de leur pays, s'amusaient, à l'époque de la maturité, à dépouiller les vergers pour envoyer les plus belles pommes aux seigneurs et aux dames de la cour de Palerme, sans prendre la peine, bien entendu, d'indemniser les propriétaires. Ceux-ci, fort ennuyés de ces procédés, laissèrent périr tous les pommiers, qui depuis lors sont inconnus, croyons-nous, à Gerba.

14. Étoffes. — Tapis.

Boucrans de Tripoli. Haïks de Gerba. Tapis de Tunis et de Tripoli. Toiles et cotonnades de Barbarie. Étoffes diverses de laine et de coton fabriquées dans le pays et exportées, mais en petite quantité vraisemblablement. Au quatorzième siècle, Sousa fabriquait de fines étoffes appelées soussia.

15. Matières textiles.

1. Laines et toisons. Comme celle des cuirs, l'extraction

continuelle des laines et des toisons (buldrones, boldroni) de Barbarie annonce l'abondance des troupeaux. Toutes les provinces en fournissaient et en envoyaient en Italie et en France; mais il est fait mention particulièrement fréquente dans nos documents des laines de Tripoli et de l'île de Gerba, des laines du royaume de Tunis et de Bougie. Les laines s'achetaient soit grasses, soit lavées.

2. Coton. Culture très répandue dans tout le nord de l'Afrique au dixième siècle. Aux onzième et quatorzième siècles, les cotons de Msilah, Biscarah et Mostaganem étaient estimés pour leur excellente qualité. On cultivait aussi le coton à Tobna dans le Zab. Au seizième, les Vénitiens exportaient en grandes quantités des cotons de toute la Barbarie, et particulièrement d'Oran; le Maroc fabriquait des cotonnades.

3. Lin. La culture en était très répandue autrefois à Médéah, å Bone et dans toute la Mitidja. Les fils de Sousa étaient estimés, et les tisserands nombreux en cette ville.

4. Soie, cultivée du dixième au seizième siècle. On estimait les soies de Gabès pour leur finesse et leur bonté.

16. Vannerie.

Corbeilles, cabas, nattes et autres ouvrages en feuilles de palmier et en sparte, ou jonc marin.

17. Métaux.

Ibn-Haukal disait au dixième siècle que le fer, le plomb et le mercure étaient habituellement exportés du Magreb en Orient. Bakoui signale des mines d'argent à Rakendour à six journées au sud de Maroc. Bekri assure qu'on trouve du lapis-lazuli, du cuivre et du fer dans le pays des Kétama, non loin de Kaïrouan. Édrisi rapporte que de son temps, au onzième siècle, le fer était toujours exploité dans les environs

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