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cause des Sarrasins d'Orient pendant les croisades, se trouvèrent en guerre avec les rois d'Espagne ou de France, comme en 1270 et 1390.

19. Verres et verroteries.

Les traités ne désignent jamais spécialement un objet de commerce dont il s'est fait cependant durant tout le moyen âge et presque jusqu'à nos jours un immense transport d'Italie sur toute la côte d'Afrique, depuis l'Égypte jusqu'au Maroc : ce sont les verroteries et les verres de Venise. Ces articles étaient sans doute compris sous la désignation générale de marchandises diverses, et rangés vraisemblablement dans la catégorie des bijoux, zoie, jocalia, sur laquelle on prélevait seulement le demi-droit, c'est-à-dire 5 pour 100, au lieu de 10 pour 100, tarif ordinaire des importations.

Établie dans l'île de Murano au douzième siècle, l'industrie du verre et des mosaïques acquit dès le treizième siècle, å Venise, une splendeur qui ne fit que s'accroître jusqu'au seizième, qui déclina ensuite, mais qui néanmoins se conserva autant que la république, et qui même aujourd'hui n'est pas entièrement perdue. Quelques fourneaux s'allument encore à Murano et fabriquent des perles à collier appelées conterie, des fils de verre, des lustres, et divers objets de formes et de qualités inférieures. Au temps de tout son éclat, du treizième au seizième siècle, la verrerie de Venise fabriquait en immenses quantités, et dans le goût le plus gracieux, des coupes, des flacons à parfums et à liqueurs, des miroirs, des bouteilles, des lustres, des boîtes, des fleurs, des perles ou marguerites, des boutons, des vitraux, des verres colorés de tous genres, des chapelets et des colliers variés. Les fabricants de verroterie avaient des facteurs et des magasins dans tous les fondoucs de la nation vénitienne, principalement à Alexandrie, à Tripoli et à Tunis. De Tripoli, où est restée la

dernière factorerie de Venise, les verroteries pénètrent dans le Darfour et le Fezzan.

20. Objets divers.

Papier ordinaire, papier royal, vieux papier. Soies de porc, os d'animaux, fer aimanté, terra gritta, bagade.

$ 2.

EXPORTATIONS D'AFRIQUE.

1. Esclaves.

Nous n'avons à nous occuper ici des esclaves que comme l'un des objets de commerce entre les chrétiens et les Arabes d'Afrique.

On a vu qu'une esclave sarrasine, Aïssa, fut vendue à Marseille vers 1236, au prix de 8 livres 12 deniers, environ 400 francs en valeur relative, ce qui nous semble un prix assez modique.

Des esclaves musulmans provenant du Magreb se vendaient quelquefois à Gênes au quatorzième siècle encore. Le tarif de la douane de Pise du quinzième siècle constate que les esclaves de tout âge et de tout sexe payaient quatre lires à l'entrée et à la sortie de la ville. Au commencement du quinzième siècle, on transportait des esclaves des deux sexes, noirs et blancs, de Barbarie en Espagne. On sait qu'à une époque bien antérieure, le Magreb, comme l'Égypte, fournissait au service des hommes riches d'Orient des mulâtresses et de jeunes esclaves européens, c'est-à-dire chrétiens.

Nous pensons que la vente réciproque d'esclaves entre musulmans et chrétiens, par les voies régulières, dut être fort rare sur les côtes d'Afrique au moyen âge. Le grand marché où les sultans d'Égypte achetaient les jeunes esclaves euro

péens qui leur servaient à entretenir la milice des mamelouks était Constantinople et la mer Noire, et il faut avouer que les intermédiaires habituels de cette traite infâme étaient presque toujours, nonobstant les perpétuelles défenses du Saint-Siège, des agents et des marins chrétiens, surtout des Génois (1).

En dehors des faits de guerre qui jetaient sur les marchés publics tant de malheureux prisonniers, la piraterie, largement pratiquée par les chrétiens et les musulmans dans toute la Méditerranée, était aussi une source d'approvisionnement toujours certaine pour les marchands d'esclaves, malgré mille entraves. Les traités conclus entre États chrétiens et maugrebins prohibèrent néanmoins, dès le douzième siècle, et de la manière la plus formelle, la mise en vente d'hommes tombés ainsi en captivité. Du moment où leur nationalité était reconnue, et quelle que fût la cause qui les avait privés de la liberté, ils devaient être libérés ou rachetés par les souverains du pays. L'exécution de ces engagements rencontrait des difficultés; mais les obligations réciproques contractées à cet effet par les émirs arabes et les princes chrétiens sont très expres

ses.

2. Chevaux.

Chevaux de Barbarie ou chevaux barbes. L'exportation en fut quelquefois interdite pour l'Espagne.

3. Poissons salés.

Sorra de Barbarie : c'étaient les œufs et les intestins du thon salé.

4. Cuirs.

Les noms de maroquin et de cordouan rappelleront toujours

(1) Voy. notre Hist. de Chypre, t. II, p. 125. Not. sur le transport des armes et des esclaves en Égypte.

la bonté et la célébrité des cuirs de l'Afrique et de l'Espagne musulmane. Durant tout le moyen âge, il s'en fit une exportation continuelle et très eonsidérable d'Afrique en Europe. Dès le douzième siècle, et peut-être avant cette époque, le maroquin rouge ou cordouan vermeil était particulièrement recherché en Normandie et en Angleterre. Les chrétiens exportèrent d'abord les cuirs tannés et colorés, et plus tard les peaux crues, qu'ils travaillèrent eux-mêmes. On n'a commencé à préparer et à teindre les cuirs à Paris qu'au milieu du quatorzième siècle.

Nos traités mentionnent les peaux et les cuirs préparés ou non préparés provenant d'un grand nombre d'animaux : de bœufs, de vaches, de veaux, de chèvres, de moutons, d'agneaux, de chevaux et de chameaux, appartenant aux royaumes de Fez, de Tlemcen, de Bougie, de Tunis et de Tripoli. C'est l'indice le plus certain d'un autre genre de richesse, celle des bestiaux. Aussi n'est-il pas étonnant de lire dans une géographie du dixième siècle qu'il y avait dans le Magreb plus de chameaux que dans toute l'Arabie. On voit dans El-Bekri que cette richesse agricole en bestiaux de toute sorte n'avait guère diminué au douzième siècle.

Au treizième, les peaux de mouton et les peaux d'agneau se vendaient en moyenne, à Tunis, 15 dinars le cent.

5. Ecorces de Bougie.

L'iscorza di Buggiea, qui figure dans une liste de marchandises donnée par Pegolotti au quatorzième siècle, devait être un article de commerce bien connu. C'était vraisemblablement une écorce tannique servant au travail des cuirs, peut-être l'enveloppe du sumac thezera, employée dans la préparation des maroquins. Cet arbuste se trouve encore aujourd'hui dans la province d'Oran. Les montagnes situées au nord de Collo, entre les golfes de Bougie et de Philippeville, renfermaient

autrefois une essence d'arbre dont l'écorce, peut-être encore une écorce à tan, était très recherchée. Quelques anses de la côte en tiraient leur nom : le port des Écorceurs, le port de l'Arbre. On signalait aussi dans ces montagnes l'existence du cuivre et du lapis-lazuli.

6. Bois.

L'exportation de cet article dut être presque nulle. El-Bekri signale des bois de thuya dans le sud Oranais. Nous ne savons rien de précis sur les chênes-liège.

7. Substances tinctoriales ou servant à la teinture.

Indigo, cochenille ou kermès de Barbarie, safran, semence de cochenille, guède ou pastel d'Oran, aluns divers exportés de Tunis dès le douzième siècle par les Pisans, alun de Maroc, noix de galle, alun blanc de Sedjelmesse dans le Maroc; alun de Castillon, venant de Barbarie, le même que l'alun dit de plume, allume di piuma, du royaume de Bougie.

8. Sel.

Exportation considérable et continuelle de toute la région orientale depuis Tripoli et Kaïrouan jusqu'à Tunis.

Venise, cherchant à acheter du sel dans toute la Méditerranée pour ses propres besoins et pour suffire aux immenses demandes qu'elle recevait de la haute Italie, conclut à cet effet des traités spéciaux avec le seigneur de Tripoli et de Gerba, dont le territoire renferme de nombreux lacs salés. La république monopolisait deux seules marchandises, qui suffisaient à lui donner de grands bénéfices : le sel et le blé. El-Tidjani dit que la saline de Touzer est une merveille dont les historiens n'ont pas assez parlé.

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