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soldé, on ne cherchât, sous aucun prétexte, à le retenir lui ou ses marchandises, et à retarder son départ, à moins d'erreur évidente dans les règlements. Tout marchand était libre de faire acquitter ses comptes par un mandataire; il pouvait même partir sans avoir réglé, s'il laissait un répondant connu qui lui servît de caution.

C'était aussi un usage et un principe consacré par tous les traités, bien que les gouvernements chrétiens aient eu plusieurs fois à soutenir les réclamations de leurs nationaux sur l'inobservation de cette coutume, que les droits d'importation n'étaient exigibles qu'après la vente réelle des marchandises, ou bien au départ du marchand dont les opérations s'étaient bornées à des achats. Mais il était entendu partout que le droit d'importation sur les espèces monnayées (5 pour 100) était exigible à l'entrée même de ces espèces dans le royaume. Il semble avoir été admis en outre dans toutes les douanes que les chrétiens pouvaient payer les droits soit en argent, soit en marchandises. Si le marchand préférait acquitter le tarif en nature, le règlement se faisait ordinairement à l'entrée en douane des marchandises et sur les évaluations équitablement établies par les amin, experts ou courtiers de l'administration.

Quant à l'époque du payement effectif, chaque nation semble avoir eu des habitudes différentes. Les Pisans obtinrent dans le royaume de Tunis des facilités exceptionnelles. Les traités de 1264 et 1313 portent d'une manière générale que leurs nationaux ne seront tenus de payer les droits de douane qu'à l'époque de leur départ, et que ceux d'entre eux qui resteraient en Afrique auraient la faculté de régler leurs comptes de douane définitifs au bout de trois ans. Les Pisans consentirent plus tard à réduire le délai à six mois, à compter du moment de la vente des marchandises; et les Florentins, en succédant à leurs privilèges, conservèrent cet usage.

Les Génois se réservaient deux mois après la vente pour payer les droits. Mais ils firent déclarer par le traité de 1456 AFRIQUE SEPTENTRIONALE.

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qu'il leur serait libre d'acquitter immédiatement les droits en nature et dès le transport des marchandises à la douane, afin de n'avoir plus rien à débattre à ce sujet avec le comptable et les inspecteurs du fisc.

Les Vénitiens vendaient généralement leurs marchandises en laissant les droits de douane à la charge de l'acheteur. On ne voit rien de précisé pour l'époque des règlements sur leurs exportations; ils stipulent seulement qu'on ne devra pas leur faire attendre le relevé de compte plus de huit jours, quand ils en auront adressé la demande à la douane.

Les sujets du roi d'Aragon réglaient mensuellement. Il était dit dans leurs traités qu'au commencement du mois on dresserait le compte de chaque marchand, en défalquant de ce qu'il devait payer les avances qu'il aurait pu avoir à la douane, et lui donnant son bérat, ou sa quittance.

Les douanes avaient à délivrer aux marchands, en raison des opérations qui se faisaient par son intermédiaire, deux pièces comptables, nommées en arabe le bérat et le tenfids.

Le bérat était la quittance des droits de douane. Muni de cette pièce, instrumentum, carta, le marchand pouvait transporter en franchise les marchandises sur lesquelles il avait acquitté les droits dans toutes les autres villes du royaume, et partir lui-même quand il lui convenait. Le bérat est fréquemment désigné dans les textes chrétiens par les mots albara, arbara, albara expeditionis, traduction du mot arabe bérat, ou par les mots appodixia expedimenti, le congé.

Le tenfids, ou tanfitum, était une attestation ou un reçu soit de la douane, soit de l'un des autres dépôts où l'on vendait et achetait les marchandises du gouvernement. Il constatait l'avoir en marchandises ou la créance d'un marchand. Le tenfids servait à faire le règlement des comptes, et à établir la balance par doit et avoir.

Au moment du départ, tout marchand se présentait à la douane avec ses effets et marchandises, pour que l'on cons

tatât si ses comptes étaient réglés, ou que l'on perçût les droits dont il pouvait être encore redevable. Le traité de 1323, entre le roi d'Aragon et Abou-Bekr, roi de Tunis et de Bougie, porte qu'aucune caisse ou ballot des sujets de la couronne d'Aragon ne devra être ouvert ni retenu par la douane à la sortie des marchands: « Que negun estrumaç, << o caxes de mercades é sotsemes del dit rey d'Arago, en la «<exida, guardats ne uberts no sien. >>

Il n'est pas possible que l'exemption de la visite de douane, même de la visite des effets et bagages particuliers des marchands, fût ainsi accordée d'une manière générale et sans condition par le gouvernement arabe, comme le donnerait à entendre cette rédaction. La fraude aurait pu trop facilement en abuser. Une reconnaissance ou constatation préalable des effets à l'usage particulier des marchands, devait précéder le transport à la douane et à bord des navires. Admise et sous-entendue, sans doute comme passée en usage dans le traité catalan de 1323, la mesure est très bien expliquée dans le traité génois de 1433 : « Quand lesdits << marchands génois voudront quitter Tunis, ou toute autre ville « de Sa Royale Majesté, la douane du lieu devra envoyer un <«< inspecteur au fondouc génois. Cet inspecteur visitera (videre « debeat) les malles, caisses ou les paniers (capsam, bonetiam «<et stumatios) de chaque marchand; après la visite, il les fera <«<lier (ou plomber) et charger, afin que ces objets ne soient << plus ouverts, ni à la douane ni ailleurs. »

Après nous être occupé des pratiques et des usages divers qui réglaient les opérations commerciales des marchands chrétiens avec les marchands arabes, et leurs rapports avec les douanes, nous terminerons ces longs annexes du récit historique en parlant des marchandises mêmes qui faisaient l'objet des importations et des exportations du commerce chrétien dans le Magreb.

II. Tableau des échanges entre les chrétiens et les Arabes d'Afrique.

Les documents anciens spécifient rarement la nature même des marchandises que les navires chrétiens transportaient d'Europe en Afrique. Les traités n'arrivent presque jamais à ces indications de détail. Les actes d'association et les contrats de nolis se bornent le plus souvent à des stipulations générales sur les conditions de l'apport de fonds ou de marchandises de chaque associé, et le partage des bénéfices entre coassociés. Les tarifs indiquant les provenances nous donneraient seuls ces renseignements particuliers et précis; mais nous ne possédons qu'un bien petit nombre de documents de ce genre une énumération sommaire des principales productions du Magreb importées en Flandre au treizième siècle; un tarif pisan du quinzième siècle, et les extraits d'un livre vénitien appelé Tarif des poids et mesures, rédigé à la fin du quinzième siècle ou au commencement du seizième.

Cependant, en réunissant ces diverses notions aux indications données par Pegolotti vers 1350, aux indications d'Uzzano en 1442, et à celles que fournissent les traités, nous pouvons avoir une idée assez complète de l'ensemble des marchandises d'importation et d'exportation qui constituaient la matière même du commerce maritime entre le Magreb et l'Europe au moyen âge. Nous les énumérerons ici succinctement.

Nous n'avons pas besoin de dire quelle satisfaction nous éprouverions si cette nomenclature, dressée entièrement sur des documents certains, venait à fournir par hasard quelques notions qui pussent tourner au profit de l'industrie ou de l'agriculture de notre colonie.

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IMPORTATIONS D'EUROPE EN AFRIQUE.

1. Oiseaux de chasse.

Des faucons, des gerfauts, des autours.

2. Bois.

De Venise à El-Mehadia, à Tripoli et dans tout le Magreb, des bois de toute façon, des ensouples ou rouleaux de tisserand, des bâtons, des vases, des ustensiles et tous objets de boissellerie. De Gaëte à Tunis, de Venise à Tripoli, des bois bruts et des bois équarris ou sciés en planches, des bois de lances.

3. Métaux.

Cuivre, importé en grande quantité du douzième au seizième siècle dans tout le Magreb, d'où il pénétrait dans le pays des noirs. On l'apportait soit en barres, soit en feuilles, soit en fils. Étain, fer, acier. Venise défendait à ses galères l'exportation directe du cuivre et de l'étain, et de tous objets fabriqués avec ces métaux, de l'Angleterre et de la Flandre au Magreb. Il fallait que ces marchandises, pour aller en Afrique, eussent payé les douanes à Venise ou sortissent de Venise.

4. Armes.

Cottes de mailles, casques, lances, cuirasses, épées, venant en grande partie de la Lombardie et de l'Allemagne, importées même quand les prohibitions ecclésiastiques s'étendaient au Magreb.

5. Métaux précieux et monnaies.

Indépendamment des espèces monnayées, il se faisait une

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