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rarchie, qui est cependant impropre, car en réalité il n'y avait ni rang ni prééminence attachés aux villes. épiscopales dans l'Église d'Afrique. L'évêque le plus anciennement nommé dans chaque province prenait le pas sur les autres et en était, sa vie durant, le métropolitain ou le primat. De là résultait que souvent des villes secondaires avaient quelque temps l'honneur d'être le siège du chef ecclésiastique de la province. De même entre les six primats des temps antiques de la Numidie, de la Byzacène, de la Tripolitaine et des trois Mauritanies, la date de l'ordination donnait la primatie au plus ancien. Seul l'évêque de Carthage, quels que fussent son âge et sa récente ordination, avait la prééminence incontestée sur tous les évêques et sur tous les primats de l'Afrique. Telle était la tradition consacrée depuis la plus haute antiquité de l'Église d'Afrique par les conciles et les papes.

La Notice semble déroger à cette règle, en subordonnant Carthage et toute la Proconsulaire à la Byzacène; et une mention de Nil Doxopater, dans un livre dédié vers le milieu du onzième siècle au roi Roger, semble indiquer que cette dérogation était réellement passée dans les faits depuis quelque temps, malgré les efforts du pape pour maintenir la régulière suprématie de Carthage.

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Les papes maintiennent la prééminence du siège de Carthage.

Si déchue que fût Carthage, elle avait un évêque et dans ses vastes ruines s'étaient formés plusieurs gros villages, « beaux, riches et bien peuplés », suivant El

Bekri, qui le reconnaissaient comme pasteur. On ne sait si le titulaire essaya de défendre les prérogatives de sa dignité, ou si, au milieu du découragement et de la décadence générale, l'usurpation et l'irrégularité le laissèrent indifférent. D'autres, du moins, en furent frappés et blessés. Vers l'an 1053, trois évêques d'Afrique, de résidences non indiquées, nommés l'un Thomas, que l'on croit être l'évêque même de Carthage, les autres Pierre et Jean, voulurent revenir à l'ancienne discipline. Ils refusèrent de reconnaître les prétentions de l'évêque de Gummi, et en appelèrent de ses exigences à la décision de l'Église de Rome, qu'ils avaient déjà précédemment invoquée comme leur guide et leur lumière.

Léon IX adressa à cette occasion, l'an 1053, aux trois évêques, deux lettres décrétales, heureusement conservées et qui sont au nombre des plus précieux monuments de l'histoire de l'Église d'Afrique. Elles ont inspiré le glorieux successeur de Léon IX, qui, répondant aux injures par des bienfaits, vient, à la demande de la France, de rendre au siège de saint Cyprien son rang et ses droits dans la hiérarchie chrétienne.

Le pape Léon IX déplore la ruine de cette grande et florissante Église d'Afrique, où le malheur des temps veut qu'on ait peine à trouver aujourd'hui cinq évêques. Il loue la déférence des trois pasteurs à l'égard du pontife romain, que le Seigneur a établi au-dessus de tous les autres évêques comme l'interprète de la loi et l'arbitre des différends de l'Église universelle. Il remercie particulièrement Pierre et Jean d'avoir, de concert avec leurs prêtres, réuni un concile pour s'occuper des affaires ecclésiastiques, suivant l'invitation

que le Saint-Siège leur en avait faite; il les engage à tenir une fois au moins chaque année, s'il leur est possible, des synodes semblables, dans l'intérêt de leurs. fidèles. Abordant ensuite la question présente sur laquelle il était consulté, le pape établit sans peine l'irrégularité et l'illégitimité des prétentions de l'évêque de Gummi. Il rappelle les décisions des conciles depuis celui du bienheureux Cyprien, et les constitutions apostoliques établissant que dans l'Église d'Afrique l'évêque de Carthage seul reçoit le pallium de l'Église apostolique, que seul et à jamais il est le métropolitain de toute l'Afrique, le primat incommutable de tous les autres. évêques de l'Église d'Afrique, quelle que soit l'importance politique ou la population des villes qu'ils habitent. «Carthage, dit le pontife, dans ses lettres pro<< phétiques, conservera cette glorieuse et canonique << prééminence tant que le nom de Notre-Seigneur « Jésus-Christ sera invoqué dans ses murs, que ses mo<<numents épars gisent toujours comme aujourd'hui <«< dans la poussière, ou qu'une glorieuse résurrection << vienne un jour en relever les ruines. »

L'histoire ne fait pas connaître la fin du différend soulevé par un honorable scrupule entre les évêques africains et leur collègue de Gummi. A quelque temps de là, nous trouvons le siège de Carthage occupé par un prélat que tourmentaient de non moindres soucis. Ses confrères semblaient bien le reconnaître pour leur primat, mais il éprouvait les plus cruels chagrins de l'insubordination de ses propres ouailles et des exigences tyranniques du prince musulman dont il était politiquement le sujet.

1007-1090. Démembrement du royaume des Zirides. Création du royaume berbère des Hammadites dans la Mauritanie orientale, à El-Cala, puis à Bougie.

Le territoire de Carthage et de Tunis ne dépendait plus alors des rois d'El-Mehadia et de Kairouan. L'invasion des Hilaliens, en désorganisant leur gouvernement, avait consolidé d'anciennes résistances et favorisé de nouvelles usurpations. Déjà, depuis le commencement du onzième siècle, la Numidie, confiée à un prince collatéral de leur propre famille, avait cessé d'obéir aux Zirides. Hammad, fils de Bologguin, nommé par le roi El-Mansour, son frère, gouverneur de Msila, ne s'était pas contenté de son commandement. En 1007 ou 1008 (398 de l'hégire), il avait fondé entre Msilah et Sétif, la ville d'El-Cala, dite aussi Calaat des Beni Hammad, pour y fixer sa résidence. Il fit construire en ce lieu, où n'existe plus aujourd'hui qu'un minaret témoin de son ancienne importance, des mosquées, des caravansérails, des palais, des établissements de toute sorte, « en un mot, dit Ibn Khaldoun, il y << réunit tout ce qui est nécessaire à la culture des scien«< ces, du commerce et des arts, et tout ce qui consti<< tue une vraie capitale ». Il l'entoura de remparts et y déclara son indépendance, l'an 405 (1014-1015), en se plaçant sous la suzeraineté des Abbassides, parce que la cour d'El-Mehadia reconnaissait encore la suprématie du calife d'Égypte.

El-Cala s'accrut rapidement. Hammad y appela les habitants des pays les plus éloignés. « Des artisans et des étudiants des extrémités de l'empire y accoururent. » L'on y voyait encore, à une époque postérieure,

quand la fondation de Bougie l'avait réduite à n'être plus que la seconde capitale des Hammadites, une population chrétienne bien traitée des souverains du pays et gouvernée par un chef que les Arabes appelaient calife et qui était certainement un évêque. Les fils d'Hammad continuèrent sa politique éclairée et tolérante. Quand les Zirides refusèrent l'hommage aux Fatimides et firent prononcer la prière publique du vendredi au nom des califes de Bagdad, les Hammadites abandonnèrent le parti de ces princes et adoptèrent celui des Fatimides. Ils agrandirent leurs États, maintinrent leur indépendance contre les Zirides, et résistèrent aux attaques des dynasties du Maroc, avec lesquelles leurs provinces confinaient vers l'ouest.

Bone, Constantine, Biskara, Bouçada étaient à eux. Leur royaume nous semble avoir compris toute la Numidie, la première Mauritanie et une grande partie de la Mauritanie Césaréenne, en arrivant peut-être jusqu'au cours supérieur du Chélif, à la hauteur d'Alger, mais sans s'étendre jusqu'à cette ville. Le centre de leur petit empire se trouvait dans la Mauritanie première, dont Sétif avait été le chef-lieu au temps de l'administration romaine. Aussi les papes qui ont été en relations avec l'un de ces princes, le plus célèbre et le plus puissant de tous, En-Nacer, fils d'Alennas, lui donnaient-ils le titre de roi de la Mauritanie Sitifienne.

En-Nacer était petit-fils d'Hammad, aïeul de la dynastie. Il succéda en 1062 à son cousin Bologguin, et fonda en 1067 la ville de Bougie sur la côte occidentale de ses États, près des ruines de l'ancienne ville de Saldæ, qui appartenait à la Mauritanie Césaréenne. El

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