Images de page
PDF
ePub

événements de son règne, ses lois, les honneurs qui lui ont été rendus, les donations qu'il a faites au peuple, ses conquêtes, ses relations avec les peuples étrangers, etc. Il y a là une foule de données du plus grand intérêt pour l'antiquaire et l'historien.

M. Perrot était déjà connu comme l'un des élèves les plus distingués de l'Ecole normale et de l'Ecole française d'Athènes. La mission dont il a été chargé ne pouvait guère tomber en des mains plus capables. Nous le félicitons sincèrement d'une découverte qui attache désormais à son nom une illustration méritée. — Ed. Scherer.

BIBLIOGRAPHIE

NOTICE SUR MAHOMET, par Reinaud, de l'Institut. Paris (Firmin Didot, frères, éditeurs), 1860; in-8°.

Mahomet est, sans contredit, une des plus grandes et des plus intéressantes figures de l'histoire moderne. M. Reinaud a entrepris de nous la montrer dans son véritable jour, avec l'expérience profonde qu'il a acquise des choses musulmanes et la connaissance, aussi rare que précieuse, qu'il possède de l'ancienne littérature arabe. Conservateur des manuscrits orientaux de la Bibliothèque impériale, et possédant lui-même une riche collection de documents originaux, il a pu donner à son travail non-seulement un véritable intérêt de nouveauté, mais encore les caractères d'un écrit rigoureusement scientifique, dans lequel la saine érudition, tout en garantissant l'exactitude des faits énoncés, ne retire rien du mérite purement littéraire de l'ouvrage.

Il est toutefois à regretter que l'auteur se soit borné à un résumé rapide des documents dont il possède la clef, et ait toujours eu en vuè de donner le caractère de notice au savant volume qu'il vient de faire paraître. A chaque page, on s'aperçoit combien M. Reinaud possède plus d'éclaircissements qu'on en a donnés jusqu'à ce jour sur la vie du Prophète. Bien qu'on ait déjà beaucoup écrit sur Mahomet, il· n'y a guère que depuis quelques années qu'on commence à se former une idée vraie du caractère de ce grand réformateur. Les appréciations les plus singulières et les plus inattendues fourmillent dans les livres écrits au siècle dernier sur cet illustre personage; et il n'y a pas jusqu'à la tragédie de Voltaire qui ne contribue à dénaturer une page de l'histoire déjà trop environnée d'incertitudes.

Pour écrire avec sûreté sur un fondateur de doctrines, il faut sans cesse s'appuyer sur les ouvrages originaux, et si ces ouvrages n'ont pas encore été traduits, il faut laisser aux savants qui sont à même de les comprendre le privilége de s'en occuper. Plusieurs arabisants distingués se sont livrés récemment à la publication de précieux documents sur Mahomet. La notice de M. Reinaud, en nous fournissant une large part de documents jusqu'ici inexploités, nous donne un avant-goût de ce que nous pourrons obtenir des nouveaux ouvrages dont on nous promet de doter prochainement les sciences orientales.

CH. DE LABARTHE.

SOUVENIRS D'UN AMIRAL, par le contre-amiral Jurien de la Gravière. Paris (Hachette et Cie, éditeurs), 1860; 2 vol. in-12.

Entraîné par les circonstances et par un attrait irrésistible, un jeune homme d'une famille obscure mais respectable, prend la mer sur les navires du commerce, passe sur ceux de l'État, participe, sous l'ancien régime, aux travaux de la traite et de la découverte, et visite des pays alors inconnus, aujourd'hui encore peu explorés ; supporte sa part des souffrances de nos gens de mer, sous la République et l'Empire, prévoit avec la Restauration un avenir meilleur pour la marine française, et s'endort, avec des rêves de progrès, dans l'uniforme de contre-amiral. Voilà certainement un sujet intéressant et susceptible d'attacher le lecteur, surtout s'il est traité dans une forme convenable. M. l'amiral Jurien de la Gravière y a réussi au delà de tout ce qu'on devait prévoir. Il est impossible d'imaginer une forme plus délicate et plus sobre, mise au service d'une pensée plus élevée et mieux ordonnée. N'y cherchez pas le jargon trop fré quent chez les auteurs prétendus maritimes, les descriptions aussi fausses que banales de la mer, des navires et de leur prétendue coquetterie ; l'enthousiasme de convention pour les mérites vrais ou supposés du matelot; l'histoire pompeuse des faits les plus vulgaires de la vie de mer: vous n'y trouverez rien de cela. Mais ce que vous y rencontrerez à coup sûr, c'est une vraie appréciation des hommes et des choses, des notions pleines d'exactitude, des récits imprégnés de charme et de simplicité. Nous ne demandons pas à l'auteur, si les pensées qu'il prête à son héros sont bien celles du temps où il a vécu, elles sont einpreintes d'une telle élévation, éclairées de vues si droites et si généreuses, que malgré les progrès déjà réalisés dans la science de la vie générale par les hommes qui sont dignes de ce nom d'homme, c'est à peine si, de nos jours même, nous voudrions les considérer autrement que comme une heureuse exception. Evidemment quand le héros agit, c'est l'auteur qui parle, et c'est à ce dernier que tout le mérite doit revenir.

A. CASTAING.

RENSEIGNEMENTS HYDROGRAPHIQUES sur les îles Bashee, les îles Formose et Lou-tchou, la Corée, la mer du Japon, les îles du Japon et

la mer d'Okhotsk, mis en ordre et publiés par Le Gras, capitaine de frégate. Paris, 1860; in-8°.

Ce volume, publié par le Dépôt des cartes et plans de la marine, renferme une foule de renseignements pour les navigateurs qui sont appelés à parcourir les mers de l'Extrême Orient; et ces renseignements sont d'autant plus précieux qu'on sait combien sont dangereuses ces mers, presque constamment soumises à la terrible influence des typhons (en chinois: taï foung «grand vent »). L'auteur a eu l'excellente idée d'y joindre de temps à autre quelques faits statistiques et ethnographiques d'un véritable intérêt, ainsi qu'un vocabulaire japonais-aïno.

Il est à regretter toutefois que, dans ce vocabulaire, et en généra dans toute la nomenclature géographique de l'ouvrage, il se soit glissé un nombre prodigieux d'erreurs que M. Le Gras aurait pu éviter s'il avait eu soin de soumettre ses épreuves à un orientaliste initié à la connaissance des langues de l'Asie orientale. Ces erreurs de nomenclature sont très-regrettables, surtout dans des publications qui émanent en quelque sorte d'une source officielle. Elles ont pour résultat d'amener de déplorables confusions et des erreurs qui se perpétuent pendant des siècles, sans qu'il soit possible de les réparer, l'usage donnant un caractère en quelque sorte indélébile aux noms erronés, aussi bien qu'aux noms exactement transcrits. C'est ce qui complique la multiplicité des désignations qu'on trouve dans les géographies et sur les cartes pour tous les pays de l'extrême Asie, et ce qui fait, sans contredit, que ces contrées sont encore s mal connues.

Quoiqu'il en soit, le livre de M. Le Gras est une œuvre très-utile, et nous le recommandons particulièrement à l'attention de nos lecteurs.

Ouvrages publiés en Orient.

Rutherford Alcock, Elements of Japanese grammar, for the use of beginners, Shanghaï: 1861; in 8° de 67 p.

Ce volume, rédigé par le ministre plénipotentiaire d'Angleterre au Japon, a été imprimé avec soin en caractère kaia-kana; mais au point de vue de la linguistique, il n'apprend rien de nouveau et est notablement inférieur aux publications analogues qui l'ont précédé. Herschel's Outlines of Astronomy. Shanghai, 1859, 3 vol. in-8° (en

chinois.)

Taï-sou-hioh (trad. chinoise de l'Algèbre de Morgan). Shanghaï, 1859, in 8°.

La Société ethnologique de New-York vient d'entreprendre la publication d'un nouveau recueil périodique qui paraîtra huit fois par an sous le titre de: Bulletin of the American ethnological Society, in-8°.

Paris.

LÉON DE ROSNY.

DE SOYE et BOUCHET, imprimeurs, place du Panthéon, 2.

GUL O SANAUBAR

ROSE ET CYPRÈS

CONTE TRADUIT DE L'HINDOUSTANI 1.

INVOCATION.

Louange au Créateur qui a créé l'homme, la plus excellente des créatures, et qui a revêtu le monde de la robe de l'existence! Par la pluie de sa bonté, les jardins de l'amour et de l'amitié sont humectés, et, par les ondées de sa miséricorde, les champs de la bonté et de la beauté sont verdoyants. Au firmament, le soleil est la lucarne du palais de sa gloire, et l'aurore est le flambeau de la salle nocturne de sa beauté. Le calam pourra-t-il avoir la fermeté nécessaire pour en faire la description, et le papier l'étendue convenable pour la contenir? Le portefaix du ciel est fatigué par le poids de ses bienfaits, et l'oiseau doré du soleil prend chaque matin, de la moisson de sa miséricorde, le grain des étoiles. De la terre au ciel, les corps terrestres et célestes baissent le front de l'adoration à la cour de sa grandeur. Et, de la lune au poisson, grands et petits ont leurs désirs satisfaits. Lorsque

Le conte musulman dont je donne ici la traduction est instructif sous le point de vue ethnographique et comme spécimen du style oriental. Il offre aussi un exemple frappant de l'application pratique de la doctrine du fatalisme dans le singulier dénouement qui le termine.

Le mot Sanaubar, que je traduis par « cyprès », signifie plutôt « pin » ; mais l'expression étant générique, et s'appliquant à tous les arbres conifères, et entre autres au «< sapin j'ai dù le traduire ici par « cyprès », parce qu'il est question, dans l'invocation du Sanaubar, qui se tient « debout » (droit) dans la contemplation de Dieu, expression usitée et plus naturelle en parlant du cyprès.

2 Métaphore pour signifier que l'éclat du soleil fait disparaître celui des étoiles.

VII.

nov.-déc. 1861.

5

le capitaine de sa générosité déploie les voiles de la bienveillance, il fait parvenir le navire de l'espérance au rivage désiré. Et lorsque l'océan de sa fureur est en agitation, il fait sombrer en un instant les navires des fautes. Ceux qui se livrent à la contemplation ont pour partage le royaume éternel; et ceux qui ferment les yeux pour n'apercevoir que Dieu voient tout dans le miroir de leur cœur. Dieu est un roi tel que les anges sont les gardiens du seuil de sa porte, et le soleil et la lune les chambellans du palais de sa gloire. Il a donné à l'homme fait de terre la lumière de l'intelligence, et sa sagesse a ouvert, pour affirmer sa souveraineté, le livre du témoignage (le Coran). L'éclat des quatre marchés des éléments existe par les soins de sa puissance; et l'administration du pays de l'existence a lieu par les soins du lieutenant de sa sagesse. Avec de la terre, il a formé des êtres tellement purs qu'ils plaisent aux cœurs des anges. Le majordome de sa grâce a donné à chacun des vêtements variés : au soleil, la lumière; à la lune, ses phases; aux étoiles, la clarté ; au ver luisant, l'éclat; aux arbres, une robe verte; aux gens ivres, l'ombre des vignes; au ciel, un manteau de satin humide; à la terre, un manteau de verdure brillante.

Sa miséricorde effective a départi à tous des bienfaits infinis: à la rose, le jardin ; à l'esprit, le corps; à la mine, la pierre précieuse; à l'huître, la perle; au rubis, l'éclat; au diamant, l'eau ; l'émeraude est revêtue de vert par sa grâce; le saphir a sur ses épaules un manteau bleu qu'il tient du palais de ses bienfaits; la rose, pour écouter le chant de l'unité, a ouvert l'oreille du désir; et le rossignol fait entendre, en souvenir de Dieu, ses accents divers.

O Dieu, comment aurai-je la force d'écrire convenablement tes louanges! Ta lumière paraît dans chaque atôme, ta dignité se montre à tous. La beauté des femmes aux joues de rose est la manifestation de ton éclat. Quelqu'un sait-il ce que tu es et où tu es? Si, dans le jardin, la rose sourit, le

« PrécédentContinuer »