Images de page
PDF
ePub

Abd - el - Azîz accueillit les envoyés de la manière la plus distinguée et les congédia avec de grandes démonstrations d'amitié.

L'émir Abou-Ishac revint à Constantine et reçut de son père un diplôme qui le nommait gouverneur de cette ville et qui l'autorisait à prendre le titre de roi et le cérémonial d'une cour souveraine. Comme il était encore très-jeune, il resta sous la tutelle du caïd Bechir. Cet affranchi mourut en 778 (1376-7), au moment où il venait d'achever l'éducation du son pupille et de le rendre apte au commandement. Le sultan renouvella alors l'acte par lequel Abou-Ishac fut déclaré gouverneur de Constantine et il permit à ce prince d'entrer dans l'exercice du pou voir. Abou-Ishac remplit cette place de manière à confirmer la haute opinion qu'on avait formée de ses talents, et y déploya toutes les belles qualités dont il avait déjà donné tant d'indices.

Ces deux émirs devinrent ainsi princes souverains, l'un, de la ville et de la province de Constantine, l'autre de la ville et de la province de Bougie. Le sultan leur en donna le commandement absolu et la permission de prendre le titre, le cérémonial et les insignes de la royauté.

Quant à l'émir Abou-Yahya-Zékéria, le frère bien-aimé du sultan, il avait continué de gouverner la ville et la province de Bône, depuis la prise de cette place importante. Lors de l'expédition qui amena la conquête de l'Ifrîkïa, Abou-Yahya, qui devait y prendre part, se douta bien que son absence de Bône serait longue, sachant que son frère était toujours bien aise de l'avoir auprès de lui. Mu par cette considération, il confia le commandement de ses états à son fils, l'émir Abou-Abd-AllahMohammed, et l'installa dans le palais. Ce choix fut dicté par les vertus du jeune prince, par sa réputation de piété et par les grandes qualités qui le rendaient digne du commande

ment.

Les choses ont continué en cet état jusqu'à ce jour nous sommes maintenant en l'an 783 (1381-2).

PRISE DE CAFSA ET DE TOUZER. LES PETITS ÉTATS DE CASTILÏA SONT INCORPORÉS DANS L'EMPIRE.

Avant le règne d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, le partage de l'empire avait tellement affaibli l'autorité hafside que les chefs des villes du Djerîd s'étaient organisés en conseil administratif et avaient usurpé le gouvernement de ce pays. Le sultan que nous venons de nommer tourna ses regards vers eux aussitôt qu'il monta sur le trône et qu'il se fut débarrassé de graves affaires dont il était préoccupé jusqu'alors. A la suite de plusieurs expéditions qu'il envoya de ce côté, il s'y rendit en personne, abolit le conseil des chefs et plaça le Djerîd sous le commandement de son fils Abou-'l-Abbas. Sa mort mit tout en désordre; les Arabes nomades s'emparèrent d'une grande partie de l'Ifrîkïa, après avoir défait le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen à Cairouan, et les anciens membres du conseil djéridien reprirent leurs habitudes de révolte. Ces chefs, qui avaient été réduits au niveau de tributaires prirent encore les allures et les emblèmes de la royauté, ils osèrent s'asseoir sur des trones, parcourir les rues en grand cortège et traiter avec une hauteur insolente les hommes de bien qui se présentaient à leur cour. Dans les jours de fête ils paraissaient entourés des attributs de souveraineté, frappant exemple des caprices de la fortune, beau sujet de ridicule ponr les esprits malicieux ! Enfin, égarés par la vanité, ils s'arrogèrent les titres réservés au khalife, et, favorisés par la désorganisation de l'empire, ils persistèrent dans cette voie pendant plusieurs années.

Quand le sultan Abou-'l-Abbas dompta l'Ifrîkïa et que Tunis eut trouvé en lui le faucon sans cesse vigilant, le lion toujours prêt à s'élancer hors de sa tanière, les chefs du Djerîd, prédestinés à devenir sa proie, croyaient à chaque instant le voir se précipiter sur eux. Pour prévenir ses attaques, ils poussèrent les Arabes contre lui, s'imaginant qu'ils affaibliraient son courage en allumant le feu de la rebellion et en s'appuyant sur la trahison et la révolte. Abou-'l-Abbas usa d'abord d'une grande

indulgence à leur égard, dans l'espoir de les ramener à l'obéissance et de leur faire suivre le sentier de la rectitude; il chercha même à gagner leur confiance par des marques de faveur et par des promesses séduisantes; mais, ayant bientôt reconnu que cette conduite ne faisait qu'augmenter leur audace, il se décida pour des mesures vigoureuses et, à leurs démonstrations hostiles, il répondit par la guerre.

En l'an 777 (1375-6), il quitta Tunis à la tête d'une armée dans laquelle se trouvèrent réunis les troupes almohades, les corps de milice et d'affranchis, plusieurs tribus zenatiennes et les tribus arabes de Mohelhel et de Hakim. Les Aulad-Abi-'lLeil rassemblèrent leurs forces pour l'empêcher de pénétrer dans le Djerid et, pendant quelques jours, ils lui opposèrent une vive résistance; mais, obligés enfin à prendre la fuite, ils s'éloignèrent en lui abandonnant leurs sujets, les Merendjiza.

Ce peuple, un des derniers débris de la tribu des Beni-Ifren, s'était établi dans la campagne de l'Ifrikïa, à côté des nomades qui faisaient partie des Hoouara, des Nefouça et des Nefzaoua. Avant l'époque actuelle, ils avaient fourni au sultan des impôts considérables et de fortes contributions; mais, quand les Arabes se rendirent maîtres du pays ouvert et luttèrent à l'envi pour arracher des concessions au gouvernement, les Merendjîza, population nomade, échurent en partage à la famille des HamzaIbn-Abi-'l-Leil. Dès lors, ces Arabes retirèrent de la tribu ainsi conquise de gros impôts, de fortes contributions, de l'argent, de bêtes de somme, de grains et de guerriers. Dans leurs luttes avec le gouvernement hafside, ils se faisaient aider par les cavaliers de cette population. Le sultan, ayant soumis les Merendjîza, s'empara de leurs richesses, emmena leurs chefs aux prisons de Tunis et congédia ses alliés. Les Aulad-Abi-'l-Leil, dont il enleva ainsi la principale ressource, perdirent leur audace et, depuis qu'ils ont eu les ailes coupées de cette façon, ils sont tombés dans un affaiblissement d'où ils ne peuvent plus se relever.

Abou-Sanouna profita de la retraite du sultan pour quitter le parti des Almohades et se liguer avec les Aulad-Abi-l-Leil.

Secondé par ses nouveaux alliés, il alla ravager les environs de Tunis pendant plusieurs jours. Au commencement de la saison des pluies, le sultan sortit à la poursuite des rebelles et poussa jusqu'à Souça et El-Mehdia, en suivant la route du littoral. Après avoir levé des contributions dans les cantons appartenant à Abou-Sânouna, il se dirigea vers Cairouan d'où il marcha sur Cafsa. Les Auled-Abi-'l-Leil se réunirent pour couvrir cette ville, ainsi que la ville de Touzer, dont le seigneur leur avait fait passer de l'argent. Leur résistauce fut inutile; le sultan arriva sous les murs Cafsa et y mit le siége. Trois jours après, voyant que les habitants persistaient dans leur insoumission, il commenca à faire abattre leurs dattiers. Aussitôt, cette population de cultivateurs quitta ses demeures et passa du côté des Hafsides, en abandonnant son chef, Ahmed-Ibn-el-Abed, vieillard dont l'esprit s'était affaibli par l'âge. Mohammed, son fils et l'arbitre de ses volontés, vint aussi pour offrir sa soumission, et il s'engagea à payer toute les contributions que le sultan lui demanderait. Étant alors rentré dans la ville, il trouva une partie des habitants aux prises avec l'autre et, voyant qu'ils allaient sortir [au-devant du sultan], il s'empressa de les y devancer. En passant par la porte, il fut arrêté et conduit au quartier général des assiégeants par l'ordre d'Abou-Yahya, frère du sultan, qui s'était avancé à la tête de troupes d'élite, pour occuper la citadelle et s'emparer de la ville. Cette fois-ci, Mohammed resta au pouvoir du sultan, et il eut bientôt pour compagnon de сарtivité son père, Ahmed-Ibn-el- Abed, que les vainqueurs emmenèrent prisonnier de la ville conquise. Son palais et ses trésors furent confisqués. Le sultan reçut alors des habitants et de leurs cheikhs le serment de fidélité, leur donna pour gouverneur son fils, Abou-Bekr, et partit aussitôt après pour attaquer la

ville de Touzer.

Ici les manucrits et le texte arabe imprimé portent Ahmed. Il faut lire Mohammed.

Le texte arabe dit: avec les familiers (khassa) et les amis (aoulia).

Ibn-Yemloul, seigneur de Touzer, apprit par un courrier la chute de Cafsa et s'enfuit vers le Zab, accompagné de sa famille et chargé de la portion de ses trésors qui était la plus facile à emporter. Le sultan était déjà en marche, quand un messager, envoyé par les habitans de Touzer, vint lui apprendre le départ de leur chef. Encouragé par cette nouvelle, il poussa en avant, prit possession de la ville, du palais et des trésors du fuyard. La quantité de meubles, d'armes, de vases d'or et d'argent, qui tomba entre ses mains dépassa tout ce qu'on pouvait imaginer; on aurait cru impossible au plus grand monarque de la terre de rassembler autant d'objets précieux. Quelques individus apportèrent au sultan des pierreries, des bijoux et des étoffes qu'Ibn-Yemloul avait déposés chez eux et dont ils ne voulaient plus se charger. El-Montacer, fils du sultan, reçut le commandement de la ville et s'installa dans le palais de son prédécesseur.

Sommé par le sultan, El-Khalef-Ibn-el-Khalef, seigneur de Nefta, vint offrir sa soumission et recevoir un diplôme qui le confirmait dans le commandement de cette ville. A la même occasion, il fut nommé chambellan d'El-Montacer et se fixa à Touzer, auprès de ce prince. Le sultan reprit alors la route de sa capitale.

Pendant qu'il faisait ses conquêtes dans le Djerîd, les Arabes réfractaires avaient envahi le Tell et, maintenant qu'il se dirigeait vers Tunis, ils essayèrent de lui barrer le passage. Cette tentative leur valut un châtiment qui réprima leur audace; ils prirent la fuite et passèrent dans les contrées occidentales où ils espéraient un retour de fortune. Sur l'invitation d'Ibn-Yemloul, qui leur avait proposé d'entrer an service du seigneur de Tlemils y envoyèrent Mansour-Ibn-Khaled, un de leurs cheikhs, accompagné de son cousin, Nasr-Ibn-Mansour. Les deux chefs demandèrent à ce souverain l'appui de ses armes, ainsi que les gens de leur tribu l'avaient autrefois demandé à son prédécesseur, Abou-Tachefin. Ils furent renvoyés avec de belles promesses, mais ils y virent si clairement l'impuissance de ce souverain qu'ils s'en retournèrent dans leur tribu.

cen,

Soula[-Ibn-Khaled, des Aulad-Abi-'l-Leil,] se fit alors en

« PrécédentContinuer »