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En l'an 688 (1289) les Siciliens prirent encore possession de Djerba et y bâtirent le château nommé El-Cachetil. Cet édifice est de forme carrée, avec une tour à chaque angle et une tour au milieu de chaque courtine. Le tout est entouré d'une double muraille et d'un fossé. L'existence d'une telle forteresse dans le voisinage des musulmans les tint dans des inquiétudes continuelles, et le gouvernement de Tunis ne cessa d'expédier des troupes pour l'attaquer; enfin, Makhlouf-Ibn-el-Kemad, officier du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, s'en rendit maître en 738 ,(1337-8).

Sur la prière d'Ibn-Mekki, seigneur de Cabes, cette île lui fut remise, et elle continua, même après la mort du sultan, à faire partie de ses états.

En l'an 763 (4364--2), Ibn-Tafraguîn, toujours hostile à IbnMekki et encouragé par les habitants de l'île. qui étaient mécontents de leur chef, rappela son fils Abou-Abd-Allah, qui se trouvait à Bougie avec le sultan, et l'envoya contre Djerba à la tête d'une armée. Ahmed-Ibn-Mekki était alors à Tripoli, ville où il avait établi le siége de son gouvernement quand il la racheta des chrétiens.

L'armée tunisienne, secondée par une flotte qui partit de la capitale en même temps qu'elle, pénétra dans l'ile, mit le siége devant El-Cachetîl et finit par s'en emparer. Le vainqueur y établit l'autorité du sultan et laissa comme gouverneur son secrétaire, Mohammed-Ibn - Abi -'l-Cacem - Ibn - Abi-'lOïoun, ancien serviteur de l'empire.

Le père de ce fonctionnaire était parent du chambellan IbnAbd-el-Aziz et dut son avancement à cette circonstance. Nommé adjoint d'Abou-'l-Cacem-Ibn-Taher, directeur des finances à Tunis, il en devint lui-même directeur en chef, lors de la mort de celui-ci, événement qui eut lieu sous l'administration d'AbouMohammed-Ibn-Tafraguin. Son fils, Mohammed, entra au service d'Abou-Abd-Allah, fils d'Ibn-Tafraguîn, en qualité de secrétaire et resta dans l'exercice de cet emploi jusqu'à sa nomination au gouvernement de Djerba. Abou-Abd-Allah reprit alors la route de la capitale.

T. HI.

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Après la mort du chambellan Ibn-Tafraguîn et la fuite de son fils, leur créature, Ibn-Abi-'l-Cacem, qui avait toujours conservé le gouvernement de Djerba, s'y déclara indépendant; mais, en l'an 774 (1372-3), il perdit son autorité usurpée, ayant été vaincu par le sultan Abou-'l-Abbas.

RETOUR DES PRINCES HAFSIDES QUE LES MÈRINIDES AVAIENT DÉPORTÉS EN MAGHREB. LE SULTAN ABOU-'L-ABBAS S'EMPARE DE CONS

TANTINE.

Après la mort d'Abou-Einan, le vizir El-Hacen-Ibn-Omar prit la direction des affaires et plaça sur le trône du Maghreb Mohammed-es-Saîd, fils du monarque décédé. Animé d'une haine profonde contre [ le prince hafside] Abou-Abd-Allah, ex - seigneur de Bougie, il le fit emprisonner, pour l'empêcher, disait-il, de tenter un coup de main contre cette ville.

Quant au sultan Abou-'l-Abbas, nous avons déjà mentionné qu'Abou - Einan l'avait fait reléguer dans Ceuta pour y être gardé à vue.

Mansour - Ibn - Soleiman, prince de la famille royale des Mérindes, profita de la mort du sultan pour mettre le siége devant la Ville-Neuve, centre de l'administration du Maghreb, et se fit reconnaître comme sultan par toutes les provinces de l'empire. Sur son invitation, le prince Abou- 'l-Abbas se mit en route pour aller le joindre, mais, arrivé à Tanger, il s'attacha au prince mérinide, Abou-Salem, qui était arrivé d'Espagne afin de faire valoir ses droits au trône et qui venait d'occuper cette ville ainsi que Ceuta. Secondé par les Merinides qui tous abandonnèrent le parti de Mansour-Ibn-Soleiman, le sultan Abou-Salem consolida son autorité, fit son entrée à Fez et mit en liberté l'émir Abou-Abd-Allah. Se rappelant alors les bons services d'Abou-'l-Abbas et les preuves d'amitié qu'il avait toujours reçues de ce prince, il lui assigna la première place à la cour, avec une forte pension, et promit de l'aider dans

l'accomplissement de ses projets. Les deux émirs restèrent avec leur protecteur jusqu'à ce qu'il eut pris Tlemcen et conquis le Maghreb central.

A cette époque, Abou-Salem apprit avec un vif dépit, que les habitants de Bougie avaient expulsé de leur ville Yahya-IbnMeimoun et les autres officiers mérinides; aussi, quand il fut rentré en Maghreb, il résolut d'évacuer les provinces orientales de son empire. Ayant, en conséquence, cédé à son ami Abou-'lAbbas la ville de Constantine, berceau de la gloire de cet émir et premier siége de son autorité, il adressa au gouverneur, Mansour-Ibn-Khalouf, l'ordre de remettre cette forteresse au prince hafside. L'émir Abou-Abd-Allah partit avec son cousin Abou'l-Abbas, afin de faire une tentative contre Bougie et d'envahir le territoire de son oncle, le sultan Abou-Ishac. De cette manière, Abou-Abd-Allah espérait faire oublier l'affront qu'il avait subi en perdant sa capitale.

Les deux princes quittèrent Tlemcen dans le mois de Djomada 764 (avril-mai 1360) et s'empressèrent de rentrer dans leur pays. Abou-'l-Abbas remit à Ibn-Khalouf la lettre d'AbouSalem et obtint encore possession de la ville de Constantine. Dans le mois de Ramadan (juillet-août), il y fit son entrée et, monté sur le trône, il rendit la joie à ces palais qui avaient tant regretté son absence. Ce fut là le commencement de son règne comme sultan et un témoignage frappant du bonheur qui l'attendait.

L'émir Abou-Abd-Allah prit la route de Bougie et, parvenu à la frontière de la province, il rassembla autour de lui les AuladSebâ, fraction des Douaouida qui en fréquentait les campagnes et les plaines. Soutenu par ces Arabes, il assiégea Bougie pendant plusieurs jours et, trouvant que la garnison voulait prolonger la resistance, il transporta son camp à Beni-Baurar et prit à son service les Aulad-Mohammed-Ibn-Youçouf et les tribus azîziennes, fractions de la grande tribu des Sedouîkich. Trahi ensuite par ses nouveaux alliés qui passèrent du côté de son oncle, lequel se tenait alors dans Bougie, il partit avec les Douaouida et alla se jeter dans le Désert.

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L'ÉMIR ABOU-YAHYA ^ –ZÈKÉRÏA QUITTE TUNIS ET ARRIVE CHEZ SON FRERE ABOU-'L-ABBAS. IL S'EMPARE DE BONE.

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Nous avons dit que l'émir Abou-Yahya-Zékérïa avait reçu de son frère Abou-'l-Abbas l'ordre d'aller voir leur onele, le sultan Abou-Ishac, et de lui demander des secours. Depuis lors, il était resté à Tunis. Le chambellan Ibn-Tafraguin ayant appris l'occupation de Constantine par Abou-Einan, avait craint que ce prince ne fît une tentative contre la capitale, et, croyant que la chute d'Aboa - '1- Abbas avait réduit Abou-Yahya à l'impuissance, il s'était décidé à faire enfermer celui-ci dans la citadelle. Abou-'l-Abbas 3 négocia ensuite un traité de paix et obtint la liberté de son frère qui avait été traité dans sa prison avec les plus grands égards. Quand il le revit à Constantine il lui donna le commandement d'un corps d'armée et l'envoya, en l'an 762 (1360), contre Bône. La ville fut prise et passa, avec son autorisation, sous le commandement du prince qui en avait fait la conquête. Elle reçut alors de Constantine un corps de troupes pour y tenir garnison et devint ainsi une des places frontières du royaume d'Abou-'l-Abbas.

L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH S'EMPARE DE BOUGIE ET DE

TEDELLIS.

L'émir Abou-Abd-Allah passa chez les Arabes nomades après avoir quitté le Maghreb et fait une première tentative contre Bougie. Les Aulad-Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Sebà embrassèrent alors son parti et le servirent avec un zèle extraordinaire. Ils le prirent sous leur protection, l'établirent dans leur camp et, chaque

1 Dans l'errata, on a imprimé, par erreur, Djebbi à la place de Yahya. 2 Ci-devant, page 57.

3 Le texte arabe et les manuscrits portent, à tort, Abou-'l-Hacen.

fois qu'ils rentraient de leurs quartiers d'hiver, ils marchèrent avec lui contre Bougie. Ils se chargèrent même de son entretien, de celui de sa famille et de ses serviteurs; ils lui donnèrent pour demeure la ville d'El-Mecîla et lui abandonnèrent toutes les sommes qu'ils recevaient à titre de tribut. Pendant quatre ans, il resta avec eux, et, chaque été, il allait attaquer Bougie à plusieurs reprises. Dans la cinquième année, il quitta ses protecteurs pour les Aulad-Ali-Ibn-Ahmed et fixa son séjour dans Maggara, ville située dans le territoire de [leur chef] YacoubIbn-Ali.

Son oncle, le sultan Abou-Ishac, se decida, vers cette époque, à [quitter Bougie et] se rendre à Tunis; voulant prendre ses précautions en cas de la mort de son tuteur et chambellan, AbouMohammed-Ibn-Tafraguïn, événement qu'un devin lui avait secrètement annoncé comme devant bientôt arriver. Les habitants de Bougie ayant appris son intention, résolurent de l'abandonner à son sort et, cédant à leur mécontentement, ils invitèrent leur ancien émir, Abou - Abd - Allah, à quitter Maggara et à venir les trouver. Yacoub-Ibn-Ali seconda cette proposition et, s'adressant aux chefs des Sedoufkich, peuple qui vivait sous la tente, il leur fit jurer de servir fidèlement son protégé. Ils partirent alors tous avec leur prince et bloquérent Bougie pendant quelques jours. La populace de la ville s'étant dégoûtée de son prévôt, Ali-Ibn-Saleh, et sachant que le sultan Abou-Ishac voulait s'en aller, répudia formellement l'autorité de ce monarque et le livra à l'émir Abou-Abd-Allah, qui se tenait à Er-Rassa, dans la banlieue de la ville. Ce prince épargna les jours du prisonnier et lui permit de partir pour Tunis. Ceci se passa dans le mois de Ramadan 765 (juin-juillet 1364).

Devenu encore maître de sa capitale, Abou-Abd-Allah [fit arrêter]+ Ali-Ibn-Saleh et les autres chefs de la canaille; les ayant ensuite fait juger selon la loi de Dieu, il les punit de mort et confisqua leurs biens. Deux mois après la prise de la ville, il

Ici, il faut sans doute insérer les mots oua tacabbed.

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