Images de page
PDF
ePub

y retrouva son frère et lui prêta un concours actif afin de faire valoir leurs droits.

Sur ces entrefaites, Khaled-Ibn-Hamza, chef des Aulad-Abi'l-Leil [kaoubiens], se brouilla avec Ibn-Tafraguîn, le tout-puissant ministre de Tunis. Celui-ci renonça alors au soutien que lui donnait cette famille et appela à son service les Aulad-Mohelhel, rivaux héréditaires des Aulad -Abi-'l-Leil. Khaled passa aussitôt du côté du sultan Abou-1-Abbas et marcha avec lui contre Tunis. Ce fut en l'an 756 qu'ils mirent le siége devant cette capitale; mais la résistance qu'ils éprouvèrent leur fit prendre le parti de s'en aller.

Abou-l-Abbas reçut alors de son frère Abou-Zeid l'invitation de venir à son secours afin de repousser l'armée mérinide qui, augmentée de nombreux renforts, tenait Constantine étroitement bloquée. Il répondit à cet appel et, soutenu par Khaled et les Aulad-Abi-'l-Leil, [il dégagea la ville]. Abou-Zeid partit alors avec Khaled pour assiéger Tunis, et confia le gouvernement de sa capitale à son frère qui l'avait si bien servi.

Abou-'l-Abbas, étant entré dans Constantine, alla s'installer dans le palais impérial. Au bout de quelque temps, ses partisans remarquèrent que les alentours de la ville se remplissaient de troupes mérinides; s'attendant aussi à voir l'armée de Bougie arriver pour les attaquer, ils invitèrent le prince à usurper le trône, en l'assurant qu'il pourrait alors défendre la place avec plus d'effet. Il y donna son consentement et fut proclamé sur le champ. Ceci se passa en l'an 755 (1354).

Abd-Allah-Ibn-Ali, gouverneur de Bougie, attaqua Constantine la même année et renouvela sa tentative en l'an 757. Il avait même dressé ses catapultes pour battre la ville quand le bruit se répandit qu'Abou-Einan venait de mourir. A cette nouvelle il leva son camp et partit précipitamment, ainsi que nous l'avons déjà dit 1.

L'émir Abou-Zeid, secondé par Khaled, dirigea ses efforts

Ci-devaut, page 51.

[ocr errors]

contre Tunis, mais il y trouva une telle résistance qu'il reprit le chemin de sa capitale. Ayant alors eu connaissance de l'usurpation de son frère, il changea de route et se rendit à Bône. De là ik écrivit à Ibn-Tafraguîn, lui demandant l'autorisation de se fixer à Tunis, et s'engageant à lui remettre la ville où il se trouvait alors. Cette proposition fut agréée; Bône passa sous l'autorité du sultan Abou-Ishac, oncle d'Abou-Zeid, et celui-ci se rendit à Tunis où un beau logement, une forte pension et de riches cadeaux lui furent réservés.

DÉFAITE DE MOUÇA-IBN-IBRAHIM.

[ocr errors]

ABOU-EINAN S'EMPARE DE CONSTANTINE [ET DE TUNIS]. AUTRES ÉVÉNEMENTS.

Le sultan Abou-l-Abbas ayant établi son autorité à Constantine et repoussé l'armée mérinide qui était sortie de Bougie pour l'attaquer, fournit aux peuples voisins un nouvel indice de la haute fortune à laquelle on le croyait destiné. Pénétrés de cette conviction, les Aulad - el - Mehdi - Ibn - Youçof, chefs des Sedouîkich, vinrent l'inviter à marcher contre Mouça-IbnIbrahîm dont les troupes étaient postées à Beni-Baurar ; ils lui donnèrent, en même temps, l'assurance d'être soutenu par Meimoun-Ibn-Ali-Ibn-Ahmed [chef douaouidien], qui s'était brouillé avec son frère Abou-Dinar-Yacoub-Ibn-Ali, partisan dévoué des Mérinides. Abou-'l-Abbas y consentit et fit partir avec eux son frère Abou-Yahya-Zékérïa, qui emmena les troupes sous ses ordres. Les Mérinides, surpris au point du jour par des masses de cavalerie qui débouchaient de tous les côtés, montèrent à cheval et marchèrent au combat. Leur progrès fut bientôt arrêté ; le désordre se mit dans leurs rangs pendant qu'ils opéraient leur retraite, et ils se virent bientôt entourés par l'ennemi. Mouça-Ibn-Ibrahîm fut criblé de blessures; ses fils Zîan et Abou-Cacem furent tués avec tous leurs gens, lions dans la mêlée, héros dans les conflits, ils succombèrent avec une foule de camarades aussi braves qu'eux. Le reste de l'armée s'enfuit en abandonnant camp et bagages, et fut poursuivi, l'épée dans les reins,

jusqu'à Bougie, où un petit nombre seulement put se réfugier [avec leur général]. Les débris de cette armée se rendirent alors auprès de leur souverain.

Le sultan Abou-Einan apprit la nouvelle de cette défaite avec une colère extrême : il ouvrit le bureau de la solde, envoya ses vizirs dans les provinces pour lever des troupes, passa son armée en revue et remédia à tout ce qui manquait dans l'équipement du soldat. Sur la plainte de Mouça-Ibn-Ibrahîm, qui accusa Abd-Allah-Ibn-Ali, commandant de Bougie, d'avoir négligé de lui porter secours, il infligea à cette officier un châtiment sévère et le remplaça par Yahya-Ibn-Meimoun-Ibn-Amsmoud. Quelques mois se passèrent avant qu'il eut terminé l'organisation de son

armée.

Pendant ces péparatifs, le prince Abou-Yahya-Zékérïa s'était rendu à Tunis, par l'ordre d'Abou-'l-Abbas, pour demander secours au sultan Abou-Ishac; mais il ne put ensuite rejoindre son frère à cause des graves événements qui étaient survenus dans l'intervalle. Abou-Einan, ayant enfin rassemblé toutes ses troupes, fit partir le vizir Farès-Ibn-Meimoun- Ibn-Ouedrar à la tête de l'avant-garde et, dans le mois de Rebîa 758 (mars ou avril 1357), il se mit en campagne avec le reste de l'armée. Arrivée près de Constantine, à la suite d'une marche très-rapide, il trouva cette ville investie par les troupes d'Ibn-Ouedrar. Les habitants, frappés de terreur à l'aspect de l'armée immense qui remplissait toute la campagne, abandonnèrent leurs postes et passèrent par bandes du côté des Mérinides. Le sultan Abou-'lAbbas s'enferma dans la citadelle et obtint une capitulation honorable. Abou-Einan le reçut avec les égards dus à un prince aussi distingué et lut fit dresser une tente à côté de la sienne. Quelques jours plus tard, il jugea convenable de rompre le traité qu'il avait conclu, et de faire embarquer son hôte pour Ceuta afin d'y être gardé à vue.

Sur ces entrefaites, un détachement de son armée occupa la ville de Bône, d'où les fonctionnaires du gouvernement tunisien s'étaient empressés de s'éloigner. Devenu maître de Constantine, Abou-Einan y installa comme gouverneur Mansour-Ibn-Kha

louf, cheikh des Beni-Yaban, tribu mérinide, et ensuite il fit sommer Ibn-Tafraguîn de reconnaître son autorité et de lui livrer la ville de Tunis. Le chambellan renvoya les porteurs de ce message et plaça son sultan, Abou-Ishac le moula, à la tête d'une armée composée d'Aulad-Abi-'l-Leil, d'Arabes, alliés de cette tribu, et d'un corps de troupes et de milices qu'il avait déjà eu soin d'organiser et d'équiper. Il rentra ensuite à Tunis pour y attendre l'issue de cette démonstration.

Le sultan Abou-Einan se disposait à marcher en personne contre Tunis quand une députation des Mohelhel vint presser son départ. [Changeant alors d'idée], il fournit à ces envoyés un corps d'armée commandé par Yahya-Ibn-Rahhou-Ibn-TachefinIbn-Môti, chef des Tîrbîghîn, tribu mérinide, et président de son conseil d'état. Un autre corps d'armée fut embarqué pour la même destination, dans une flotte dont la direction fut confiée à Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-el-Ahmer, surnommé El-Abkem (le muet), membre de la famille qui règne encore sur l'Andalousie. L'armée navale arriva la première et attaqua Tunis avec tant de vigueur qu'avant la fin de la journée, Ibn-Tafraguîn dut quitter la place et s'enfuir à El-Mehdia. Cet fut dans le mois de Ramadan 758 (août-sept. 1357) que les Mérinides s'emparèrent de la ville. Yahya-Ibn-Rahhou arriva quelque temps après, avec l'armée de terre et y prit le commandement au nom d'AbouEinan. Invité alors par les Mohelhel à les accompagner afin d'attaquer à l'improviste les Aulad-Abi-'l-Leil et leur sultan, il sortit avec eux et laissa Ibn-el-Ahmer à Tunis avec les troupes de la flotte.

Pendant que ces événements se passaient, Yacoub-Ibn-Ali se révolta contre les Mérinides à cause de l'aversion qu'AbouEinan témoignait pour les Arabes, des mesures sévères qu'il employait à leur égard et de sa persistance à leur demander des otages et à les empêcher de rançonner les populations. Il avait d'abord essayé de fléchir le prince par des cajoleries; mais, en

C'est-à-dire le Seigneur.

ayant reconnu l'inutilité, il alla se jeter dans le Désert. Le sultan le poursuivit inutilement et, pour se venger, il pilla et dévasta les bourgades et lieux de station que le fugitif possédait dans le Tell et dans le Sahra. Rentré à Constantine, il mit son armée en marche pour l'Ifrîkïa.

Comme on savait que le sultan Abou-Ishac s'avançait pour livrer bataille, à la tête de ses alliés arabes, les Mérinides en ressentirent une secrète inquiétude, et, à peine eurent-ils atteint la plaine de Sbîba, que leurs principaux officiers prirent ensemble la résolution d'abandonner leur sultan et de rebrousser chemin. Ils voulaient éviter, de cette manière, une répétition de catastrophe dont ils avaient eu tant à souffrir lors de leur expédition en Ifrikïa[, sous la conduite du sultan Abou-'l-Hacen]. Pénétrés de cette crainte, ils s'éloignèrent secrètement et prirent la route du Maghreb. Abou-Einan voyant ses forces considérablement réduites par cette désertion, renonça à son expédition et se dirigea aussi vers le Maghreb. Les Arabes se mirent à la poursuite de la colonne, et Ibn-Tafraguîn, ayant appris cette bonne nouvelle, quitta sa retraite à El-Mehdïa et se rendit à Tunis. Quand les habitants le virent approcher, ils se soulevèrent contre le gouverneur mérinide et le forcèrent à s'embarquer avec ses troupes. Ibn-Tafraguîn entra dans la ville et y rétablit l'autorité des Hafsides.

Le sultan Abou-Ishac rejoignit son chambellan, après avoir placé l'émir Abou-Zeid à la tête des Arabes et des milices, afin de poursuivre les Mérinides et de mettre le siége devant Constantine; mais la résistance que cette place lui opposa pendant plusieurs jours le décida à partir pour Tunis. Depuis lors, et jusqu'à sa mort, il continua à résider dans cette ville.

Nous avons déjà dit qu'Abou-Yahya, frère d'Abou-Zeid, s'était rendu à Tunis pour demander des secours. Quand on y apprit l'investissement de Constantine [par les Mérinides], on l'empêcha de repartir, et ce fut à Tunis qu'il rallia les affranchis et les

1 Voy. p. 57.

« PrécédentContinuer »