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le sultan Abou-'l-Abbas subissait toutes les volontés, s'y voyant étroitement cerné et sachant que l'ennemi continuait à recevoir des renforts, faiblit devant le danger et consentit à rendre la ville. Le dix-neuvième jour de Rebiâ premier, le sultan Mouça fit son entrée à Fez et reçut, sur le trône, les hommages de ses nouveaux sujets.

Abou-'l-Abbas venait de marcher à la poursuite d'Abou-Hammou et s'était déjà porté à une journée de marche de Tlemcen, quand il apprit les événements du Maghreb. Avant de quitter cette ville, il en avait fait dévaster les palais pour complaire à Ouenzemmar-Ibn-Arîf, émir des Soueid. Ces édifices étaient d'une beauté dont il est impossible de donner une juste idée. Commencés par le sultan Abou-Hammou premier, ils furent achevés par son fils, Abou-Tachefîn. A cette époque, les arts étaient très peu avancés à Tlemcen, parce que le peuple qui avait fait de cette ville le siége de son empire conservait encore la rudeese de la vie nomade; aussi, ces princes dûrent s'adresser à Abou-'l-Quélid, seigneur de l'Andalousie, afin de se procurer des ouvriers et des artisans. Le souverain espagnol, maître d'une nation sédentaire chez laquelle les arts avaient nécessairement fait beaucoup de progrès, leur envoya les architectes les plus habiles de son pays. Tlemcen s'embellit alors de palais, de maisons et de jardins tellement beaux que, depuis, on n'a jamais rien pu y construire de semblable. Ouenzemmar, voulant punir Abou-Hammou d'avoir saccagé le palais impérial de Tèza et le château de Morada, poussa le sultan à dévaster les palais de Tlemcen et à renverser les murs de la ville, œuvre de destruction qui fut accomplie en un clin-d'œil.

Abou-'l-Abbas, ayant alors appris que son cousin Mouça s'était emparé du siége de l'empire à Fez, abandonna tous ses projets, évacua Tlemcen et s'empressa de partir pour le Maghreb. Abou-Hammou quitta Tadjhammoumt en apprenant cette nouvelle et rentra dans sa capitale. Le plaisir qu'il éprouva d'avoir relevé l'empire des Beni-Abd-el-Ouad n'était pas sans mélange, car l'aspect de ses palais, dépouillés maintenant de leur éclat et de leur beauté, lui causa un chagrin profond.

ABOU - TACHEFIN LAISSE ENCORE ÉCLATER LA JALOUSIE QUI L'ANIMAIT CONTRE SES FRERES.

La jalousie qui divisait ces princes avait échappé à l'observation du public, grâce à la peine que leur père s'était donnée de protéger les faibles contre les forts et de les réconcilier quand ils s'étaient brouillés; mais elle finit par éclater et se changer en haine, après leur rentrée à Tlemcen et la retraite des Mérinides. Abou-Tachefin s'était persuadé que ses frères et son père tramaient quelque projet à son désavantage; et il se disposait à manifester l'esprit de désobéissance et de rancune qu'il recelait dans son cœur, quand le sultan s'aperçut de son intention et emmena l'armée du côté d'El-Bat'ha. Le motif ostensible de ce mouvement était de faire rentrer les Arabes dans l'obéissance, mais le sultan avait réellement pour but d'aller trouver son fils El-Montecer à Miliana et de l'emmener avec lui à Alger afin d'y établir le siége de son empire. AbouTachefîn devait rester à Tlemcen comme lieutenant du sultan, après lui avoir prêté le serment de fidélité.

Mouça-Ibn-Yakhlof découvrit ce projet ; et, selon son habitude, il en fit part à Abou-Tachefîn. Ce prince en fut tellement courroucé qu'il ne put plus se contenir; il quitta Tlemcen à la tête des troupes placées sous ses ordres et accourut à El-Bat'ha afin d'atteindre son père avant l'arrivée d'El Montecer. L'ayant trouvé dans les basses terres qui avoisinent cette ville, il jeta le masque qui cachait son mécontentement et sa colère, et le ramena à Tlemcen après lui avait fait jurer de renoncer à de pareils desseins.

ABOU-TACHEFIN USURPE LE TRÔNE DE SON PEre.

Au retour d'El-Bat'ha, le sultan, qui avait perdu l'occasion d'opérer sa jonction avec son fils El-Montecer, chargea secrètement

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«

un de ses officiers de confiance, nommé Ali-Ibn-Abd-er-RahmanIbn-el-Koleib, de porter à ce prince plusieurs charges d'or. << Cette >> somme, disait-il, doit rester entre les mains de mon fils jus» qu'à ce que je trouve le moyen de sortir de l'embarras où je

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Il expédia, en même temps, à El-Montecer un diplôme qui l'autorisait à exercer le gouvernement d'Alger jusqu'à ce qu'il pût aller le rejoindre.

Abou-Tachefin ayant appris de Mouça-Ibn-Yakhlof ce qui se passait, envoya une troupe de ses gens à la poursuite d'Ibnel-Koleib avec l'ordre de saisir l'argent et les lettres que le sultan lui avait confiés. S'étant ainsi procuré des pièces qui démontraient évidemment que l'on cherchait une occasion de le perdre, il se rendit au palais, le cœur plein d'indignation, et plaça ces écrits sous les yeux de son père, en l'accablant de reproches.

A cette occasion, Mouça-Ibn-Yakhlof quitta le service d'AbouHammou pour celui d'Abou-Tachefîn; et, dès lors, il ne cessa de travailler l'esprit de ce prince afin de l'indisposer tout-à-fait contre le sultan. Aussi, au bout de quelques jours, Abou-Tachefîn entra au palais, déposa son père et l'enferma dans une chambre sous bonne garde.

L'ayant ensuite dépouillé de ses richesses, il l'envoya prisonnier à la citadelle d'Oran, et fit arrêter en même temps ceux de ses frères qui se trouvaient à Tlemcen. Ceci se passa vers la fin de l'an 788 (janvier 1387).

A la nouvelle de ces événements, El-Montecer s'enfuit de Milîana, avec ses frères Abou-Zîan et Omaïr, et alla chercher un asile chez les Hosein. Ce peuple accorda sa protection aux fugitifs et les accueillit dans la montagne de Tîteri. Abou-Tachefîn s'empressa de rassembler les troupes de l'empire; et, s'étant fait accompagner par les Arabes Soueid et Beni-Amer, il marcha contre ses frères.

Après avoir occupé Milîana, qui se trouvait sur sa ligne de marche, il alla bloquer la montagne où ces princes et leurs protecteurs s'étaient retranchés.

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REPRENDRE.

HAMMOU EFFECTUE SON ÉVASION ET SE LAISSE
ON L'EMBARQUE POUR L'ORIENT.

--

Abou-Tachefin avait déjà passé un temps considérable à bloquer ses frères dans la montagne de Tîteri, quand il commença à craindre, par une absence prolongée, de fournir à son père l'occasion de ressaisir le pouvoir. Après avoir consulté ses officiers et leur avoir entendu déclarer, d'une voix unanime, qu'il faudrait ôter la vie au prisonnier, il ordonna à son fils, AbouZian, de partir pour Tlemcen et d'y emmener Abd-Allah-elKhoracani, ainsi le fils du vizir Amran-Ibn-Mouça, et quelques autres serviteurs.

que

Ces envoyés, étant parvenus à leur destination, firent mourir les fils du sultan qui s'y trouvaient détenus; et, de là, ils se rendirent à Oran. Abou-Hammou eut connaissance de leur arrivée ; et, rempli d'effroi, il monta sur la muraille de la citadelle et cria au secours. Les habitants vinrent de tous les côtés et reçurent dans leurs bras le sultan qui s'était servi de la corde de son turban pour effectuer sa descente. Les assassins se présentèrent à la porte de la tour, mais le prisonnier avait eu la précaution de la fermer au verrou; et, sur le bruit qui se faisait entendre au dehors, ils devinèrent ce qui venait de se passer et cherchèrent leur salut dans la fuite.

Les habitants d'Oran se réunirent alors sous les auspices de leur prédicateur (Khatib) et prêtèrent de nouveau le serment de fidélité au sultan Abou-Hammou qui repartit tout de suite et fit son entrée à Tlemcen, au commencement de l'an 789 (janvierfévrier 1387). Cette ville était alors sans moyen de défense; les Mérinides en ayant abattu les murailles et rasé la citadelle, mais les chefs de cette partie des Beni-Amer qui rostaient encore dans

1 Dans le texte arabe, il faut mettre un point sur le dal de bidemaïhim.

le pays répondirent à l'appel du sultan et lui amenèrent des se

cours.

Quand Abou-Tachefin reçut cette nouvelle, il leva le siége de Tîteri et courut à Tlemcen avec ses troupes et celles de ses alliés arabes. Le sultan, pris au dépourvu et traqué de toutes parts, se cacha dans le minaret de la grande mosquée, pendant qu'Abou-Tachefin s'installait dans le palais. Celui-ci, ayant enfin appris où son père s'était réfugié, y alla lui-même et l'invita à descendre. En voyant l'auteur de ses jours, il céda à un mouvement d'affection et versa des larmes en lui baisant la main. L'emmenant ensuite au palais, il l'enferma dans une chambre et finit par lui donner la permission d'aller faire le pèlerinage. Un bâtiment appartenant à des marchands catalans qui avaient l'habitude de commercer avec Tlemcen, fut nolisé pour Alexandrie, et l'on conduisit le sultan à Oran afin de l'y embarquer avec sa famille. Ce malheureux prince partit pour la Mecque sous la surveillance de plusieurs gardiens, et Abou-Tachefin put alors s'occuper du gouvernement de l'empire.

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HAMMOU DÉBARQUE A BOUGIE ET S'EMPARE DE
ABOU-TACHEFIN SE RETIRE EN MAGHREB.

Quand le navire qui transportait Abou - Hammou d'Oran à Alexandrie se trouva à la hauteur de Bougie, ce prince réussit. à gagner les gens qui le surveillaient; et, s'étant fait retirer de la cabine où on le tenait enfermé, il obtint du capitaine la permission d'aller à terre. Alors son premier soin fut d'annoncer son arrivée à Mohammed-Ibn-Abi-Mehdi, commandant de la marine. Cet officier, qui jouissait d'une grande faveur auprès du gouverneur, fils du sultan hafside Abou-'l-Abbas, s'empressa d'informer le voyageur qu'il pouvait débarquer sans obstacle. La personne chargée de ce message était un ami intime d'El-Montecer, fils d'Abou-Hammou; il se nommait Mohammed-IbnOuareth et avait appartenu au corps de jeunes gens que l'on élevait à la cour de Tlemcen. Quand Abou-Tachefîn leva le siége

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