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par Abd-el-Azîz; et, profitant de l'état d'abandon dans lequel son maître et Abou-Tachefîn se trouvaient à cette époque, il avait réussi à gagner leurs bonnes grâces. Après la mort d'Abd-elAziz, le sultan Abou Hammou revint à Tlemcen et admit IbnYakhlof au nombre de ses intimes. Abou-Tachefin, de son côté, l'avait pris pour confident et l'employait pour espionner les actes de son père. La faveur dont Yabya-Ibn-Khaldoun jouissait auprès du sultan excita la jalousie de cet intrigant et le porta à faire tous ses efforts pour le perdre. Dans ce but, il essaya d'indisposer Abou-Tachefîn contre lui; et, pendant le retard qu'éprouvait l'expédition du diplôme dont nous avons parlé, il prétendit que Yahya différait ce travail pour faire plaisir au prince Abou-Zian. La colère d'Abou-Tachefin ne tarda pas à éclater; il rassembla quelques mauvais sujets avec lesquels il avait l'habitude de parcourir les rues pendant la nuit et s'introduire de force dans des maisons honnêtes pour y commettre des actes repréhensibles. Accompagné de ces brigands, il alla, une nuit du mois de Ramadan 780 (déc.-janv. 1378-9), se mettre en embuscade pour attendre Ibn-Khaldoun, qui devait rentrer chez lui après avoir assisté au Teraouih, prière que l'on célébrait dans le palais. Quand les assassins virent approcher le secrétaire, ils s'élancèrent en avant, lui portèrent plusieurs coups de poignard et le jetèrent mort aux pieds de sa monture.

Le sultan apprit cet événement le lendemain; et, dans un pre→ mier mouvement d'indignation, il donna l'ordre de fouiller tous les quartiers de la ville, afin d'arrêter les gens qui composaient cette bande de malfaiteurs; mais, ayant ensuite eu avis que son fils aîné avait été l'instigateur du crime, Il ferma les yeux sur ce qui venait de se passer et n'en parla plus. Ayant alors concédé la ville d'Oran à Abou-Tachefîn, il renvoya Abou-Zîan au gouvernement de Médéa et du pays des Hocein.

Quelque temps après, l'émir Abou-Tachefîn se fit donner par

Cette prière ne se fait que dans les soirées du mois de Ramadan, après la rupture du jeûne.

son père la souveraineté pleine et entière de la villle d'Alger et y installa comme gouverneur Youçof-Ibn-ez-Zabia, le seul de tous ses frères qui lui avait montré de l'attachement et auquel il avait accordé son amitié.

ABOU-HAMMOU ENVAHIT LE MAGHREB-EL-ACSA.

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SON FILS ABOUTACHEFÎN PÉNÈTRE JUSQU'AUX ENVIRONS DE MIKNAÇA.

En l'an 784 (1379-80), le sultan Abou-'l-Abbas[-Ahmed], fils du sultan Abou-Salem et roi de cette portion de la nation mérinide qui habitait le Maghreb-el-Acsa, marcha contre Maroc, métropole des provinces qu'il avait cédés, en l'an 775 (1373-4), à son parent, Abd-er-Rahman-Ibn-Abi-Ifellouçen, pour le récompenser de sa coopération au siége de la Ville-Neuve. Cette expédition ayant manqué, il en fit une seconde tout aussi infructueuse; puis, en l'an 784 (1382-3), il investit Maroc pour la troisième fois. L'émir Abd-er-Rahman, voyant sa capitale affaiblie par un long blocus et prête à succomber, envoya son cousin, Abou-'lAchaïr, fils de Mansour-Ibn-Abi-Ali, auprès de Youçof, fils d'Ali-Ibn-Ghanem et chef des Arabes makiliens, afin d'obtenir l'appui de cette tribu et de la pousser à faire une expédition contre Fez et les provinces du Maghreb. Par une diversion de cette nature, il espérait contraindre son adversaire à lever le siége.

* Quelque temps auparavant, Youçof-Ibn-Ali, ayant essayé de résister à l'autorité du sultan [Abou-'l-Abbas], avait vu ses tribus mises en déroute, ses tentes saccagées et les jardins qu'il possédait à Sidjilmessa dévastés et ruinés. L'armée mérinide se retira alors; et Youçof, qui s'était jeté dans le Désert, continua à s'y tenir sans jamais vouloir faire sa soumission.

1 Dans le texte arabe, ce paragraphe est inséré avant les dernières lignes du paragraphe qui le précède

Quand il eut entendu la proposition d'Abou-'l-Achaïr, il partit avec lui pour Tlemcen afin de s'assurer l'appui d'Abou-Hammou, dont les nombreuses troupes et les abondantes ressources pourraient, au besoin, les dispenser d'employer le concours des Arabes.

Le sultan abd-el-ouadite consentit à leur demande, autorisa son fils Abou-Tachefin à se mettre en campagne avec eux et les suivit lui-même à la tête de son armée. Entré en Maghreb, Youçof-Ibn-Ali, accompagné de l'émir Abou-'l-Achaïr et du prince Abou-Tachefîn, s'arrêta avec ses bandes dans le voisinage de Miknaça1.

Abou-Hammou vint se joindre à eux; et, pendant sept jours, il bloqua la ville de Tèza, après avoir ruiné le châ teau de Tazrout, résidence que l'on tenait toujours prête pour recevoir le sultan mérinide.

Il y avait alors à Fez un mérinide de haut rang nommé AliIbn-Mehdi-el-Askari, qui commandait la ville pendant l'absence du sultan Abou-'!-Abbas. Une troupe de Makiliens de la tribu des Monebbat s'y trouvait aussi, étant venu pour acheter une provision de blé. Ouenzemmar-Ibn-Arîf, qui habitait alors le CasrMorada, persuada à ces Arabes de se mettre aux ordres d'AliIbn-Mehdi et de marcher contre Abou-Hammou et Abou-Tachefîn. Bientôt après, on apprit que le sultan Abou-'l-Abbas s'était emparé de Maroc, conquête qu'il effectua vers le milieu de l'an 785. Abou-Tachefin et Abou-'l-Achaïr s'éloignèrent rapidement avec leurs Arabes pour ne pas se laisser entamer par les Monebbat.

Abou-Hammou leva précipitamment le siége de Tèza, reprit la route de Tlemcen et dévasta le Casr-Morada qui se trouvait sur son passage. Abou - Tachefin quitta les Arabes et Abou-'l-Achaïr, pour aller rejoindre son père.

4 Il s'agit ainsi de la Miknaça de Tèza, à l'Est de Fez.

2 Abou-'l-Abbas s'empara de Maroc en Djomada 784. Notre auteur s'est donc trompé ici.

LE SULTAN MERINIDE ABOU'L-ABBAS S'EMPARE DE TLEmcen. ABOU - HAMMOU SE RÉFUGIE DANS LE CHATEAU DE TADJHAMMOUMT.

Après s'être emparé de Maroc, le sultan Abou-'l-Abbas reprit la route de Fez, capitale de son empire; et, comme il brûlait de venger l'invasion de ses états par Abou-Hammou et par les Arabes, sous la conduite d'Abou-Tachefin, il forma la résolution de marcher contre Tlemcen. Aussitôt qu'il se fut mis en campagne, il reçut la soumission de Youçof-Ibn-Ali, chef des Makiliens, qui vint se joindre à l'armée mérinide.

A la réceptiou de cette nouvelle, Abou-Hammou ne sut quel parti prendre ou de quitter Tlemcen, ou d'y rester et soutenir un siége. S'étant déjà ménagé l'amitié d'Ibn-el-Ahmer, sultan de l'Andalousie, il avait par lui l'assurance que les Mérinides n'iraient pas l'attaquer; et il savait aussi qu'Abou-'l-Abbas venait de recevoir du même prince la recommandation formelle de ne pas trop se presser d'entreprendre une conquête aussi facile que celle de Tlemcen. Pendant quelque temps, les deux sultans africains s'étaient laissé guider par les conseils de ce souverain; mais, à la fin, Abou-l-Abbas no voulut plus écouter les avis d'un prince dont il avait cependant tout à craindre, et partit à l'improviste pour surprendre la capitale abd - el - oua dite.

Abou-Hammou abandonna aussitôt la ville de Tlemcen, bien qu'il eût fait accroire à ses alliés et à ses sujets qu'il avait l'intention de s'y maintenir contre l'ennemi; et, profitant d'une nuit obscure, il se rendit au camp qu'il avait établi sur le Sefcîf 1. Le lendemain, les habitants s'aperçurent de son départ; et beaucoup d'entr'eux s'empressèrent d'aller le joindre et partager sa

Le texte arabe imprimé et les manuscrits, à l'exception d'un seul, portent Sefif. Dans la traduction, nous avons adopté la bonne leçon.

fortune, tant ils redoutaient la violence et l'indiscipline des Mérinides. Pendant qu'Abou-Hammou se rendait du Sefcîf à ElBat'ha, en pressant la marche de son armée, Abou-'l-Abbas occupa Tlemcen et envoya des troupes à la poursuite des fuyards. Le sultan abd-el-ouadite se hâta de quitter El-Bat'ha pour gagner la forteresse de Tadjhammoumt. Son fils, El-Montacer, lui apporta alors de Miliana tout l'argent qui se trouvait dans le trésor de cette ville et lui fournit ainsi les moyens de soutenir un siége et faire une vigoureuse résistance.

ABOU'L-ABBAS RENTRE EN MAGHREB OU SON AUTORITÉ EST ABOU-HAMMOU REPREND POS

GRAVEMENT COMPROMISE.
SESSION DE TLEMCEN.

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Après la prise de Tlemcen, le sultan Abou-'l-Abbas envoya une ambassade à Ibn-el-Ahmer, seigneur de l'Andalousie, pour lui faire part de cette victoire et pour s'excuser de n'avoir pas suivi ses recommandations. Ibn-el-Ahmer n'en fut pas moins. très-indigné; et, comme il avait encore à reprocher au prince mérinide quelques-uns de ces griefs qui surviennent assez souvent entre souverains, il ne pensa qu'à s'en venger. Sachant que les grands de l'empire du Maghreb étaient mécontents de leur sultan et peu disposés à le soutenir, il résolut de faire passer en Afrique un fils d'Abou-Einan, nommé Mouça, qui se trouvait alors en Espagne. Ayant fourni à ce prince un équipage complet, il mit à son service le célèbre vizir mérinide, Masoud-Ibn-Rahhou-Ibn-Maçaï, et les embarqua tous les deux pour Ceuta.

Vers le commencement du mois de Rebia [premier] 786 (fin d'avril 1384), Mouça et son ministre abordèrent à Ceuta, dont ils prirent possession; et, de là, ils allèrent mettre le siége devant la capitale de l'empire. Mohammed-Ibn-Othman, ministre dont

1 Ou Taguemmount; voy. l'Index géographique du t. 1.

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