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l'autorité des Mérinides; puis, ayant appris la mort de ce sultan et le retour d'Abou-Hammou à Tlemcen, il embrassa de nouveau le parti d'Abou-Zîan dont les troupes venaient de s'avancer jusqu'à Titeri. En prenant ce parti et en faisant accepter la souveraineté de cet émir aux Thâleba et aux habitants d'Alger, il avait agi d'après la conviction qu'Abou-Hammou ne lui pardonnerait jamais d'avoir soustrait cette ville à son autorité pour y établir le pouvoir d'Abou-Zîan.

Quand Mohammed-Ibn-Arif eut décidé l'émir Abou-Zian à sə retirer chez les nomades de la tribu de Rîah, Salem parvint à se faire gracier et, ayant remis la ville d'Alger à un des fils d'AbouHammou, il se fit confirmer dans son commandement et garda ensuite pour lui-même les impôts fournis par la province. Plus tard, quand le sultan ordonna à tous ses agents de lui transmettre directement le montant des impôts qu'ils percevaient, Salem fut très-contrarié; et, tout en obéissant, il médita des projets de trahison. Lors de l'insurrection de Khaled-Ibn-Amer, il se tint prêt à profiter des événements, car il espérait que le triompho de ce chef mettrait Abou-Hammou dans l'impossibilité de s'oc-. cuper d'Alger. Ici, il fit un mécompte, la victoire étant demeurée au sultan et à ses alliés. Croyant ensuite que Mohammed-IbnArif, avec lequel il se trouvait en mesintelligence, poussait le. sultan à faire une expédition contre lui, il se précipita encore. dans la révolte; et, en l'an 778 (1376-7) il rappela l'émir AbouZîan ainsi que Khaled-Ibn-Amer et les Arabes insurgés. Quand tout ce monde fut réuni, il en forma une confédération et proclama, dans la ville d'Alger, la souveraineté d'Abou-Zian. Ces bandes marchèrent ensuite contre Miliana, mais la garnison qu'Abou-Hammou y avait laissée, leur opposa une si vigoureuse résistance qu'elles rebroussèrent chemin.

Khaled-Ibn-Ahmer mourut dans son lit, à Alger, et son neveu El-Masoud-Ibn-Sogheir lui succéda dans le commandement de la tribu. Quelque temps après, le sultan Abou-Hammou quitta Tlemcen avec ses troupes et celles de ses alliés arabes, et, par. cette démonstration, il obligea les insurgés à se réfugier dans les montagnes des Hosein où ils croyaient pouvoir lui résister avec

avantage. Après un combat acharné, il parvint à occuper les abords de cette région difficile; et, par cette manoeuvre, il contraignit les nomades appartenant aux tribus des Dialem, des Attaf et des Beni-Amer à s'enfuir dans le Désert. Salem employa alors le seul moyen de salut qui lui restait et porta ses compagnons à faire leur soumission. Le sultan consentit à toutes les conditions posées par les assiégés; mais, en retour de cette faveur, il exigea l'éloignement d'Abou-Zian. Cet émir passa dans le Righ, d'où il se rendit à Nefta, dans le Djerîd, puis à Touzer, où Yahya-Ibn-Yemloul, chef de cette ville, lui fit un honorable accueil.

Le sultan partit alors pour Tlemcen, très-mal disposé pour Salem dont la longue habitude d'intrigue et de révolte l'avait profondément indigné. Vers le milieu de l'hiver, époque pendant laquelle tous les Arabes se tenaient dans le Désert, il sortit de sa capitale à la tête de ses troupes zenatiennes et envahit, à l'im- ́ proviste, la plaine de la Metidja. Les Thâleba se jetèrent dans leurs montagnes, et Salem, qui avait cherché un asile dans celle des Beni-Khalil, ordonna à son fils et à ses partisans d'aller s'enfermer dans Alger. Chassé bientôt du lieu où il s'était retiré, il abandonna sa famille, ses effets, et passa chez les Beni-Meicera, dans les montagnes des Sanhadja. Presque tous les Thâleba firent alors leur soumission et obtinrent l'autorisation de descendre dans la plaine. Salem, réduit enfin aux abois, chargea son frère Thabet de se rendre auprès d'Abou-Hammou et de solliciter pour lui des lettres de grâce. Aussitôt qu'il reçut l'écrit qui lui assurait le pardon du sultan, il quitta la crète de la montagne où il s'était réfugié et rentra dans Alger d'où il se fit conduire auprès du souverain abd-el-ouadite par Abou-Tachefin, fils de celui-ci. Ceci eut lieu dans le dernier tiers du mois de Ramadan (janv.février 1378). Abou - Hammou n'eut plus alors aucun égard au traité qu'il venait de signer, ni à la promesse que son fils avait faite; le lendemain, il ordonna l'arrestation de Salem et fit occuper la ville d'Alger. Le général chargé de cette opération y proclama la souveraineté de son maître et ordonna aux cheikhs de la ville de se rendre auprès de leur nouveau seigneur.

Le suitan les retint prisonniers, installa son vizir, Mouça-IbnBerghout, dans Alger, en qualité de gouverneur, et reprit la route de Tlemcen. Arrivé dans sa capitale, il y célébra la fête du Sacrifice (avril 1378); et, faisant ensuite tirer Salem de prison, il donna l'ordre de le conduire hors de la ville pour y être tué à coups de lances. Cette exécution faite, le cadavre du supplicié fut attaché à un poteau pour servir d'exemple.

El-Montecer, fils du sultan, reçut alors de son père le gouvernement de la ville et provinee de Miliana, et son frère, AbouZian, fut nommé gouverneur d'Oran.

Ibn-Yemloul, seigneur de Touzer, commença alors à s'inquiéter des avantages qu'avait obtenus le sultan Abou-'l-Abbas, et, de concert avec son gendre, Ibn-Mozni, seigneur de Biskera, et ses alliés les Kaoub et les Douaouida, qui craignaient tous pour leurs états, il fit avertir Abou-Hammou qu'il garantirait la bonne conduite de l'émir réfugié, Abou Zian, pourvu que les Abd-el-Ouadites remissent à cet aventurier les sommes qu'ils s'étaient engagés à lui payer et qu'ils portassent la guerre dans les provinces hafsides, afin d'empêcher les attaques qu'Abou-'lAbbas pourrait diriger contre eux-mêmes. Bien qu'Abou-Hammou se vit dans l'impossibilité d'entreprendre une expédition de cette nature, à cause de la faiblesse de son royaume, il évita de les désabuser, et, pour les entretenir dans leur erreur, il répondit à leurs sollicitations par de belles promesses. Aussi, en l'an 781 (1379-80), Ibn-Yemloul fut chassé de sa ville par les Hafsides et mourut à Biskera vers la fin de la même année. IbnMozni continua, encore quelque temps, à se laisser bercer par des espérances trompeuses; mais, ayant enfin découvert qu'AbouHammou n'avait pas les moyens de lui être utile, il fit sa soumission au sultan Abou-'l-Abbas et lui resta fidèle. L'émir Abou-Zian se rendit à la cour de Tunis afin de chercher l'appni du gouvernement hafside et y trouva une réception assez gracieuse pour l'encourager dans ses espérances.

L'état du Maghreb central est encore tel que nous l'avons décrit maintes fois les Arabes sont maîtres des plaines et de la plupart des villes; l'autorité des Abd-el-Ouadites ne s'étend

plus aux provinces éloignées du centre de l'empire et ne dépasse guère les limites du territoire maritime qu'ils possédaient d'abord; leur empire a faibli devant la puissance des Arabes; et, après avoir contribué à fortifier cette race nomade en lui prodiguant des trésors, en lui concédant de vastes régions et en lui livrant un grand nombre de leurs villes, ils n'ont plus à présent d'autre moyen pour la contenir que de s'immiscer dans les querelles de ses tribus afin de les mettre aux prises les unes avec les

autres.

LE SULTAN ACCORDE DES COMMANDEMENTS A SES

FILS.

Le sultan Abou-Hammou avait un grand nombre de fils, dont l'aîné se nommait Abou-Tachefîn-Abd-er-Rahman. Quatre [trois] autres, El-Montecer, Abou-Zian-Mohammed et Omar, surnommé Omaïr (petit Omur), naquirent d'une femme qu'il avait épousée à Mîla, ville de la province de Constantine, à l'époque où il envahit les états de l'empire hafside. Il eut aussi beaucoup de fils de concubines. Voulant désigner Abou-Tachefin comme son successeur, il lui donna un rang supérieur à celui de ses autres enfants; et, se l'étant associé dans l'exercice du pouvoir, il lui permit de commander aux vizirs du royaume. En lui accordant ainsi les fonctions de lieutenant impérial, il n'en témoigna pas moins une vive affection pour les autres frères germains, nés de la femme de Mila; il leur délégua même une certaine portion d'autorité et leur concéda la faveur d'être admis dans sa société intime; les exposant, toutefois, par ces témoignages de confiance, à la haine d'Abou-Tachefîn.

Après avoir rétabli sa puissance et fait disparaître de ses états les traces des soulèvements qui avaient menacé son trône, il résolut d'accorder des commandements à ses fils cadets, afin de les mettre à l'abri du danger auquel la jalousie de leur frère, pourrait les exposer plus tard. El-Móntacer reçut, à cette époque, le gouvernement de la ville et dépendances de Milîana et fut

autorisé à y emmener son frère cadet, Omar, dont il devait soigner l'éducation. Abou-Zian, le second de ces trois frères, obtint le gouvernement de Médéa et du pays des Hosein, et Youçof-Ibn-ez-Zabïa[, fils d'une femme zabienne,] fut chargé du commandement de Tedellis et de toute la frontière dont cette ville est le chef-lieu.

Lors de la révolte de Salem, chef des Thaleba, on prévint le sultan que son fils Abou-Zian encourageait secrètement les insurgés; aussi, quand ce monarque eut mis fin à la carrière de Salem et contraint son cousin et rival, Abou-Zîan, à se retirer dans le Djerîd, il prit le parti de faire passer son fils, AbouZian, du gouvernement de Tedellis à celui de la ville et province d'Oran, afin de l'éloigner des Arabes, peuple toujours prêt à la sédition. Il eut aussi la précaution de placer auprès de lui un vizir chargé de le surveiller.

ABOU-TACHEFIN FAIT ASSASSINER YAHYA-IBN-KHALDOUN,
SECRÉTAIRE DE SON PÈre.

Le premier effet de la jalousie qui animait Abou-Tachefin contre ses frères fut un assassinat. Ce prince, ayant su que son frère Abou-Zian allait obtenir le gouvernement de la ville et province d'Oran, demanda pour lui-même ce poste important. Le sultan fit semblant d'y consentir, mais il recommanda à son secrétaire, Yahya-Ibn-Khaldoun', de traîner en longueur l'expédition du diplôme de nomination; espérant trouver, dans l'intervalle, quelque moyen de se tirer d'embarras.

Il y avait alors à la cour un misérable sorti des rangs de la cavalerie de police et nommé Mouça-Ibn-Yakhlof. Cet homme avait accompagné le sultan à Tîgourarîn, lors de la prise de Tlemcen

1 Celui-ci était frère de notre auteur. Nous avons de lui une histoire des premiers souverains de la dynastie abd-el-ouadite; voy. t. 1, introduction, p. xxxvi.

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