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sition très-difficile et prirent le parti de se réfugier en Maghreb, ainsi qu'ils l'avaient fait sous le règne d'Abd-el-Azîz.

Soutenu par ses nouveaux alliés, le sultan commença sa tâche par soumettre les contrées qui avoisinaient sa capitale et, en l'an 775 (1373-4), il força Ali-Ibn-Haroun de quitter le pays de Chelif et de gagner Bougie afin de s'y embarquer pour le Maghreb. Dans un des combats livrés pendant cette campagne, RahmounIbn-Haroun, frère d'Ali, perdit la vie. Pénétrant alors dans la région située au-delà du territoire de Chelif, Abou - Hammou pria Mohammed-Ibn-Arîf de négocier un traité avec Abou-Zian. Presque tous les partisans que celui-ci avait trouvés parmi les Hosein et les Thâleba passèrent au sultan, les uns séduits par de l'argent, les autres parce qu'ils étaient fatigués d'une guerre sans fin. Aussi leur protégé consentit volontiers à cesser les hostilités et à se retirer dans le pays voisin, chez les Riah, moyennant le don d'une somme d'argent. Dans toute cette affaire, Mohammed-Ibn-Arîf se conduisit de la manière la plus honorable. Il obtint même la soumission de Salem-Ibn-Ibrahîm, chef des Thâleba, lequel, après s'être livré à tous les genres de sédition, était devenu maître de la plaine de Metîdja et de la ville d'Alger.

Sur la demande du chef zoghbien, le sultan accorda un entier pardon à Salem et le confirma dans le commandement des Thâleba et de leur territoire. Cet arrangement terminé, AbouHammou installa un de ses propres fils dans Alger, pour y gouverner sous la tutèle de Salem, et confia à son autre fils, AbouZîan, le commandement de Médéa.

Après avoir soumis jusqu'aux parties les plus reculées de son empire, rétabli l'ordre dans ses états, confirmé ses alliés dans leurs bonnes dispositions et rallié à sa cause les gens qui, jusqu'alors, avaient soutenu ses ennemis, le sultan abd-el-ouadite revint dans sa capitale. Ce fut là un revirement de fortune sans exemple dans l'histoire: un prince qui remonta sur le trône après avoir perdu son royaume, quitté l'habillement impérial et s'être éloigné de son pays et de son peuple pour aller dans une contrée lointaine rechercher la protection des gens incapables

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de lui rendre service et nullement disposés à lui obéir. Dieu est le possesseur de la souveraineté; il la donne à qui il veut; il exalte l'homme et il l'abaisse à son gré 1.

ABOU

ABD-ALLAH-IBN-SOGHEIR PROCLAME L'ÉMIR ABOU– ZIAN.
BEKR - IBN - ARIF, SON COMPLICE DANS CETTE REVOLTE, FAIT SA

SOUMISSION AU SULTAN.

Khaled-Ibn-Amer alla solliciter l'appui des Mérinides, après sa trahison envers Abou-Hammou, et emmena en Maghreb son neveu Abd-Allah-Ibn-Sogheir et tous les autres descendants d'Amer-Ibn-Ibrahîm. Quand Ibn-Sogheir eut connaissance du traité de paix que Ouenzemmar avait négocié entre le seigneur du Maghreb et celui de Tlemcen, il perdit tout espoir d'être soutenu par les Mérinides et passa dans le Désert avec les gens de sa tribu qui l'avaient accompagné dans sa fuite. Aussitôt qu'il entra sur le territoire des Zoghba, il fit une irruption dans le Djebel-Rached, montagne habitée par les Amour; mais il fut attaqué vigoureusement et mis en fuite par leurs confédérés, les Soueid.

Pendant que ces événements se passaient, une grave mésintelligence éclata entre Abou-Hammou et Abou-Bekr-Ibn-Arîf, parce que le premier voulait contraindre Youçof-Ibn-Amer-IbnOthman à se démettre du gouvernement du Ouancherích. AbouBekr, dont la famille était liée d'amitié avec celle de Youçof, dès le temps de leurs premiers aïeux, céda aux impulsions de la colère, forma une alliance avec Ibn-Sogheir, qui venait d'essuyer la défaite dont nous avons parlé, et lui fit agréer le projet de proclamer la souveraineté d'Abou-Zîan. Ils expédièrent surle-champ les notables de leurs tribus respectives auprès de cet

* Cette phrase, en style coranique, appartient à Ibn-Khaldoun luimême.

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émir, qui demeurait encore au milieu des nomades riahides, et, aussitôt que cette députation revint avec lui, ils le reconnurent pour sultan.

A cette nouvelle, Mohammed-Ibn-Arîf conduisit ses bandes soueidiennes au secours d'Abou-Hammou, et celui-ci, ayant rassemblé ses tribus abd-el-ouadites et ses alliés arabes, les Makîl et les Zoghba, se mit à leur tête et partit de Tlemcen vers le commencement de l'an 777 (juin 1375), Il travailla aussi à séduire les partisans d'Abou-Zian et, par la promesse de remplir toutes les conditions qu'Abou-Bekr lui proposerait, il parvint à faire rentrer ce chef dans l'obéissance. Sachant alors qu'AbouZîan venait de repartir pour les cantonnements des Douaouida, il reprit la route de Tlemcen.

KHALED-IBN-AMER QUITTE LE MAGHREB POUR COMBATTRE LES SOUEID ET ABOU-TACHEFIN. - MORT D'IBN-SOGHEIR ET DE SES FRÈRES.

Khaled-Ibn-Amer ayant eu connaissance de ce qui était arrivé à son neven Ibn-Sogheir et voyant les Mérinides travaillés par l'esprit de la discorde, perdit tout espoir d'être soutenu par ce peuple et quitta le Maghreb. Avec l'appui des Beni - Yacoub commandés par Saci-Ibn-Soleim, il entreprit de ravager les états d'Abou-Hammou, et, secondé par une foule de malfaiteurs qui étaient accourus de toutes parts pour le joindre, il insulta les frontières du royaume abd-el-ouadite et poussa des incursions jusque dans l'intérieur de ce pays.

Les fils d'Arif s'apprêtèrent à repousser l'invasion; et, après avoir rassemblé leur tribu, les Soueid, et leurs confédérés, les Attaf, ils invitèrent Abou-Hammou à leur fournir des secours. Comme il s'agissait de résister à un ennemi commun, ce prince leur envoya un corps de troupes sous la conduite de son fils et successeur désigné, Abou-Tachefîn. Cette armée entra dans le pays des Hoouara et y avait déjà dressé ses tentes, quand son chef reçut de ses alliés l'invitation de leur venir en aide le plus tôt possible. Il se remit en marche sans perdre un instant, et, quand il eut opéré sa jonction avec les tribus zoghbiennes, amies de l'empire, lesquelles s'étaient ralliées autour des fils d'Arîf, il se porta rapidement vers la rivière Mina, à l'Est de Calât [Hoouara]. Les deux armées se trouvant alors en présence, gardèrent l'ordre de bataille; et, pendant la nuit, elles entretinrent de grands feux afin d'éviter les surprises.

An point du jour, les guerriers les plus braves s'avancèrent hors des rangs pour engager le combat, mais les archers des deux côtés s'empressèrent de leur épargner cette peine; les diverses colonnes marchèrent à la charge; les hommes d'armes jetèrent le défi à leurs adversaires en se faisant connaître; la fournaise de la guerre s'échauffa, et les drapeaux de l'émir Abou-Tachefîn flottèrent joyeusement au gré des vents. Au roulement des tambours, la meule de la guerre se mit en mouvement et broya les troupes arabes qui s'étaient précipitées en avant : leurs meilleurs cavaliers y trouvèrent la mort, et le reste se dispersa.

Quand le combat prit fin, on trouva le cadavre d'AbdAllah - Ibn - Sogheir sur le champ de bataille. Abou-Tachefîn lui fit couper la tête et l'envoya, par un courrier, à son père. Les patrouilles découvrirent ensuite les corps de Molouk-IbnSogheir, frère du précédent, d'El-Abbas-Ibn-Mouça-Ibn-Amer, leur cousin, et de Mohammed-Ibn-Zian, un de leurs proches parents. On les trouva souillés de poussière, foulés par les pieds des chevaux et couchés ensemble comme s'ils avaient fait choix de ce lieu pour y attendre le trépas. On poursuivit les fuyards jusqu'à l'entrée de la nuit, tout en ramassant leurs bagages et leurs troupeaux, et on les força, ainsi que leur chef Khaled, de se jeter dans le mont Rached.

Abou-Tachefîn campa sur le champ de bataille, heureux d'avoir remporté une telle victoire et gagné pour lui-même et pour son peuple l'honneur d'avoir bravement défendu ses alliés. Ayant ainsi conquis une grande renommée, il reprit la route de Tlemcen, couvert de gloire et chargé de butin.

SALEM-IBN-IBRAHIM ET KHALED-IBN-AMER PROCLAMENT L'EMIR ABOU

ZIAN.
MORT DE KHALED, SOUMISSION DE SALEM ET DÉPART
D'ABOU-ZIAN POUR LE DJERIÐ.

Salem-Ibn-Ibrahîm était chef des Thâleba, peuplade qui devint maîtresse de la Metîdjalors de la déconfiture des Melikich [par les Mérinides]. Il appartenait à la famille qui avait toujours exercé le commandement de cette tribu, circonstance dont nous avons déjà fait mention dans la notice des Makil 1. A l'époque où Abou-Zîan exploita la défaite d'Abou-Hammou, sous les murs de Bougie, dans l'intérêt de sa révolte, les Arabes recommencèrent à faire sentir leur puissance, et Salem fut le premier à fomenter la sédition. Le piége qu'il dressa contre Ali-Ibn-Ghaleb en est la preuve : quand Abou-Einan subjugua le Maghreb central, Ibn-Ghaleb, membre d'une des principales familles d'Alger, se vit obligé de quitter sa ville natale et n'y rentra qu'à l'époque où le pays était en proie à l'insurrection. Ayant alors exploité la haine que ses concitoyens portaient au sultan AbouHammou, il usurpa chez eux le commandement suprême et prit à son service une foule de misérables et de gens sans aveu. Salem, émir de la plaine, ambitionnait aussi la possession d'Alger et, voyant d'un œil jaloux le succès d'Ibn-Ghaleb, il fit prévenir secrètement les notables de la ville que leur nouveau maître avait l'intention d'y rétablir la souveraineté des Abd-elouadites. Cette [fausse] nouvelle excita leur indignation à un tel degré qu'ils se soulevèrent contre leur chef; mais, au moment où ils allaient le faire prisonnier, Salem vint l'enlever et le conduire au milieu des Thâleba, où il lui ôta la vie. A la suite de cette trahison, il établit son autorité dans Alger et y fit proclamer la souveraineté de l'émir Abou-Zian.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à l'occupation de Tlemcen par Abd-el-Aziz. Alors, Salem s'empressa de reconnaître

Voy. t. 1, p. 121.

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