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de juin), les deux armées se trouvèrent en présence à Angad, localité de la plaine d'Oudjda. Les Abd -el - Quad avaient formé le projet de tomber sur le camp mérinide à l'heure du midi, quand les soldats se seraient dispersés à droite et à gauche pour leurs divers besoins, après avoir dressé leurs tentes et abreuvé leurs montures. Peu s'en fallut que cette tentative ne réussit les Mérinides n'eurent pas le temps de se mettre en ordre de bataille et ils reculaient dans le plus grand désordre quand Abou-Einan, voulant faire un dernier effort pour ramener la fortune, monta à cheval, rallia quelques soldats de divers corps, chargea sur l'ennemi et le mit en pleine déroute.

Les Abd-el-Ouad continuèrent à fuir devant les Mérinides jusqu'à l'entrée de la nuit, et même alors, ils perdirent AbouSaîd qui fut pris et conduit devant Abou-Einan. Ce monarque lui adressa des reproches et des insultes, en présence des grands officiers du royaume mérinide, et le fit alors conduire en prison. Dans la neuvième nuit de sa captivité, Abou-Saîd fut mis à mort.

Son frère Abou - Thabet - ez-Zaïm opéra sa retraite avec les débris de l'armée; et, sachant qu'Abou-Einan continuait sa marche sur Tlemcen, il se dirigea du côté de Bougie avec l'intention de se mettre sous la protection des Hafsides. Il avait déjà fait une partie du chemin, quand sa petite troupe fut attaquée de nuit par les Zouaoua, et il dut s'enfuir du camp à pied et sans habits. Le lendemain, il ne lui restait pour compagnons que son neveu Abou-Zian-Mohammed, fils du sultan Abou-Said, son neveu Abou-Hammou-Mouça, fils de son frère Youçof, et son vizir, Yahya-Ibn-Dawoud-Ibn-Megguen. Comme AbouEinan avait fait avertir le seigneur de Bougie, Abou-Abd-Allah, petit-fils du sultan Abou-Yahya -Abou-Bekr, d'employer la plus grande vigilance afin d'intercepter la retraite aux fugitifs, on se mit à leur recherche et l'on parvint à arrêter, aux environs de Bougie, l'émir Abou-Thabet, son neveu Mohammed et le vizir Ibn-Dawoud.

On les conduisit dans la ville et, bientôt après, l'émir AbouAbd-Allah se mit en marche et les emmena avec lui, afin de les

livrer au sultan mérinide qui était alors campé sous les murs de Médéa '.

Aussitôt qu'Abou-Einan reçut ces prisonniers, il reprit la route de Tlemcen, après avoir comblé Abou-Abd-Allah d'égards et de remercîments. Il fit son entrée dans cette ville au milieu d'une foule immense; et, pendant qu'il traversait la double haie de spectateurs qui remplissaient les rues, il se fit suivre par Abou-Thabet et le vizir Ibn-Dawoud, montés chacun sur un chameau à la démarche vacillante. Ce spectacle fit sur le public une impression profonde. Le surlendemain, on les mena dans la plaine, hors de la ville et on les fit mourir à coups de lance.

Avec eux succomba le royaume abd-el-ouadite que les fils d'Abd-er-Rahman avaient rétabli à Tlemcen; mais, quelque temps après, cette dynastie se releva pour la troisième fois, sous les auspices du sultan actuel, Abou-Hammou-Mouça, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-er-Rahman.

REGNE D'ABOU - HAMMOU II, SECOND RESTAURATEUR DE
L'EMPIRE DE TLEMCEN.

Youçof, fils d'Abd-er-Rahman, habitait Tlemcen avec son fils, Abou-Hammou-Mouça II, pendant le règne de son frère, le sultan Abou-Saîd. Ennemi du faste et craignant les périls des grandeurs, il mena une vie retirée et s'adonna aux œuvres de piété à l'instar des hommes de bien. Quand la dynastie abd-elouadite fut renversée par les Mérinides et que le royaume de Tlemcen fut subjugué par le sultan Abou-Einan, Abou-Hammou s'enfuit vers l'Afrique orientale avec son oncle Abou-Thabet, pendant que son père Youçof et les autres princes de la famille royale se virent éloignés de leur pays et relégués dans le Maghreb-el-Acsa. Les gens qui arrêtèrent Abou-Thabet aux envi

1 Voy., ci-devant, p. 47.

Ce chapitre fut donc écrit avant l'an 788, époque de la déposition d'Abou-Hammou.

rons de Bougie firent si peu d'attention au jeune Abou-Hammou qu'il échappa à leurs regards et parvint à se réfugier dans Tunis. Le chambellan Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguin l'accueillit très-gracieusement et le fit recevoir à la cour du sultan hafside avec les honneurs dus aux princes de sang royal. Il lui accorda aussi une forte subvention et plaça auprès de lui les autres membres de la famille abd-el-ouadite qui avaient pu se dérober aux Mérinides. Abou-Einan demanda en vain leur extradition : IbnTafraguîn était trop fier de sa propre dignité et trop jaloux de l'honneur de son souverain pour céder à une pareille demande. Le sultan mérinide n'en persista pas moins dans ses réclamations et marcha ensuite contre l'Ifrîkïa, mais il se vit abandonner par ses alliés arabes, les Rîah et les Soleim.

En l'an 759 (1358), peu de temps avant la mort d'AbouEinan, les émirs des Douaouida, puissante famille de la tribu des Riah, se rendirent auprès du chambellan Ibn-Tafraguîn et le prièrent de laisser partir Abou-Hammou pour le Maghreb, en promettant d'escorter le jeune prince et de l'aider à faire des courses dans la province de Tlemcen. « Par ce moyen, disaient»>ils, nous donnerons tant d'occupation à Abou-Einan qu'il ne » pourra pas venir vous attaquer. » Ils demandèrent aussi que leur protégé reçût à son départ un équipage royal et les insignes de la souveraineté. Sogheir-Ibn-Amer, émir zoghbien qui vivait alors au milieu des tribus commandées par Yacoub-Ibn-Ali, chef dont il avait obtenu la protection, jugea ce projet tellement avantageux pour lui-même qu'il l'appuya chaudement. Les Hafsides firent donc leur possible pour fournir à Abou-Hammou un équipage convenable; puis ayant chargé Sogheir d'avoir soin du jeune prince et de le faire escorter par les Beni-Amer, ils les envoyèrent tous en Maghreb. Othman-Ibn-Sebâ, chef douaouidien, se mit en route avec eux, ainsi que Dagghar-Ibn-Eïça-Ibn-Rehab, qui vint les joindre avec sa tribu, les Beni-Saîd, confédérés des Douaouida. En traversant le Désert pour se rendre à Tlemcen ',

1 Voy. t. 1, p. 109.

ils apprirent la mort du sultan Abou-Einan et persistèrent plus que jamais dans leur résolution de relever l'empire des Abdel-Quad. Soula, fils de Yacoub[-Ibn-Ali], les quitta alors et [Abou-Hammou] hâta sa marche vers Tlemcen.

La garnison mérinide de cette ville attendait l'arrivée des renforts et de l'argent qu'El-Hacen-Ibn-Omar devait lui envoyer pour repousser cette tentative des Arabes. Par suite de la mort d'Abou-Einan, ce vizir était devenu régent de l'empire et tuteur du khalife Es-Said, fils et successeur du défunt. Les Soueid et leurs alliés arabes confédérés se mirent en marche, sous la conduite des fils d'Arif-Ibn-Yahya, émirs des nomades maghrebins, afin de soutenir leurs alliés, les Mérinides; mais, dans une bataille livrée aux troupes d'Abou-Hammou, ils essuyèrent une défaite totale et durent abandonner tous les territoires qu'ils occupaient à cette époque. Le sultan Abou-Hammou prit alors position sous les murs de Tlemcen; et, pendant trois jours, il tint la ville bloquée au moyen de sa cavalerie ; puis, dans la matinée du quatrième jour, il y pénétra de vive force. Le gouverneur, qui était fils d'Abou-Einan, sortit avec une petite bande d'amis, alla se mettre sous la protection de Sogheir-1bn -Amer, et obtint de ce chef une escorte pour le conduire à la capitale mérinide.

Entré à Tlemcen le mercredi 8 de Rebiâ premier 760 (9 février 1359), le sultan Abou-Hammou se rendit au palais, monta sur le trône et reçut de ses sujets le serment de fidélité. Prenant ensuite des mesures pour rétablir l'ordre dans les diverses parties de l'empire, il expulsa les Mérinides de toutes les villes. de ses états.

ABOU - HAMMOU QUITTE TLEMCEN A L'APPROCHE DE L'ARMÉE DU MAGHREB ET Y RENTRE BIENTÔT APRÈS.

El-Hacen-Ibn-Omar, régent du Maghreb, tenait en tutelle le sultan Es-Said, fils et successeur d'Abou-Einan. En proclamant

Dans le texte arabe, il faut lire el-Gharb, à la place d'el-Arab.

la souveraineté de ce jeune prince, il s'était emparé de l'administration de l'état; et, à l'exemple du feu sultan, dont il se proposait de suivre fidèlement la politique, il se tenait en observation, afin de protéger le territoire mérinide et de surveiller les royaumes voisins. Aussi la conquête de Tlemcen par Abou-Hammou le remplit d'une telle colère que, sans les remontrances des grands de l'empire, il aurait quitté la capitale pour marcher en personne contre les Abd-el-Ouadites. Il rassembla, toutefois, une armée nombreuse qu'il plaça sous les ordres de son cousin, le visir Masoud - Ibn - Rahhou, en l'autorisant à choisir les officiers qu'il voulait, faire renouveller l'armement des troupes, puiser à volonté au trésor public et à s'entourer des insignes du commandement. Rahhou, le père de ce général, était fils d'Ali, fils d'Eïça, fils de Maçaï, membre de la famille Foudoud1.

Abou-Hammou ayant appris que Masoud-Ibn-Rahhou s'était mis en campagne, évacua Tlemcen et passa dans le Désert avec ses partisans, les Beni-Amer; puis, quand le vizir eut occupé cette ville, il envahit le Maghreb à la tête de ses Arabes et occupa une position dans la plaine d'Angad. Masoud donna alors à son cousin, Amer-Ibn-Obbou-Ibn-Maçaï, le commandement d'un corps de cavalerie et l'envoya avec les principaux chefs de l'armée contre Abou-Hammou. Ce détachement fut mis en déroute par le sultan abd-el-ouadite.

La nouvelle de cette défaite arriva promptement à Tlemcen et fit éclater le mauvais esprit qui animait les Mérinides contre ElHacen-Ibn-Omar depuis qu'il avait usurpé l'autorité au détriment du sultan. Ils se mirent à tenir des conciliabules dans le but de placer sur le trône un autre prince de la famille royale, et le vizir Masoud, dont les sentiments étaient tout aussi mauvais que les leurs, profita de cette occasion favorable et proclama la souveraineté de Mansour-Ibn-Soleiman, chef des princes du sang. Ce personnage, qui était petit-fils de Mansour, fils d'Abd-el-Ouahed,

4 Le texte arabe porte Ferdoud. Cette leçon est mauvaise.

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