Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

Dans le mois de Rebiâ [premier] de l'an 751 (mai-juin 1350), l'émir Abou-Thabet, qui s'occupait à bloquer les Maghraoua dans leurs montagnes, apprit la nouvelle de ces événements et se hâta de conclure une paix avec ses adversaires, afin de pouvoir marcher contre le sultan. Il traversa alors le plateau de Mindas, déboucha dans le Seressou, au Midi de l'Ouancherich, et en expulsa Ouenzemmar et les bandes arabes de ce chef. Il était encore dans cette région quand l'armée envoyée à son secours par le sultan Abou-Einan et commandée par Yahya-IbnRahhou-Ibn-Tachefîn-Ibn-Môti, opéra sa jonction avec la sienne. S'étant alors mis à la poursuite des Arabes, il repoussa les Hosein dans la montagne de Titeri, leur asile ordinaire ; puis, se tournant du côté de Médéa, il alla s'emparer de cette ville et y installer comme gouverneur Amran-Ibn-Mouça -el - Djelouli, vieux serviteur de la famille Yaghmoracen. De là, il marcha contre les Hosein, occupa leur montagne et les contraignit à faire leur soumission et à livrer leurs fils comme otages. S'étant alors porté en avant, il soumit le Hamza et prit à son service les tribus arabes et berbères de cette région. Pendant tout ce temps, le sultan Abou-'l-Hacen se tint dans Alger. Cette course terminée, Abou-Thabet, qui se méfiait de ses auxiliaires mérinides, reprit la route de Tlemcen et, comme il soupçonnait Yahya-Ibn-Bahhou de s'être laissé gagner par Abou-'l-Hacen, il en fit prévenir Abou- Einan. Cet avertissement amena l'arrestation d'IbnRahhou et son remplacement par Yahya-Ibn-Soleiman - IbnMansour. Quand l'armée combinée fut de retour à Tlemcen, Abou-Thabet renvoya les Mérinides dans leur pays.

La retraite de ces troupes permit an sultan Abou-'l-Hacen de fortifier son parti et d'effectuer sa jonction avec ses alliés arabes et zenatiens que lui amena son fils En-Nacer. Il prit alors possession de Miliana et de Timzought, après avoir occupé Médéa et tué El-Djelouli. Le corps commandé par le sul

1 Quelques lignes plus loin, dans le texte arabe, ce personnage est nommé Othman-Ibn-Eiça-el-Djelouli.

[ocr errors][merged small]

tan se composait d'Arabes zoghbiens, de Zenata et d'Arabes de l'Ifrikïa. Ceux-ci appartenaient aux tribus de Soleim et de Riah; ils avaient à leur tête Mohammed-Ibn-Taleb et ses parents de la famille Mohelhel, Omar-Ibn-Ali-Ibn-Ahmed, chef douaouidien, Abou-Dinar, frère du précédent, et plusieurs autres grands personnages des deux tribus.

Abou-'l-Hacen se mit alors en marche après avoir fait prendre les devants au corps commandé par son fils. Les Maghraoua, effrayés de son approche, quittèrent leur pays et se dirigerent, en toute hâte, vers El-Bat'ha avec leur chef, Ali-Ibn- Rached. AbouThabet accourut à la tête de ses Abd-el-Ouad et ses nouvelles levées pour repousser l'ennemi. Les deux armées se rencontrèrent à Tinghamrîn', dans le pays de Chelif, et combattirent avec un grand acharnement; mais celle d'Abou-'l-Hacen fut enfin mise en pleine déroute. En-Nacer reçut un coup de lance d'un cavalier maghraouien et mourut dans la soirée du même jour. Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-el-Azéfi, commandant de la flotte du sultan, perdit aussi la vie dans cette bataille, ainsi qu'Ibnel-Baouac et le secrétaire El-Cabaïli. Le camp d'Abou-'l-Hacen et ses femmes tombèrent au pouvoir des Abd-el-Ouadites, mais ses filles parvinrent à se réfugier dans le Ouancherich. AbouThabet s'étant ensuite emparé de cette montagne, les envoya à leur frère Abou-Einan. Quant au sultan Abou-'l-Hacen, il se jeta dans le Désert et trouva un asile au milieu des tribus soueidiennes, jusqu'à ce que Ouenzemmar-Ibn-Arif l'eût conduit à Sidjilmessa. Abou-Thabet rentra à Tlemcen après avoir soumis le pays des Toudjîn.

ABOUTHABET SOUMET LE PAYS DES MAGHRAOUA ET S'EMPARE D'ALALI-IBN-RACHED SE DONNE LA MORT A TÉNÈS.

GER.

Dans notre chapitre sur les Maghraoua, nous avons parlé des vieilles haines et des guerres presque continuelles qui entrete

1 Localité voisine du Chedîouïa.

Voy. p. 310 de ce volume.

naient l'animosité entre cette tribu et celle des Abd-el-Ouad. Vaincus enfin par leurs adversaires, les Maghraoua perdirent leurs états, et leur chef, Rached-Ibn-Mohammed, passa chez les Zouaoua où il mourut assassiné1. Après le désastre de Cairouan, les Maghraoua se rallièrent autour de leur émir, Ali, fils de Rached, et quittèrent l'Ifrîkïa pour rentrer dans leur pays. Les Abd-el-Ouad, dont la contrée des Maghraoua avait formé un des états, n'avaient pas alors les moyens de soumettre encore leurs adversaires; aussi se bornèrent-ils à ratifier le traité de paix qu'ils venaient de conclure avec eux. Les deux peuples s'engagèrent à vivre en bonne intelligence et à se soutenir mutuellement contre [le sultan mérinide,] leur ennemi commun, et ils demeuraient assez paisibles pendant quelque temps, bien que l'esprit de haine et de vengeance palpitât encore dans leurs

cœurs.

Quand Abou-Thabet marcha contre En-Nacer, qui avait quitté l'Ifrikïa, il fut très-mécontent de voir qu'Ali-Ibn-Rached et les Maghraoua préféraient rester chez eux que de lui venir en aide, et il se promit bien de les en faire repentir. Peu de temps après, les deux tribus réunirent leurs forces contre Abou-'l-Hacen et le repoussèrent dans le Maghreb. Alors, Abou-Thabet crut avoir trouvé le moment de châtier cette tribu, ennemi moins redoutable que celui dont il se trouvait débarrassé. Pendant qu'il cherchait un prétexte pour lui déclarer la guerre, il apprit que plusieurs individus, appartenant à la famille maghraouienne des Beni-Kemi, devaient venir à Tlemcen pour l'assassiner. Cette nouvelle le remplit d'une telle indignation qu'il prépara une expédition contre les Maghraoua, et, vers le commencement de l'an 752 (mars 1351), il se mit à la tête de son armée et quitta Tlemcen.

Ayant opéré sa jonction avec les Zoghba, les Beni-Amer et les

1 Ci-devant, p. 322.

Il y a ici une faute de grammaire dans le texte arabe des manuscrits et de l'imprimé.

Soueid qu'il avait appelés sous ses drapeaux et qui venaient au devant de lui avec leurs cavaliers, leurs fantassins, leurs femmes et leurs chameaux, il marcha contre les Maghraoua et les poursuivit jusqu'à la montagne qui domine Ténès. Après les y avoir bloqués pendant quelques jours et livré plusieurs combats, il décampa pour parcourir les environs de cette ville et réduire tout ce pays sous son autorité. Milîana, Médéa, Brechk et Cherchel tombèrent en son pouvoir; Alger fut investi et assiégé. Cette forteresse renfermait un débris de l'armée mérinide et avait pour gouverneur Ali-Ibn-Saîd-Ibn-Adjana, aux soins duquel le sultan Abou-'l-Hacen avait confié son fils Abd-Allah, qui était encore dans l'enfance. Abou-Thabet s'empara de la place, embarqua la garnison pour le Maghreb et reçut la soumission des Thâleba, des Melikich et des Hosein.

Ayant chargé Saîd, fils de Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi, du commandement d'Alger, il renvoya ses alliés arabes dans leurs quartiers d'hiver et revint à la montagne où les Maghraoua s'étaient réfugiés. Le blocus qu'il y établit fut tellement rigourenx que leurs bestiaux, tourmentés par la soif, se précipitèrent en masse vers le pied de la montagne pour chercher de l'eau; et, pendant le désordre, Ali-Ibn-Rached parvint à se réfugier dans Ténès. Cette ville fut prise d'assaut, vers le milieu de Chaban 752 (octobre 1351), après un siége de quelques jours, et Ali-Ibn-Rached hâta de sa propre main le terme de sa vie.

4

A la suite de cette défaite, les Maghraoua se dispersèrent parmi les autres tribus, et Abou-Thabet se remit en marche pour Tlemcen.

ABOU-EINAN S'EMPARE DE TLEMCEN.

LA DYNASTIE ABD-EL-QUADITE SUCCOMBE POUR LA SECONDE FOIS.

Le sultan Abou-'l-Hacen étant rentré en Maghreb, eut une

Dans le texte arabe, il faut supprimer la préposition ala et lire min aala 'l-djebel.

T.III.

36

28

rencontre avec les troupes de son fils, Abou-Einan, et alla mourir sur la montagne des Hintata, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Mérinides. Abou-Einan devint ainsi souverain du Maghreb entier; et, trouvant le loisir de combattre les ennemis qui lui restaient, il prit la résolution d'enlever aux usurpateurs les royaumes conquis [et perdus] par son père. Il avait déjà reçu d'Ali-Ibn-Rached, qui était alors assiégé dans la montagne de Ténès, l'invitation d'intercéder pour lui auprès d'AbouThabet, et ce fut avec un mécontentement extrême qu'il vit repousser ses démarches en faveur du chef maghraouien. Ayant ensuite appris la triste fin de cet émir, il forma le projet d'une expédition contre Tlemcen.

Son intention fut bientôt connue d'Abou-Saîd et d'AbouThabet; aussi, vers le milieu du mois de Dou-'l-Câda (décembrejanv. 1351-2), celui-ci passa chez les tribus zenatiennes et arabes afin de lever des troupes. Ayant établi son camp sur le bord du Chelif, il rassembla autour de son drapeau une foule de partisans ; et, dans le mois de Rebiâ [4 er] 753 (avril-mai 1352), pendant qu'il y était encore, il reçut les hommages des habitants de Tedellis, ville que Djaber-el-Khoraçani, client de la famille royale des Abd-el-Ouad, venait d'enlever à la domination hafside. Il n'avait pas encore levé son camp, quand il apprit que le sultan Abou-Einan s'était mis en campagne. A cette nouvelle, il partit pour Tlemcen d'où il se dirigea vers le Maghreb. Son frère, Abou-Said, le suivit de près à la tête d'une armée zenatienne. Dans le nombre des troupes commandées par AbouThabet, on remarquait les Beni-Amer, tribu zoghbienne et une fraction des Soueid. La majeure partie de cette dernière tribu était passée en Maghreb pour soutenir les Mérinides, parce que son chef, Arîf-Ibn-Yahya, et Ouenzemmar, fils de celui-ci, s'étaient toujours montrés favorables à cette nation.

Pendant que l'armée de Tlemcen s'avançait en ordre de bataille, Abou-Einan marchait contre elle à la tête des Zenata du Maghreb, des Arabes makiliens, des contingents masmoudiens, des divers corps de la milice et des troupes levées dans les autres tribus. Vers la fin de Rebiâ second de l'an 753 (milieu

1

« PrécédentContinuer »