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rent ensemble d'une période de bonheur; ils goutèrent simultanément la mauvaise fortune et ils quittèrent la vie presqu'à la même époque. Après la prise de Tlemcen, le sultan Abou-']Hacen rechercha et punit avec la dernière sévérité tous les esclaves qui avaient trempé dans l'assassinat d'Abou-Hammou, mais la mort avait déjà soustrait Hilal à sa vengeance.

TLEMCEN

OU

OTHMAN

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IBN-DJERRAR AVAIT USURPÉ LE TRÔNE,

RENTRE SOUS L'AUTORITÉ DES BENI-ABD-El-ouad.

Les Beni-Djerrar eurent pour ancêtre Djerrar-Ibn-Yala-IbnTidoukcen-Ibn-Tâ-Allah'. Depuis son origine, cette famille était toujours en rivalité avec sa sœur, la famille des Beni-Mohammed-Ibn-Zegdan[-Ibn-Tidoukcen], et, quand elle parvint enfin à la possession de l'empire [abd-el-ouadite, par suite de l'usurpation dont on va lire les détails,] elle traita avec une hauteur méprisante toutes les autres branches de la souche qui lui avait donné naissance.

Othman-Ibn-Yahya-Ibn-Mohammed-Ibn-Djerrar grandit au sein de sa tribu sous les regards [bienveillants de la fortune, qui semblait lui réserver la jouissance] des honneurs et du pouvoir. Il fut emprisonné par Abou-Tachefin comme un ambitieux qui aspirait à l'autorité suprême, et, quand il effectua son évasion, il trouva auprès d'Abou-Saîd, sultan du Maghreb, un honorable accueil et un abri assuré. S'étant alors jeté dans la dévotion, il obtint du sultan [Abou-'l-Hacen], après la prise de Tlemcen, le commandement des pèlerins qui allaient partir pour la Mecque. Dès lors, il continua, pendant plusieurs années, à conduire en qualité de caïd [ou chef] les caravanes qui se rendaient du Maghreb à la ville sainte. Quand le même souverain s'apprêtait à subjuguer le royaume des Hafsides et rassemblait sous ses drapeaux les populations zenatiennes et arabes du Maghreb, Oth

1 Voy., ci-devant, p. 329.

man-Ibn-Djerrar fut incorporé dans cette grande armée; mais, peu de temps avant le désastre de Cairouan, il se fit accorder un congé pour rentrer en Maghreb. Arrivé à Tlemcen, où AbouEinan gouvernait au nom et par l'ordre du sultan, qui voulut former ainsi son fils au commandement et le rendre apte à succéder au trône, il descendit chez ce prince et s'en fit bien accueillir en lui fournissant des renseignements sur la position des affaires en Ifrikia. Pour mieux faire sa cour, il lui donna à entendre que le sultan était un homme perdu, qu'il ne reviendrait plus et que les augures ainsi que les devins les plus habiles avaient prédit la transmission du commandement suprême à Abou-Einan. Ce prince ambitieux s'imagina qu'Ibn-Djerrar avait connu ces nouvelles par intuition et, quand il eut appris, bientôt après, la défaite de son père auprès de Cairouan, il demeura convaincu que son hôte était inspiré et méritait toute confiance. Sous l'influence de cette opinion, il écouta les conseils de son protégé et résolut de se déclarer indépendant à Tlemcen et de marcher sur Fez aussitôt après, afin d'enlever cette ville à son neveu, Mansour, fils d'Abou-Malek, auquel le sultan Ahou'l-Hacen en avait confié le gouvernement.

Tout en faisant voir au prince mérinide les pronostics de sa grandeur prochaine et de son avènement au trône, Ibn-Djerrar fit adroitement répandre le bruit que le sultan venait de mourir. Cette nouvelle courut de bouche en bouche et prit enfin une telle consistance qu'Abou-Einan se décida à saisir le pouvoir. Ayant recueilli les débris de l'armée qui revenaient de l'Ifrika, il leva encore quelques troupes, leur fit des distributions d'argent et prit le titre de sultan. Ceci eut lieu dans un des mois de Rebiâ 749 (juin-juillet 1348). S'étant alors campé en dehors de la ville, avec l'intention de se rendre en Maghreb, il chargea Othman-Ibn-Djerrar du gouvernement de Tlemcen et des provinces qui en dépenden!.

Aussitôt après son départ, Othman se fit proclamer souverain, revêtit les insignes de la royauté et, s'étant emparé du trône, il rétablit le cérémonial de l'ancienne cour abd-el-ouadite et usurpa des honneurs qui n'avaient pas été faits pour

la

famille Djerrar. Peu de mois après, un membre de la famille Zîan, fils d'Abd-er-Rahman - Ibn - Yahya - Ibn-Yaghmoracen, parut à Tlemcen, renversa cette royauté de faux aloi, en fit périr le fondateur et toute sa maison. De cette manière, les Beni-Abd-el-Ouad rentrèrent en possession de le leurs droits légitimes.

Dans le chapitre suivant, nous raconterons l'histoire de cette restauration.

AVÉNEMENT D'ABOU - SAÎD[ - OTHMAN ], MEMBRE DE LA FAMILLE DE RÈGNE DE SON FRÈRE ET COLLÈGUE ABOU

YAGHMORACEN.

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THABET-EZ-ZAÏX].

Yaghmoracen-Ibn-Zîan avait désigné pour lui succéder son fils aîné Othman ', en ajoutant qu'après la mort de celui-ci l'autorité devait se transmettre à Yahya, son second fils. En l'an 661, il s'empara de Sidjilmessa et en donna le commandement à Yahya. Ce prince y séjourna plusieurs années et revint enfin à Tlemcen, où il mourut. Son fils, Abd-er-Rahman passa sa première jeunesse à Sidjilmessa, lieu de sa naissance, et ne se rendit à Tlemcen qu'après [la mort de] son père. Il resta dans cette capitale avec ses frères jusqu'à ce que le sultan [Abou - Tachefîn] s'inquiéta de leur présence et les déporta en Espagne3. Abd-er-Rahman mourut en combattant les chrétiens, après s'être mis en garnison à Carmona afin de prendre part à la guerre sainte. Il laissa quatre fils: Youçof, Othman, Ez-Zaïm et Ibrahîm. Ces jeunes gens allèrent demeurer à Tlemcen et, ils y avaient déjà vécu quelques années, quand le sultan mé

1 Le texte arabe imprimé et celui des manuscrits portent Omar, à la place d'Othman.

Ci-devant, p. 355, l'occupation de Sidjilmessa par les Abd-elOuadites est placée dans l'année 662.

3 Voy., ci-devant, p. 401.

rinide Abou-l- Hacen soumit le royaume des Beni - Abd-elOuad, l'incorpora dans ses états et déporta en Maghreb[-elAcsa] tous les membres de la famille Yaghmoracen. Alors, ces quatre frères se firent donner l'autorisation de passer en Espagne pour y faire la guerre sainte, et, s'étant installés dans Algésiras, une des forteresses que les Mérini les possédaient en ce pays, ils reçurent du sultan un traitement fixe et se livrèrent à des faits d'armes qui excitèrent l'admiration générale.

En l'an 748 (1347-8), quand Abou-'l-Hacen convoqua les tribus zenatiennes à la conquête de l'Ifrikïa, ces princes occu pèrent une place distinguée sous le drapeau de leur tribu, les Abd-el- Ouad. Bientôt après l'occupation de ce pays, les affaires du sultan prirent une mauvaise tournure par suite de la résistance que lui opposèrent les Kaoub, Arabes nomades de la grande famille des Soleim. Au moment où ils lui livrèrent bataille sous les murs de Cairouan, les Beni-Abd-el-Ouad passèrent de leur côté et entraînèrent dans leur défection les autres tribus zenatiennes. Abou-'l-Hacen s'enferma dans cette ville; les Arabes devinrent maîtres des plaines de l'Ifrikïa, et la révolte se propagea dans toutes les provinces du royaume mérinide.

Les Abd-el-Ouad partirent alors pour leur pays, avec l'autorisation de leurs nouveaux alliés, et se rendirent d'abord à Tunis, où ils passèrent quelques jours, pendant que leurs chefs délibéraient en secret sur les intérêts de la tribu et sur le choix d'un souverain. L'on décida qu'Othman, fils d'Abd-er-Rahman, recevrait de tous le serment de fidélité et, comme il se trouvait présent, on l'emmena à la campagne, hors de la ville. Arrivés à la porte du mosalla1 de Tunis, ces chefs le firent asseoir sur un bouclier et, s'étant rangés en cercle autour de lui, pour le dérober aux yeux des étrangers, ils le reconnurent pour leur seigeur et lui donnèrent successivement la main, en signe d'hommage et d'obéissance. Cette cérémonie achevée, ils le ramenèrent à la tribu.

Voy. t. 1, p. 372, nole 1.

Les Maghraoua agirent de la même manière envers leur émir, Ali-Ibn-Rached, petit-fils de Mohammed-Ibn-Thabet-Ibn-Mendil, et prirent avec les Abd-el-Ouad l'engagement de faire route ensemble jusqu'au Maghreb, de vivre dorénavant en bonne intelligence et de se reconnaître mutuellement le droit de choisir leurs sultans et de reprendre les héritages de leurs ancêtres. A la suite de cette convention, ils partirent pour le Maghreb. Les populations bédouines, telles que les Ouuîfen et les Berria, ainsi que les montagnards de Beni-Thabet, eurent beau se précipiter de tous les côtés pour piller cette colonne, elles ne purent rien. lui enlever, pas même une rognure d'ongle.

En passant auprès de Bougie, les deux tribus rencontrèrent quelques bandes maghraouiennes et toudjînides qui s'étaient installées dans cette province depuis la conquête de leur pays et qui avaient pris service dans la milice du sultan. Elles emmenèrent tous ces gens, traversèrent la montagne d'Ez-Zan, malgré l'opposition des Berbères-Zouaoua, et, dans ce conflit, ils déployèrent une bravoure et une fermeté dignes de leurs aïeux. Arrivées dans le pays du Chelif, elles trouvèrent d'autres tribus maghraouiennes qui venaient offrir leurs hommages au nouveau sultan, Ali-Ibn-Rached.

Quand toutes les populations maghraouiennes eurent reconnu l'autorité de leur souverain, les Abd-el-Ouad obtinrent de lui la ratification du traité de paix et reprirent leur marche sous la conduite des émirs Abou-Said et Abou-Thabet. Parvenus à ElBat'ha, ils s'y établirent après en avoir expulsé plusieurs tribus arabes-soueidiennes que l'armée du sultan Abou-'l-Hacen avait chassées de Teçala et qui étaient venues, avec leurs confédérés et leur cheikh, Ouenzemmar-Ibn-Arif, pour camper dans cette localité.

Parmi ces tribus, se trouvait une fraction des Beni-DjerrarIbn-Tidoukcen. Amran-Ibn-Mouça, chef de cette bande, s'enfuit aussitôt à Tlemcen et obtint de son cousin, Othman-Ibn-YahyaIbn-Djerrar, un corps de troupes avec lesquelles il se promettait de repousser Abou-Saîd et ses partisans. Quand les deux armées se trouvèrent en présence, celle de Tlemcen passa sous les dra

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