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de Mouça-Ibn-Ali et leur présenta, en même temps, le prince hafside, Ibrahim, fils d'Abou-Bekr-es-Chehîd, en les invitant à le proclamer souverain de l'Ifrîkïa. Notre seigneur, le sultan AbouYahya-Abou-Bekr, s'empressa de quitter Tunis pour aller à leur rencontre et, craignant qu'ils ne se rendissent maîtres de Constantine, il s'y porta assez rapidement pour arriver avant eux. Mouça-Ibn-Ali vint alors prendre position devant la ville et laissa le prince Ibrahîm se diriger sur Tunis avec les tribus soleimides. Cette ville succomba, ainsi que nous l'avons raconté [dans le tome 1, p. 463], mais Constantine résista si bien que Mouça-Ibn-Ali dut lever le siége au bout de quinze jours et regagner Tlemcen.

En l'an 726 (1326), Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi reçut du sultan Abon-Tachefin le commandement d'une armée avec la commission d'envahir les plaines de l'empire hafside et d'assiéger les places fortes qui en garnissaient la frontière occidentale. Après avoir attaqué Constantine et dévasté les coutrées voisines, Mouça se tourna vers Bougie et y mit le siége. Quelque temps après, il leva son camp et, comme il avait reconnu que la position de Hisn-Bekr ne convenait pas à un corps de troupes chargé de maintenir le blocus de Bougie, il chercha un local plus rappróché de cette ville afin d'y établir une forte garnison. Ayant fait choix de Souc-el-Khamis, dans la vallée de Bougie, il rassembla des ouvriers, les fit aider par ses soldats et, dans l'espace de quarante jours, il acheva la construction d'une nouvelle ville. Cette forteresse, destinée à bloquer Bougie, reçut le nom de Temzezdekt pour rappeler le souvenir de l'ancienne citadelle que les Beni-Abd-el-Ouad possédaient dans la montagne qui s'élève au Midi d'Oudjda, et dont ils se servaient avant d'avoir fondé leur royaume.

Le nouveau Temzezdekt reçut une garnison de trois mille hommes et, d'après les ordres du sultan, les gouverneurs de toutes les provinces du Maghreb central durent Ꭹ faire porter

4 Voy. t. 1, p. 462.

des grains, malgré la distance, ainsi que toutes les espèces de denrées qui servent d'assaisonnement, sans oublier le sel. Pour tenir les tribus voisines dans l'obéissance, cette garnison s'en fit donner des otages; elle contraignit aussi ces populations à lui payer l'impôt et, par sa vigilance à intercepter les communications avec Bougie, elle parvint à incommoder cette ville extrêmement et à y faire naître la disette.

En 727 (1327), un corps de troupes expédié par notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, traversa la montagne des Beni-Abd-el-Djebbar, pénétra jusqu'à Bougie et marcha ensuite contre Temzezdekt sous la conduite d'Abou-Abd-Allah IbnSéïd-en-Nas, général commandant de la ville. Mouça-Ibn-Ali eut connaissance de leur approche assez à temps pour rappeler les détachements qui se trouvaient en arrière de sa position et pour envoyer en avant les caïds sous ses ordres. La rencontre des deux armées eut lieu dans le voisinage de Temzezdekt et amena la défaite d'Ibn-Séïd-en-Nas1, la prise de son camp et la mort de Dafer-el-Kebir, chef des convertis chrétiens qui gardaient la porte du sultan de Tunis.

Après la chute de Mouça - Ibn - Ali, qui encourut la disgrâce du sultan, ainsi que nous le dirons plus loin, YahyaIbn-Mouça des Beni-Senous reçut le commandement d'un corps d'armée qui devait envahir l'Ifrîkïa. Il se mit en marche, accompagné des principaux caïds de l'empire, et ne rebroussa chemin qu'après avoir dévasté les environs de Constantine et poussé en avant jusqu'à Bône.

En 729, Hamza-Ibn-Omar 3 vint demander des secours au sultan Abou-Tachefîn, et, avec lui ou bientôt après, arriva Abdel-Hack-Ibn-Othman, l'un des plus braves guerriers de la famille royale mérinide. Celui-ci s'était d'abord réfugié auprès du sultan Abou-Yabya-Abou-Bekr; mais, au bout de quelques

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années, il quitta la cour hafside dans un moment de mécontentement et se rendit à Tlemcen. Abou-Tachefîn mit tous ses caïds au service de ces deux chefs et, leur ayant fourni un corps de troupes commandé par Yahya-Ibn-Mouça, il leur présenta pour être leur sultan un prince hafside nommé Mohammed-Ibn-AbiBekr-Ibn-Abi-Amran. Notre seigneur le sultan Abou-Yahya-AbouBekr leur livra bataille à Er-Rias, dans le pays des Hoouara, mais, par suite de la retraite de ses alliés, les Arabes Mohelhet, il essuya une défaite complète. Ses litières portées à dos de chameaux, les femmes de sa maison qui se trouvaient dans ces véhicules, et ses deux fils, Ahmed et Omar, tombèrent au pouvoir des vainqueurs et furent envoyés à Tlemcen. Blessé luimême dans la mêlée, il parvint à se réfugier dans Constantine, pendant que Yahya-Ibn-Mouça et Ibn-Abi-Amran allèrent prendre possession de Tunis. Yahya y resta quarante jours et partit alors pour Tlemcen avec toutes les troupes zenatiennes. A cette nouvelle, notre seigneur le sultan marcha sur sa capitale et en expulsa Ibn-Abi-Amran, après avoir fait passer à son fils, Abou-Zékérïa-Yahya, l'ordre de quitter Bougie avec le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Ibn '-Tafraguîn, et d'aller solliciter l'appui du souverain mérinide contre Abou-Tachefîn. Cette mission eat pour résultat la chute de l'empire abd-elouadite, comme on le vèrra plus loin.

Abou-Tachefîn, s'étant ménagé des intelligences avec quelques habitants de Bougie, apprit par eux où était la partie faible de la ville et vint pour y pénétrer, mais Ibn-Séïd-en-Nas rentra dans la place, le même jour, et rétablit l'ordre en faisant mourir les traîtres. Le sultan abd-el-ouadite s'en éloigna après avoir confié le commandement de Temzezdekt à Eïça-Ibn-Mezrouâ, l'un des cheikhs de sa tribu. Il ordonna, en même temps, à cet officier de construire un château plus près de Bougie que Temzezdekt. Les Abd-el-Ouadites élevèrent, en conséquence, une nouvelle forteresse à El-Yacouta, tout-à-fait à l'embouchure de

1 Dans le texte arabe, il faut remplacer min par Ibn.

la rivière et vis-à-vis de Bougie. Postées là, elles tinrent la ville si étroitement bloquée qu'elle allait succomber quand le sultan mérinide Abou-'l-Hacen parvint à la dégager et força les assiégeants à une prompte retraite sur Tlemcen.

En 732 (1331-2), notre seigneur le sultan Abou-Yahya-AbouBekr quitta Tunis à la tête de son armée et, arrivé à Temzezdekt, il ne mit qu'une heure de temps à détruire ce fort et à le ruiner de fond en comble.

LA GUERRE ÉCLATE DE NOUVEAU ENTRE LES MÉRINIDES ET LES BENISIEGE DE TLEMCEN ET MORT DU SULTAN ABOU

ABD-EL-OUAD.
TACHEFIN.

Abou-Tachefin, en montant sur le trône, avait conclu un traité de paix avec Abou-Saîd, roi du Maghreb, et, jusqu'à l'an 722 (1322), le meilleur accord avait régné entre les deux monarques, quand Abou-Ali-Omar, priuce souverain de Sidjilmessa, déclara la guerre à son père, le sultan, Abou Said, et envoya son fils El-Kakaå en mission à la cour de Tlemcen, Pendant que co jeune homme poussait Abou-Tachefin à des actes d'hostilité contre le Maghreb et cherchait à susciter au sultan de ce pays assez d'embarras pour l'empêcher de tourner ses armes contre Sidjilmessa, son père, Abou-Ali, se mit en campagne et occupa la ville de Maroc. Quand le sultan Abou-Saîd marcha au secours. de cette place, Abou-Tachefîn profita de son éloignement pour faire envahir le Maghreb. Mouça-Ibn-Ali, le général abd-el-ouadite, pénétra aux environs de Tèza, ravagea la province de Garet et après avoir enlevé les moissons de ces contrées, il repartit pour Tlemcen. Ce fut là un trait de perfidie de la part d'Abou-Tachefîn dont le sultan mérinide résolut de tirer ven

geance.

Le souverain abd-el-ouadite chargea alors son vizir DawoudIbn-Ali-Ibn-Megguen d'une mission auprès du sultan Abou-Ali, mais, ayant vu son envoyé revenir quelque temps après et témoigner un extrême mécontentement de la réception qu'on lui

avait faite à Sidjilmessa, il renoua avec Abou-Saîd et conclut avec lui un nouveau traité de paix. La bonne intelligence se maintenait encore entre les deux souverains quand le fils de notre seigneur, le sultan hafside Abou-Yahya-Abou-Bekr, se rendit à la cour des Mérinides, par l'ordre de son père, et que l'on négocia l'alliance matrimoniale dont il a déjà été question '.

Après la mort d'Abou-Saîd, son fils et successeur, Abou-'lHacen, marcha sur Tlemcen. Avant d'entreprendre cette expédition, il avait fait inviter le sultan Abou-Tachefin à lever le siége de Bougie et à rendre aux Hafsides la province de Tedellis. Le prince abd-el-ouadite repoussa cette sommation avec hauteur et, dans sa réponse aux ambassadeurs, il s'oublia au point de lui adresser des paroles blessantes et injurieuses. Les courtisans qui assistaient à cette audience se mirent aussitôt à insulter le souverain mérinide en la personne de ses envoyés. Abou-'lHacen fut tellement indigné de ce procédé qu'en l'an 732 (13312), il partit pour Tlemcen à la tête de son armée. Arrivé sous les murs de la ville, il passa outre et alla camper à Teçala, où il fit un séjour assez prolongé. Par son ordre, El-Hacen-el-Botouï, ancien serviteur de la maison de Merîn, s'embarqua à Oran avec un corps de troupes, et, arrivé à Bougie, ville qu'il avait la commission de secourir, il opéra sa jonction avec l'armée de notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr. Ce prince avait rassemblé ses forces afin de renverser la forteresse de Temzezdekt et il se tenait maintenant prêt à les réunir aux troupes mérinides, ainsi que cela avait été convenu, et à marcher avec elles au siége de Tlemcen. Ayant quitté Bougie, il s'empara de Temzezdekt que les Abd-el-Ouadites venaient d'abandonner, le livra

pillage et permit à ses soldats d'en emporter tous les approvisionnements, d'en renverser les murailles et de le ruiner de fond en comble. La retraite des Abd-el-Ouadites, pour rentrer dans leur pays, permit à la ville de Bougie de reprendre haleine. Sur ces entrefaites, le prince Abou-Ali-Omar, fils du sultan

Voy. t. I, p. 472

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