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remplacé, à son tour, par son fils Ibrahim. Celui-ci eut pour collègue un de ses parents, le nommé Ali-Ibn-Abd-Allah-Ibn-elMelah. Leurs fonctions consistaient à régler l'économie du palais et à paraître aux petites réunions où le sultan s'entretenaient avec ses intimes.

Ce jour-là, les Melah passèrent dans le salon avec le sultan aussitôt que la séance publique fut terminée. Avec eux entrèrent Masoud-Ibn-Berhoum, victime désignée de la conspiration, l'affranchi Marouf le grand, qui venait d'être élevé au rang de vizir, et Hammouch-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Hanina. Marouf était fils d'Abou-'l-Fotouh-Ibn-Anter et membre de la famille de NasrIbn-Ali, émir de la tribu toudjinide des Irnaten1. Abou-Tachefîn ayant su qu'ils y étaient tous rassemblés, pénétra dans la salle malgré la résistance de l'huissier, ses affidés le suivirent, fermèrent la porte et, trouvant le sultan au milieu de la pièce, ils le tuèrent à coups de sabre, sans faire attention aux cris d'AbouTachefin qui reculait devant l'idée d'un pareil forfait. Masoud se réfugia dans un cabinet, mais les assassins enfoncèrent la porte et lui ôtèrent la vie. Les Beni-Melah et presque tous les autres intimes du sultan y trouvèrent la mort et leurs maisons furent livrées au pillage.

Aussitôt après ce forfait, un héraut parcourut les rues de la ville en criant qu'Abou-Serhan-Masoud venait d'assassiner le sultan et qu'Abou-Tachefin avait vengé la mort de son père. Cette annonce fut bien inutile, car tout le monde savait à quoi s'en tenir.

Mouça - Ibn-Ali-el- Kordi, commandant en chef de l'armée, monta à cheval au premier cri d'alarme, courut au palais et, trouvant la porte fermée, il se livra à mille conjectures. Soupçonnant enfin que Masoud voulait s'emparer du pouvoir, il envoya chercher El-Abbas-Ibn-Yaghmoracen, prévôt des membres de la famille royale, et se présenta avec lui devant le palais; puis, ayant vu passer la héraut et reçu l'assurance que Masoud

1 Le texte arabe imprimé porte, par erreur, Irtaten.

était mort, il renvoya El-Abbas chez lui et se fit introduire auprès d'Abou-Tachefîn. Frappé de l'aspect du prince qui était encore attéré par cette catastrophe, il l'exhorta à montrer de la fermeté et à travailler promptement pour faire valoir ses droits.

L'ayant alors placé sur le trône, il administra le serment de fidélité d'abord aux grands de l'empire, en séance privée, puis, au peuple, en séance publique. Ceci se passa vers la fin du mois du premier Djomada de l'an 718 (fin de juillet 1318). On enterra Abou-Hammou dans le cimetière de la famille Yaghmoracen, au Vieux-Château (El-Casr-el-Cadim)'.

Le nouveau sultán commença l'exercice du pouvoir par déporter en Espagne tous les descendants de Yaghmoracen et tous les autres membres de cette famille qui se trouvaient à Tlemcen. Par ce coup d'état, il espérait neutraliser l'influence qu'ils tiraient de leur naissance et prévenir les troubles qu'ils pourraient exciter dans l'empire. Son affranchi Hilal, auquel il accorda la place de hadjeb, se chargea hardiment des devoirs de cet office et parvint à exercer tant d'influencé que, par sa seule volonté, il réglait les nominations, les destitutions et les décisions de toute nature. Pour renverser cette haute fortune, il fallut la série d'événements dont nous parlerons plus loin. Yahya-IbnMouça-es-Senouci, l'un des protégés de la famille royale, obtint le gouvernement du pays de Chelif et de toutes les provinces. maghraouiennes. Mohammed-Ibn-Selama-Ibn-Ali reçut le commandement du territoire occupé par sa tribu, les Beni-Idlelten, en remplacement de son frère Sâd qui passa dans le Maghreb. Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi eut pour sa part les provinces orientales du royaumé avec la commission dé reprendre le siége de Bougie.

Ces nominations faites, le sultan Abou-Tachefin encouragea

1 On voit encore trois ancieus tombeaux à l'Est de Tlemcen, à une demi-lieue de la ville. Les indigènes les regardent comme les tombeaux des rois de Tlemcen. C'est peut-être cette localité que notre auteur veut désigner ici.

T. III.

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ses grands officiers à se construire des hôtels, à former des parcs et à planter des jardins; aussi parvint-il à terminer et même à surpasser les plans que son père avait adoptés pour l'embellissement de la capitale. Les palais et les autres grands édifices de cette époque se faisaient admirer par leur beauté.

LE SULTAN ABOU-TACHEFÎN ATTAQUE MOHAMMED-IBN-YOUÇOF DANS LE OUANCHERICH ET LE FAIT PRISONNIER.

Après avoir forcé Abou-Hammou à la retraite, MohammedIbn-Youçof soumit le Ouancherîch et les pays voisins, rallia autour de lui les débris de la population maghraouienne et se rendit encore redoutable par sa puissance. Aussi, le sultan AbouTachefin conçut de vives inquiétudes et, en l'an 719 (1319), il organisa une armée à Tlemcen, se mit en marche pour combattre le perturbateur et attira sous ses drapeaux un grand nombre de tribus, tant zena tiennes qu'arabes. Arrivé au pied du Ouancherîch, il y établit son camp et bloqua Ibn-Youçof qui y avait réuni les Toudjîn et les Maghraoua.

Parmi les insurgés se trouvèrent les Beni-Tîgherîn, tribu toudjinide qui, toujours dévouée à la famille d'Abd-el-Caouï, regardait Omar-Ibn-Othman-Ibn- Atïa comme son chef légitime. Aussi, quand Ibn-Youçof, dont ils avaient embrassé la cause, leur imposa comme chef un individu appartenant à une autre tribu toudjinide, Omar en conçut un profond ressentiment et fit prévenir secrètement Abou-Tachefin qu'il irait se joindre à lui. Le sultan força alors les abords de la montagne, contraignit les rebelles à s'enfermer dans Toukal et, après avoir assiégé cette forteresse pendant huit jours, il eut le plaisir de voir passer de son côté Omar-Ibn-Othman avec tous les Beni-Tîgherîn. Profitant aussitôt de cette défection qui avait jeté une grande confusion parmi les coalisés, il emporta la place d'assaut et, pendant

A la place de dauletaho, le traduteur lit ahla daulétihi.

qu'il se tenait au milieu de son cortège, on lui amena prisonnier le chef de l'insurrection. Ayant récapitulé à ce malheureux tous les méfaits dont ils s'était rendu coupable, il le piqua avec son javelot et donna ainsi à sa troupe d'affranchis le signal de l'achever. Mohammed-Ibn-Youçof succomba criblé de blessures, et sa tête fut placée au bout d'une lance et portée à Tlemcen pour être plantée sur un des crénaux du rempart.

Omar-Ibn-Othman reçut alors du sultan le commandement du Ouancherich et du pays des Beni - Abd-el- Caouï. L'affranchi Saîd-el-Arebi obtint en même temps le gouvernement de Médéa.

Après avoir fait ces nominations, Abou-Tachefin se dirigea vers l'Orient, afin de surprendre les tribus rîahides qui étaient campées à Ouadi-'l-Djenan, près du col par lequel on se rend du pays de Hamza dans les contrées méridionales. Etant tombé sur elles à l'improviste, il s'empara de tous leurs troupeaux et continua sa marche jusqu'à Bougie. Arrivé sous les murs de cette ville, dans laquelle se tenait le chambellan Yacoub-Ibn-Ghamr, il y resta pendant trois jours sans pouvoir la prendre. Pour pallier, aux yeux de ses alliés, le mauvais succès de cette tentative, il leur déclara que la place était trop forte pour être emportée de vive force. Il reprit alors la route de Tlemcen.

SIEGE DE BOUGIE PAR LES ABD-EL-OUADITES.

ABOU - TACHEFÎN

ATTAQUE LES ALMOHADES [HAFSIDES] ET COMMENCE LA LONGUE GUERRE QUI AMENA SA MORT ET LA CHUTE MOMENTANÉE DE SA DYNASTIE.

Le sultan Abou-Tachefin, étant rentré de l'expédition qu'il avait faite contre Bougie en l'an 719, envoya successivement plusieurs corps d'armée dans les contrées situées à l'Est de ses états, s'acharnant ainsi à envahir le territoire hafside. En l'an 720 (1320), ses troupes insultèrent la campagne de Bougie et revinrent ensuite. En 724, son général Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi alla bloquer Constantine et, ne pouvant s'en emparer, il se transporta au premier défilé que l'on rencontre dans la vallée de

Bougie et y construisit un fort qu'il nomma Hisn-Bekr et dans lequel il laissa une garnison sous les ordres de Yahya-IbnMouça, caïd de Chelif. Revenu à Tlemcen, il entreprit une troisième campagne, l'an 723, et, cette fois-ci, il ravagea les environs de Bougie et tint la ville bloquée pendant quelques jours. En l'an 723 (1323), Abou-Tachefîn reçut la visite de HamzaIbn-Omar 2, petit-fils d'Abou-'l-Leil et commandant des populations nomades de l'Ifrikia, lequel vint pour implorer le secours des Abd-el-Ouadites contre le souverain de ce pays, notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr. Il fournit à cet Arabe une armée zenalienne composée, en grande partie, de Toudjinides et de Beni-Rached. Le sultan hafside se porta au-devant de ces troupes qui étaient sous les ordres de leurs chefs respectifs, mais dont le commandement en chef fut exercé par MouçaIbn-Ali, et il les battit complètement aux environs de Mermadjenna. Le nombre des morts et des prisonniers fut immense; parmi les premiers, on retrouva l'affranchi Moçameh. Le général abd-el-ouadite ramena les débris de sa colonne à Tlemcen et encourut [plus tard] la disgrâce de son maître qui le soupçonnait d'avoir trahi ses devoirs.

En 724, une armée que le sultan Abou-Tachefin envoya contre Bougie, parcourut les environs de cette forteresse, attaqua les troupes d'Ibn-Séïd-en-Nas, les mit en déroute et força leur chef à chercher un abri derrière ses remparts.

En 725, le même sultan reçut une députation d'Arabes soleimides dans laquelle on remarqua Hamza-Ibn-Omar, chef trèspuissant, Taleb-Ibn-Mohelhel, son rival dans le commandement des Kaoub, et Mohammed-Ibn-Meskin, l'un des Beni-'l-Cos, puissante famille de la tribu des Hakim. Sur les instances de ces chefs qui le prièrent de les soutenir dans une expédition contre l'Ifrika, il leur fournit un corps de troupes sous les ordres

Variante: Tegguer ou Tekr. Voy. t. 1, p. 454, note, et l'article Hisn-Bekr dans la Table géographique.

2 Voy. t. 1, p. 447, et t. 1, p. 460.

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