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Youçof-Ibn-Yacoub. Il l'autorisa en même temps d'assurer à ce monarque que le seigneur d'Alger reconnaîtrait l'autorité du souverain mérinide et le servirait avec le plus grand devouement, pourvu qu'on lui laissât son commandement. En conséquence de cette communication, Youçof fit tenir à son frère, Abou-Yahya, l'ordre de faire la paix avec Ibn-Allan.

Ce chef eut ensuite à soutenir un autre siége contre les troupes de l'émir Khaled1; mais il réussit à se maintenir au pouvoir pendant l'espace de quatorze ans. Alors, la fortune commença à le regarder d'un œil menaçant et l'adversité concentra ses forces afin de l'accabler. Le sultan Abou - Hammou rentra à Tlemcen après avoir soumis le pays des Toudjîn, donné le gouvernement du Ouancherîch à Youçof-Ibn-Habboun-el-Hoouari, et celui du pays des Maghraoua à l'affranchi Moçameh; puis, en l'an 712 (1312-3), il alla prendre position dans le territoire de Chelif, pendant que Moçameh se portait en avant pour faire la conquête de la Metîdja. Ibn-Allan s'enferma dans Alger, soutint un long siége, jusqu'à ce qu'il eut épuisé ses vivres, et capitula alors à des conditions qu'il dicta lui-même. De cette manière, Alger fut annexé à l'empire d'Abou-Hammou,

Ibn-Allan partit avec Moçameh pour trouver le sultan, qui se tenait encore dans le territoire de Chelif, et il se rendit à Tlemcen dans la suite de ce prince. On lui assigna cette ville pour résidence et, jusqu'à sa mort, on observa fidèlement toutes les conditions qu'il s'était fait accorder.

LE SEIGNEUR DU MAGHREB [-EL-ACSA] ENTREPREND UNE EXPÉDITION

CONTRE TLEMCEN.

Sous le règne du sultan mérinide Abou-'r-Rebiâ, un de ses parents, nommé Abd-el-Hack-Ibn-Othman, se mit en révolte à Fez, et le cheikh mérinide, El-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi-'t-Talac, lui

Abou-'l-Baca le hafside; voy. t. н, p. 426.

prêta le serment de fidélité à l'instigation du vizir Rahhou-IbnYacoub. Les insurgés s'emparèrent ensuite de Tèza et, sachant que l'armée du sultan approchait, ils firent demander des secours à Abou-Hammou; mais, avant de pouvoir terminer leurs préparatifs de résistance, ils durent abandonner la place aux troupes d'Abou-'r-Rebià et s'enfuir à Tlemcen. S'étant alors adressé au sultan abd-el-ouadite, ils le prièrent de les aider à conquérir le Maghreb-el-Acsa, en lui promettant qu'alors ils opposeraient une barrière aux expéditions que les Mérinides voudraient diriger contre Tlemcen. Sur ces entrefaites, Abou'r-Rebià mourut et son successeur, Abou-Saîd-Othman, exigea d'Abou-Hammou l'extradition des fugitifs, et, bien que ce prince les eût aidés à passer en Espagne, pour ne pas trahir les droits de l'hospitalité, il ferma les yeux sur ce procédé et conclut même un traité de paix avec celui qui en fut l'auteur.

Quelque temps après, Yaïch, fils de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, découvrit que ses ennemis travaillaient à le perdre dans l'esprit de son frère, le sultan Abou-Said, et chercha un asile dans Tlemcen. Abou-Hammou le prit sous sa protection et, par cet acte, il mécontenta tellement Abou-Said qu'en l'an 714 (1344-5), ce monarque conduisit une armée contre la capitale abd-el-ouadite. L'émir Abou-Ali[-Omar], fils d'Abou-Saîd, marcha en tête avec l'avant-garde. Ils pénétrèrent ainsi dans les états d'AbouHammou en y répandant la dévastation, et, après avoir assiégé et serré de très-près la ville d'Oudjda, ils passèrent outre et se dirigèrent sur Tlemcen. Aussitôt qu'ils se montrèrent devant celte place forte, [Abou-Hammou-] Mouça se mit à l'abri de ses remparts et laissa toutes les plaines des environs exposées à la fureur de l'ennemi. Les troupes d'Abou-Said commencèrent alors

Le texte arabe offre, de plus, ces mots : Ainsi que nous l'avons déjà raconté dans l'histoire de ce peuple. Comme l'histoire des Mériuides termine l'ouvrage, il faut regarder ce chapitre comme un de ceux que l'auteur y inséra plus tard. A l'appui de cette conjecture, on pent citer certains renseignements qui s'y trouvent et qui manquent dans le chapitre consacré au règne d'Abou-Satd.

à fouiller les bois et les jardins, à détruire les moissons et à porter partout le ravage et la dévastation. Accablé par la puissance de son adversaire et cerné de tous les côtés, Abou-Hammou envisagea avec effroi le danger auquel il se voyait exposé et, pour le détourner, il eut recours à un tour d'adresse assez piquant ayant fait passer des sommes considérables aux vizirs du sultan mérinide, il les détourna de leur devoir et obtint leur adhésion à un projet qui avait pour but le remplacement de leur maître par son frère Yaïch qui était toujours dans Tlemcen. Un protocole fut dressé à cet effet et signé par les ministres prévaricateurs. Le sultan Abou-Said, auquel Abou-Hammou s'empressa de transmettre cette pièce, en fut tellement épouvanté qu'il leva le siége précipitamment, étant parfaitement convaincu que tous ses officiers et tous ses serviteurs avaient l'intention de le trahir. Quand il fut rentré dans le Maghreb-el-Acsa, son fils [Abou-Ali-]Omar se mit en rebellion, ce qui empêcha les Mérinides, pendant quelque temps, de songer à Tlemcen.

SIEGE DE BOUGIE PAR LES BENI-ABD-EL-QUAD.

CETTE ENTREPRISE.

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La rentrée d'Abou-Saîd en Maghreb permit à Abou-Hammou de tourner son attention vers ses provinces frontières et de s'occuper de Rached-Ibn-Mohammed-Ibn-Thabet-Ibn-Mendîl, qui, profitant des derniers désastres, avait quitté le pays des Zouaoua pour rentrer dans le territoire de Chelif et rallier autour de lui les débris de sa tribu. Délivré enfin de sa position dangereuse, Abou-Hammou rassembla une armée, confia le gouvernement de Tlemcen à son fils Abou-Tachefin et marcha contre les insurgés. A son approche, Rached prit la fuite et se réfugia dans Bougie où il avait déjà trouvé un asile lors de sa dernière expulsion du Maghreb central.

Comme les Beni-Bou-Saîd persistaient à reconnaître l'autorité de Rached et s'étaient retranchés dans leur pays de rochers, au milieu des montagnes du Chelif, Abou-Hammou prit la résolu

tion de les attaquer et, s'étant mis à la tète des troupes fournies par ses provinces, il alla dresser son camp sur le bord de la rivière Nehel, vis-à-vis de l'ennemi. Il y construisit alors le château qui porte son nom.

En l'an 711 (1341-2), il avait reçu la visite d'Ibn-Abi-Djebbi, qui venait de faire le pèlerinage de la Mecque et qui le poussa alors très-vivement à s'emparer de Bougie 2. Il l'écouta' volontiers, car l'espoir d'effectuer cette conquête lui était déjà venu par suite d'une communication qu'Abou-Yahya [-Abou-Bekr] lui avait adressée à ce sujet. Nous avons déjà raconté que ce prince hafside, après s'être révolté contre son frère [Abou-'l-Baca-]Khaled et avoir pris, à Constantine, le titre de sultan, s'était attiré un grave échec dans une expédition dirigée contre Bougie 3. Plusieurs grands personnages de la cour d'Abou - Yahya vinrent alors trouver le sultan abd-el-ouadite de la part de leur maître et le prièrent d'aller assiéger Ibn-Khalouf dans cette ville. Ensuite, Abou-Hammou reçut un message par lequel Ibn-Khalouf luimême demandait son appui. Toutes ces circonstances lui firent croire que ses troupes pourraient facilement s'emparer de Bougie. Peu de temps après, Ibn-Khalouf mourut, et son secrétaire, Abd-Allah-Ibn-Hilal, se rendit auprès du même prince et lui recommanda de mettre son projet à exécution. L'affaire d'Alger y porta encore quelque retard; mais, après la réduction de cette forteresse, Abou-Hammou plaça son affranchi Moçameh à la tête d'une armée et lui ordonna de partir avec Ibn-Abi- Djebbi et de mettre le siége devant Bougie. La colonne avait atteint la montagne d'Ez-Zan quand Ibn-Abi-Djebbi mourut, et Moçameh ramena ses troupes bientôt après.

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5

L'expédition [du sultan Abou-Said contre Tlemcen] inter

1 Variante: Tehel.

2 Voy. t. 11, p. 442.

3 Voy. t. 11, p. 436.

Voy. t. 1, p. 440.

Dans la traduction, nous avons rempli la lacune qu'offrent tous les manuscrits du texte arabe.

rompit les tentatives des Abd-el-Ouadites contre Bougie; mais aussitôt qu'Abou-Hammou se fut débarrassé de la présence de cet ennemi redoutable, il alla se poster dans le territoire de Chelif, ainsi que nous l'avons dit au commencement de ce chapitre. Encouragé alors par les représentations d'Othman-IbnSebâ -Ibn-Yahya et de l'émir douaouidien, Othman-Ibn-SebâIbn-Chibl, qui étaient venus pour le pousser à la conquête des provinces occidentales du royaume almohade-hafside, il rassembla une armée et l'envoya contre Bougie sous la conduite de son cousin Masoud-Ibn-Abi-Amer-Berhoum. Il expédia, en même temps, deux autres corps de troupes, le premier commandé par son cousin, Mohammed-Ibn-Youçof, gouverneur de Miliana, et, le second, par son affranchi Moçameh. Ces généraux devaient attaquer Bougie et envahir les pays d'au-delà. Mouça-Ibn-Aliel-Kordi eut aussi le commandement d'une forte colonne et l'ordre de prendre le chemin qui traverse le Désert, en s'y faisant accompagner par les Zoghba et les Arabes-Douaouida.

Toutes ces colonnes partirent pour leur destination et commirent des forfaits épouvantables dans les pays qu'elles traversaient. Arrivées au centre des provinces hafsides, ils envahirent le territoire de Bône et, ayant alors rebroussé chemin, elles se présentèrent devant la ville de Constantine et la tinrent bloquée pendant plusieurs jours. De là, elles allèrent ravager BeniThabet, montagne qui se voit de cette ville; puis elles traversèrent Beni-Baurar et y mirent le feu, après l'avoir saccagé. Tel fut aussi le sort de toutes les autres localités qui se trouvèrent sur leur passage. Des jalousies et des querelles ayant alors éclaté dans le sein de cette armée, les divers corps dont elle se composa partirent séparément pour rejoindre le sultan.

Pendant ce temps, Masoud-Ibn-Berhoumn faisait le siége de Bougie et avait construit à Zeffoun1 un château fort pour lui servir

Dans la table géographique placée en tête du premier volume de cette traduction, Zeffoun est placé à six lieues E. de Dellis; d'après nOS dernières cartes, il y a près de onze lieues entre les deux endroits.

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