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Ces conseils firent, dit-on, une telle impression sur l'esprit d'Othman qu'il tâcha de faire la paix avec les Mérinides afin d'être libre d'envahir les états hafsides.

Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack venait de passer en Espagne pour la quatrième fois et se trouvait à Arcos, quand Mohammed, fils de Yaghmoracen, traversa le Détroit, par l'ordre de son frère Othman, et, à la suite d'une honorable réception, il conclut avec le sultan mérinide un traité de paix aussi avantageux qu'il pouvait le désirer. Othman ressentit une vive satisfaction au retour de son ambassadeur, car il se voyait enfin dégagé des embarras qui l'empêchaient de porter la guerre dans les contrées orientales.

CONQUÊTES EFFECTUÉES PAR OTHMAN-IBN-YAGHMORACEN CHEZ LES MAGHRAOUA ET LES TOUDJÎN.

Après avoir ratifié le traité de paix conclu avec Yacoub-IbnAbd-el-Hack, Othman, fils de Yaghmoracen, dirigea ses troupes contre les provinces orientales qui formaient les états des Toudjin et des Maghraoua. Il se proposa même de pousser plus loin et d'envahir le pays des Hafsides. S'étant rendu maître de toute la campagne du territoire toudjinide jusqu'aux parties les plus reculées, il passa chez les Maghraoua et obtint le même succès. Se jetant ensuite sur la Metîdja, il y porta le ravage et, après en avoir détruit les moissons, il s'avança jusqu'à Bougie dont il entreprit le siége. La résistance que cette ville lui opposa fut si vigoureuse qu'il prit le parti de rebrousser chemin et, en revenant, il bloqua Mazouna et força les habitants à faire leur soumission. Ceci se passa en l'an 686 (1287). Ayant obtenu de Thabet-Ibn-Mendil, émir des Maghraoua, la remise de Ténès, il incorpora dans ses états toutes les contrées occupées par ce peuple. Rentré, la même année, dans le pays des Toudjîn, il enleva tous les grains qui s'y trouvaient et les mit en dépôt à Mazouna, ville dont il s'attendait à voir les Maghraoua faire le siége. De là, il marcha sur Taferguint et l'investit si étroitement que le gouverneur, Ghaleb l'eunuque, voyant la garnison

réduite presqu'à la dernière extrêmité, entra en négociations et rendit la place. Cet officier était affranchi de Séïd - en - Nas, membre de la famille de Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï.

Rentré dans Tlemcen, le souverain abd-el- ouadite organisa, en 687 (1288), une nouvelle expédition contre les Toudjîn et, cette fois-ci, il leur enleva le Ouancherich, groupe de montagnes où les princes de cette tribu faisaient leur demeure et où leur domination avait pris naissance. L'émir toudjînide, Mouça, fils de Zerara1 et petit-fils de Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï, auquel son peuple venait de jurer fidélité, s'enfuit vers Médéa avec l'Achar et les Aulad-Azîz; puis, voyant qu'Othman, s'acharnait à le poursuivre, il abandonna le pays et mourut dans sa retraite précipitée.

Avant d'envahir le Quancherich, Othman avait conquis le pays des Beni-Idlelten, tribu toudjînide, et reçu la soumission de leurs chefs, les Aulad-Selama, après les avoir assiégés plusieurs fois dans le château qui porte leur nom. Ils capitulèrent en s'obligeant à quitter le parti des Toudjîn et à reconnaître la souveraineté des fils de Yaghmoracen; aussi, durent-ils rompre toute relation avec leurs anciens émirs, les Beni-Mohammed-IbnAbd-el-Caouï, former une alliance avec Othman et obliger leurs sujets à lui payer l'impôt.

Après avoir réduit tout le pays des Toudjin, Othman confia l'administration du Ouancherich aux Hachem [famille toudjînide] et alla faire le siége de Médéa. Cette ville était alors au pouvoir des Aulad-Azîz, tribu toudjînide, mais il s'y trouvait aussi quelques familles sanhadjiennes, appelées les Lemdïa, dont elle porte encore le nom. En l'an 688 (1289), les Lemdïa lui livrèrent cette place forte, mais, sept mois plus tard, les AuladAzîz s'en emparèrent de nouveau. Alors, afin de s'en assurer la possession, cette tribu, s'engagea, par un traité, à obéir aux or

A la place de Mouça-Ibn, le texte arabe porte moula beni. Cette dernière leçon ne vaut rien. Trois ligues plus loin, on lit moula zerara; il faut remplacer le mot moula par Mouça-Ibn.

dres d'Othman avec le même dévouement qu'elle avait témoigné jusqu'à cette époque à [la famille de] Mohammed-Ibn-Abd-el

Caoui.

En 689 (1290), Othman, devenu maître du pays des Toudjîn, porta la guerre chez les Maghraoua pour les châtier d'avoir soutenu le sultan mérinide dans une de ses tentatives contre Tlem cen. Après avoir soumis leur pays, il y établit son fils, AbouHammou, en qualité de gouverneur et, l'ayant installé dans Chelif, capitale de leurs états, il repartit pour Tlemcen.

Les débris des Maghraoua se rallièrent autour de ThabetIbn-Mendil et passèrent dans la Metîdja; mais, en l'an 693 (4294), ils apprirent qu'Othman s'approchait pour les attaquer et ils se réfugièrent dans la ville de Brechk. Cette place succomba après avoir soutenu un siége de quarante jours, et Thabet-Ibn-Mendil s'embarqua pour le Maghreb où il fut honorablement accueilli par Youçof-Ibn-Yacoub.

Par la réduction des contrées appartenant aux Toudjîn et aux Maghraoua, Othman acheva la conquête du Maghreb central et de tous les pays qu'avaient habités les Zenata de la première race. Une guerre avec les Mérinides vint enfin arrêter le progrès

de ses armes.

INDICATION DES MOTIFS QUI PORTÈRENT OTHMAN A ENTREPRENDRE LE
SIEGE DE BOUGIE.

Nous avons déjà mentionné qu'Abou-Zékérïa II, fils du sultan hafside Abou-Ishac, fut chassé de Bougie par les affidés d'IbnAbi-Omara et qu'il reçut d'Othman-Ibn-Yaghmoracen, à Tlemcen, l'accueil le plus honorable'. Abou-Hafs, oncle d'AbouZékérïa, monta ensuite sur le trône du khalifat, fit mourir l'imposteur et vit arriver à sa cour une députation, composée de notables abd-el-ouadites, qui vint, selon l'usage, lui offrir les

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hommages d'Othman. Quelque temps après, plusieurs habitants de Bougie invitèrent secrètement l'émir Abou-Zékérïa à passer chez eux le plus tôt possible, en lui promettant qu'à son arrivée ils lui livreraient la ville. Othman, auquel Abou-Zékérïa communiqua ce message, en exprima sa désapprobation et, sans avertir ce prince, il envoya au khalife Abou-Hafs un acte de foi et hommage. Il pensait même à faire arrêter son hôte, mais il hésita si longtemps avant d'agir que celui-ci réussit à s'enfuir dans le Désert et à se mettre sous la protection des Arabes zoghbiens. Dawoud-Ibn-Hilal-Ibn-Attaf lui donna l'hospitalité et, plutôt que de le livrer à Othman, il le conduisit au campement des Douaouida, dans la province de Bougie. Nous avons raconté ailleurs qu'après de longues aventures, Abou-Zékérïa obtint possession de cette ville1. Sa rupture avec Othman servit à consolider la bonne intelligence qui s'était établie entre le gouvernement abd-el-ouadite et la cour de Tunis.

En l'an 686 (4287), Othman envahit le pays des Maghraoua, pénétra jusqu'à l'extrêmité orientale [du Maghreb central] et passa dans la province de Bougie dont il soumit une partie considérable. Plus tard, il vint prendre position devant Bougie, dans l'espoir de s'en rendre maître par quelque ruse de guerre, et, voulant cacher ses véritables intentions, il déclara n'agir ainsi que pour faire plaisir faire plaisir au sultan de Tunis. Sept jours plus tard, il repartit pour le Maghreb central, et ce fut alors qu'il occupa Mazouna et Taferguint, ainsi que nous l'avons déjà dit.

GUERRE ENTRE OTHMAN ET LES MÉRINIDES.

TLEMCEN.

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SIÉGE DE

A la mort de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, la paix qu'il avait conclue avec les Beni-Abd-el-Ouad, afin de pouvoir tourner ses armes contre les chrétiens, subsistait encore. Youçof, son fils

Voy. t. 1, p. 399.

aîné, succéda au trône pendant que les Mérinides étaient occupés à combattre les infidèles, et, s'étant aperçu, à son grand déplaisir, qu'Othman, fils de Yaghmoracen, suivait les traces de son père et persistait à entretenir des intelligences avec Ibn-elAhmer[, saltan de Grenade,] et avec le roi chrétien [Alphonse X], il conclut, sur-le-champ, une paix avec celui-ci, livra ensuite à Ibn-el-Ahmer les forteresses que les Mérinides possédaient en Espagne et se procura ainsi le loisir d'aller combattre les BeniAbd-el-Ouad.

En 689 (1290), quatre ans après la mort de son père, il termina tous ses préparatifs et se mit en marche. Arrivé sous les murs de Tlemcen, où Othman s'était enfermé, il passa une quarantaine de jours à couper les arbres des environs et à dresser ses catapultes et autres machines de guerre; puis, ayant reconnu que la place pouvait résister encore très-longtemps, il leva le siége et reprit la route de son pays.

Othman, toujours fidèle à la politique de son père, avait maintenu de bonnes relations avec Ibn-el-Ahmer et le roi chrétien, mais il finit par s'apercevoir que ses fréquentes ambassades et les preuves d'amitié dont il leur était si prodigue ne lui rapportaient aucun avantage. Comme les Maghraoua étaient venus se joindre aux troupes de Youçof afin d'attaquer Tlemcen et qu'ils y avaient fait d'énormes dégâts, il alla soumettre leur pays aussitôt que le siége fut levé, et il y laissa son fils, Abou-Hammou, en qualité de gouverneur, ainsi que nous venons de le dire.

En l'an 695 (1295-6), Youçof-Ibn-Yacoub entreprit une seconde expédition contre Tlemcen. Il commença par assiéger Nedroma, d'où il se dirigea vers Oran; puis, ayant reçu la soumission des habitants du mont Guédera et de Taskedelt, ribat dédié à Abd-el-Hamid, fils du légiste Abou-Zeid-el-Iznaceni, il reprit le chemin du Maghreb. Après son départ, Othman sortit de Tlemcen et châtia les populations de ces montagnes à cause de leur défection et de la résistance qu'elles avaient opposée à ses troupes. Il livra aussi au pillage le ribat de Taskedelt.

L'année suivante, Youçof fit une troisième incursion dans les

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