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A l'époque où la guerre éclata entre Yaghmoracen et Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï, celui-ci contracta une alliance avec Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack; aussi, en l'an 670 (1271-2), quand ce prince mit le siége devant Tlemcen, après avoir défait les Abdel-Ouad à Isly et dévasté la ville d'Oudjda, Mohammed vint avec ses Toudjinides pour seconder les efforts des Beni-Merîn. Découragés enfin par la résistance opiniâtre que cette place forte leur opposa, ils décampèrent tous, et Mohammed s'en retourna dans son pays.

En l'an 680 (1281-2), Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack entreprit de nouveau le siége de Tlemcen, après avoir battu Yaghmoracen à Kharzouza, et Mohammed vint le trouver à El-Caçabat et l'aider à dévaster les territoires des Abd-el-Ouad. Ils prirent alors position devant la ville qu'ils espéraient réduire, mais, quelques jours après, ils repartirent pour leurs pays respectifs. Yaghmoracen envahit aussitôt les contrées occupées par les Toudjîn et soumit toutes les plaines de cette région. Othman, son fils et successeur, suivit cet exemple et acheva la conquête des états toudjinides.

Nous allons maintenant parler de la conduite suivie par Yaghmoracen à l'égard des Maghraoua. Pour briser la puissance de cette tribu, il avait pour règle de susciter des querelles entre les fils de Mendil-Ibn-Abd-er-Rahman et de soutenir celui d'entre eux qui chercherait à ravir le commandement au chef régnant. En l'an 666 (1267-8), après son retour de la bataille de Telagh, où il perdit son fils Omar, il traversa le territoire des Maghraoua et pénétra dans les contrées habitées par les Melîkich et les Thâleba. En 668, Omar, fils de Mendil, lui céda la ville de Miliana sous la condition d'être soutenu contre ses frères. La majeure partie des Maghraoua reconnut alors la souveraineté de Yaghmoracen et, en l'an 670 (1271-2), ce peuple l'accompagna dans son expédition contre le Maghreb. Deux années plus tard, le chef abd-el-ouadite ravagea le pays des Maghraoua et contraignit Thabet-Ibn-Mendil à lui céder la ville de Ténès. Après son départ, Thabet reprit possession de cette place; mais, 681 (1282-3), il la rendit de nouveau à son adversaire. Peu de

en

temps après, Yaghmoracen mourut et laissa à son fils Othman le soin de recueillir le fruit de ces expéditions.

RÉVOLTE D'EZ-ZAÏM-IBN-MEGGUEN A MOSTAGHANEM.

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La famille Megguen était une branche très-ancienne de la souche qui produisit les Beni-Zîan[, famille de Yaghmoracen]; les deux maisons ayant eu pour ancêtre commun MohammedIbn-Zegdan-Ibn-Tâ-Allah. Youçof, l'aîné des quatre fils de ce Mohammed, fut père de Djaber-Ibn-Youçof, premier roi des Abd-el-Ouad. Zian, fils de Thabet, second fils de Mohammed, fut l'aïeul des souverains zîanides [abd el- ouadites]. Un troisième fils de Mohammed, le nommé Drâ, laissa un fils appelé Cacem, lequel fut l'aïeul d'Abd-el-Mélek-Ibn-MohammedIbn-Ali-Ibn-Cacem, chef que l'on désigne ordinairement par le surnom d'Ibn-Hanîna et dont la mère, Hanina, fut sœur de Yaghmoracen-Ibn-Zîan. Megguen, le quatrième fils de Mohammed, laissa deux enfants, Yahya et Amrouch, dont le premier eut aussi deux fils, Ez-Zaïm et Ali.

Bien que Yaghmoracen confiât volontiers à ses parents le commandement de ses provinces ainsi que d'autres charges importantes, il se défiait tellement de Yahya, fils de Megguen, et d'Ez-Zaïm, fils de Yahya, qu'il les déporta en Espagne. En l'an 680 (1281-2), ils quittèrent ce pays et débarquèrent à Tanger, pendant que Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack y préparait une expédition contre les chrétiens. La même année, ils accompagnèrent Yacoub dans sa marche sur Tlemcen, mais ils eurent une telle envie de revoir leur famille qu'ils obtinrent de ce prince l'autorisation de se rendre auprès de Yaghmoracen.

Après avoir essuyé à Kharzouza, en l'an 680, la défaite dont nous avons parlé, le souverain abd-el-ouadite conduisit une expédition contre les Maghraoua et revint à Tlemcen après avoir obtenu de Thabet-Ibn-Mendil la possession de Miliana. Ce fut alors seulement qu'il donna une position à Ez-Zaïm en le nommant commandant de la forteresse de Mostaghanem. A peine

fut-il rentré dans Tlemcen qu'Ez-Zaïm se mit en révolte et sollicita l'appui des Maghraoua afin de résister à son bienfaiteur. Sur la première nouvelle de cette trahison, Yaghmoracen marcha sur Mostaghanem et tint la ville si étroitement bloquée qu'il força le rebelle à se rendre. Avant de capituler, Ez-Zaïm se fit accorder la permission de passer en Espagne et, bientôt après, il y vit arriver son père, Yahya, auquel Yaghmoracen avait donné l'ordre de quitter le Maghreb.

Yahya mourut en Espagne, l'an 692 (1293), et Ez-Zaïm se rendit à la cour de Youçof-Ibn-Yacoub. Emprisonné par ce monarque à cause quelque imprudence, il parvint à effectuer son évasion et, jusqu'au terme de ses jours, il vécut en proscrit à l'étranger. Son fils En-Nacer naquit en Espagne et y passa sa vie à combattre les chrétiens.

Ali-Ibn-Yahya, frère d'Ez-Zaïm, s'établit dans Tlemcen, et Dawoud-Ibn-Ali, l'un de ses fils, devint grand cheikh et conseiller de la famille Abd-el-Ouad. Ibrahim-Ibn-Ali, frère de Dawoud, épousa une fille d'Abou-Hammou II et en eut un fils. Yahya, fils de Dawoud, fut élevé au rang de vizir par AbouSaid-Ibn-Abd-er-Rahman, à l'époque où l'empire abd-el-ouadite se releva pour la seconde fois. Dans la suite de cette histoire nous aurons à parler de lui.

YAGHMORACEN PREND AVEC IBN EL - AHMER ET LE ROI CHRÉTIEN L'ENGAGEMENT D'ENTRAVER LES OPÉRATIONS MILITAIRES DE YACOUBIBN-ABD-EL-HACK.

Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack étant passé en Espagne pour faire la guerre sainte, châtia les ennemis de l'islamisme, détruisit leurs forteresses et réussit, par le siége de Séville et de Cordoue, à ébranler l'édifice de l'infidélité. Dans une seconde expédition, il traversa le Détroit, ravagea le territoire chrétien et décida IbnEchkilola, seigneur de Malaga, à lui livrer cette ville. Le sultan

Dans le quatrième volume de cette traduction, nous essaierons d'expliquer la signification de ce surnom.

qui, à cette époque, régnait en Espagne, se nommait l'émir Mohammed, mais on lui donnait aussi le surnom d'El-Fakih (le légiste). Second roi de la maison des Ahmer, ce fut lui qui, d'après les dernières injonctions de son père [Mohammed] le Cheikh, invita Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack à passer en Espagne pour combattre les infidèles. Voyant ensuite que ce monarque travaillait à consolider sa puissance dans ce pays et qu'il recevait successivement l'adhésion des petits souverains qui y avaient usurpé le pouvoir, il craignit pour lui-même le même traitement que Youçof-Ibn-Tachefin avait fait subir à Ibn-Abbad'.

Pour échapper à ce 'danger, il fit proposer au roi chrétien [Alphonse X] de former à eux deux une coalition contre le sultan mérinide. Il réussit aussi, par des promesses et des menaces, à se faire livrer Malaga par Omar-Ibn-Yahya-Ibn-Mohalli, officier auquel Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack en avait confié le commandement, et, pour récompenser l'auteur de cette trahison, il lui concéda en toute propriété la ville de Salobreña.

Le roi chrétien fit alors partir sa flotte pour le Détroit afin d'empêcher Yacoub de rentrer en Espagne avec son armée, et, s'étant concerté avec Mohammed - Ibn-el-Ahmer, il invita le sultan de Tlemcen à faire des courses dans le territoire mérinide afin de retenir ainsi en Afrique leur ennemi commun. Yaghmoracen répondit à ses souhaits avec un grand empressement et, pendant qu'il envoyait de fréquentes ambassades au roi chrétien et qu'il en recevait, il lançait à tout moment sa cavalerie et les contingents de ses tribus contre le Maghreb.

Yacoub, se voyant mis dans l'impossibilité de passer en Espagne, sollicita de Yaghmoracen une suspension d'armes afin de pouvoir s'occuper de la guerre sainte, et, sur son refus, il lui infligea un terrible châtiment dans la journée de Kharzouza. Depuis lors, il continua toute sa vie à guetter les occasions pour frapper l'un ou l'autre de ces trois princes, pendant qu'eux, de leur côté, ne cessèrent de maintenir leur alliance contre lui.

Voy. t. 11, p. 80.

CONDUITE DE YAGHMORACEN ENVERS LES KHALIFES HAFSIDES APRÈS AVOIR RECONNU LEUR AUTORITÉ A TLEMCEN.

Les Zenata, depuis leur entrée dans le Tell et même auparavant, reconnaissaient la souveraineté des khalifes almohades de la famille d'Abd-el-Moumen. L'on sait que l'émir Abou-ZékérïaIbn-Abi-Hafs profita de l'affaiblissement de cette dynastie pour se rendre indépendant en Ifrîkïa et pour faire de Tunis le siége d'un nouveau khalifat almohade [hafside]. Tous les peuples de l'Afrique et de l'Espagne tournèrent alors leurs regards vers lui dans l'espoir que, par ses efforts, la puissance des Almohades se relèverait de nouveau. Beaucoup de tribus zenatiennes lui envoyèrent leur adhésion; les Maghraoua et les Toudjîn se placèrent sous sa protection en le priant de marcher contre Tlemcen. Il s'empara de cette ville en l'an 640 (1242-3) et la rendit bientôt après à Yaghmoracen, en lui accordant l'autorisation de la gouverner ainsi que les provinces qui en dépendent. Depuis lors. le chef abd-el-ouadite demeura fidèle à la cause des Hafsides.

A son exemple, les Beni-Merîn proclamèrent l'autorité du khalife Abou-Zékérïa dans toutes les parties du Maghreb dont ils effectuèrent la conquête, et lui envoyèrent les hommages de Miknaça (Mequinez), de Tèza et d'El-Casr. Ils adoptèrent aussi l'habitude d'adresser à ce prince, et ensuite à son fils et successeur, El-Mostancer, des souhaits formels pour leur bonheur et des assurances de la soumission la plus profond. Même après avoir pris Maroc, ils continuèrent, pendant un temps, à y célé– brer la prière publique au nom d'El-Mostancer; mais, ayant ensuite reconnu que, dans un pays aussi éloigné de Tunis que le leur, les Hafsides n'exerceraient qu'une influence très-faible, ils supprimèrent cet usage, tout en leur conservant une certaine apparence d'amitié et d'attachement. Plus tard encore, les princes

Le mot temwil paraît être employé ici, par mégarde, à la place de temliya.

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