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des Beni-Abd-el-Ouad et que les deux peuples possédaient des terres en commun [ils vivaient presque toujours en mauvaise intelligence].

Les Abd-el-Ouad devinrent enfin si puissants que, peu de temps avant d'avoir fondé leur empire [à Tlemcen], ils rompirent tout-à-fait avec la tribu des Obeid-Allah, lui enlevèrent une partie de ses pâturages et prirent pour alliés les Monebbat, tribu branche des Doui-Mansour et rivale de la peuplade qu'ils venaient de repousser.

Sidjilmessa se trouvait enclavé dans le territoire des Monebbat, confédérés des Abd-el-Ouad et partisans de Yaghmoracen. Cette ville était tombée au pouvoir des Beni-Merîn et ensuite d'El-Kitrani, usurpateur qui se fit assassiner et dont l'autorité fut remplacée de nouveau par celle d'El-Morteda 1. Ce changement eut pour principal auteur Ali-Ibn-Omar, ainsi que nous le dirons dans l'histoire des Mérinides. En 662 (1263-4)3, les Monebbat s'emparèrent de Sidjilmessa, en tuèrent le gouverneur, Ali-Ibn-Omar, et décidèrent les habitants à reconnaître la souveraineté de Yaghmoracen. Sur leur invitation, ce prince arriva à la tête de son armée, y installa son fils Yahya comme gouverneur et laissa avec lui plusieurs parents et serviteurs de la famille. Au nombre de ces personnages, on remarqua Yaghmoracen-Ibn-Hammama et Abd-el-Mélek-Ibn-Mohammed-Ibn-AliIbn-Cacem-Ibn-Drâ, membre de la famille des Aulad-Mohammed et fils de Hanina, sœur de Yaghmoracen, souverain de Tlemcen. Yahya mourut en office et son cousin Abd-el-Mélek, qui le remplaça avec l'autorisation de Yaghmoracen, conserva le commandement jusqu'à l'époque où Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack

Voy. t. п, p. 249.

• Littéralement ainsi que nous l'avons dit. L'auteur a donc ajouté ce chapitre ou, au moins, ce passage, après avoir terminé son histoire des Mérioides.

3 Dans un autre chapitre de ce volume, notre auteur indique l'année 661 comme celle de la prise de Sidjilmessa par les Monebbat.

chassa les Almohades du siége de leur khalifat et soumit à son autorité la ville de Tanger et la presque totalité du Maghreb.

Après avoir effectué tant de conquêtes, Yacoub forma le projet d'enlever à Yaghmoracen la ville de Sidjilmessa et, quand il eut réuni à son armée les contingents zenatiens, arabes et berbères, il se présenta devant la place, dressa ses machines de siége et réussit à faire une brèche à la muraille. Dans le mois de Safer 673 (août-sept. 1274), ses troupes montèrent à l'assaut, saccagèrent la ville et tuèrent les deux chefs, Abd-el-Mélek, fils de Hanîna, et Yaghmoracen-Ibn-Hammama, ainsi que tous les Abd--el-Ouadites et tous les émirs monebbatiens qui s'y étaient enfermés. Depuis lors, Sidjilmessa est resté au pouvoir des Mérinides.

GUERRE ENTRE YAGHMORACEN ET YACOUB-IBN-ABD

EL-HACK.

Nous avons dit que les princes de la dynastie d'Abd-el-Moumen se virent réduits, par l'affaiblissement de leur empire et par les envahissements des Mérinides, à former une alliance avec les Beni-Abd-el-Ouad, afin que ce peuple vînt à leur secours en suscitant des embarras à l'ennemi commun. En l'an 665 (12667), la guerre éclata entre Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack et AbouDebbous, qui était monté sur le trône après la mort d'El-Morteda. Yaghmoracen, dont Abou-Debbous s'était assuré l'appui par de riches cadeaux et par la ratification des anciens traités d'alliance, lança ses bandes sur les frontières du Maghreb et mit tout ce pays en feu. Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack s'occupait alors du siége de Maroc; mais, quand il eut appris cette nouvelle, il leva son camp, rentra en Maghreb pour rallier toutes ses troupes et marcha contre le sultan abd-el-ouadite. Les deux armées se rencontrèrent auprès de la rivière Telagh, et celle de Yacoub remporta la victoire, grâce aux excellentes dispositions qu'il avait prises. Yaghmoracen y perdit plusieurs de ses parents et laissa tomber son harem au pouvoir de l'ennemi. Cette journée malheureuse coûta la vie à son fils chéri, Abou-Hafs-Omar,

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au fils d'Abd-el- Mélek - Ibn - Hanîna, à un fils de Yahya - IbnMegguen, à Omar-Ibn-Ibrahim-Ibn-Hicham et à plusieurs autres parents et camarades du prince abd-el-ouadite.

Yacoub alla ensuite reprendre le siége de Maroc et, quand il eut enlevé cette ville à la domination almohade, il trouva enfin assez de loisir pour faire la guerre aux Beni-Abd-el-Ouad. En l'an 670 (1271-2), il rassembla, pour cet objet, les troupes masmoudiennes et celles de toutes les autres tribus du Maghreb. Yaghmoracen marcha contre lui à la tête des Abd-el-Ouad et de leurs alliés, tant maghraouiennes qu'Arabes. La rencontre eut lieu à Isly, près d'Oudjda, et amena la déroute de l'armée de Tlemcen1.

Yaghmoracen, après avoir vu la défaite de ses partisans et la mort de son fils Farès, incendia son camp pour éviter le déshonneur de l'abandonner au vainqueur et, étant parvenu à emmener sa famille, il alla s'enfermer dans la capitale de ses états. Yacoub ruina de fond en comble la ville d'Oudjda, mit le siége devant Tlemcen et attira sous ses drapeaux les Beni - Toudjîn, commandés par leur émir, Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï; mais, voyant, au bout de quelques jours, que la ville résistait encore, il leva son camp, renvoya ses alliés et rentra dans son pays.

A la suite de cette campagne, la paix se fit entre les deux rivaux et permit à Yacoub de tourner ses armes contre les chrétiens de l'Espagne. Yaghmoracen profita de la même occasion pour soumettre les contrées qu'occupaient les Toudjin et les Maghraoua.

CONFLITS DE YAGHMORACEN AVEC LES TOUDJÎN ET LES

MAGHRAOUA.

Les tribus maghraouiennes qui étaient restées dans les environs de Chelif, l'ancien territoire de leur nation, se virent obli

1 Déjà, en l'an 647, Yaghmoracen avait été battu par les Mérinides sur le même terrain. Voy., ci-après, p. 359 et l'histoire de la dy

nastie mérinide.

gés, après la ruine de leur puissance, à payer tribut aux états voisins pour se garantir contre leurs attaques. Ainsi firent les Beni-Ourcîfin, les Beni-Ilit et les Beni-Ourtezmir, peuplades qui obéissaient à un sultan, fils de Mendil-Ibn-Abd-er-Rahman, et descendu de Khazer, prince dont les aïeux commandaient déjà chez les Maghraoua à l'époque de la conquête musulmane.

Lors de la dissolution du khalifat [almohade] établi à Maroc, plusieurs usurpateurs et prétendants surgirent en diverses localités, et Mendil-Ibn-Abd-er-Rahman profita du désordre pour fonder un royaume dans le territoire de Chelif. Ses fils et successeurs s'emparèrent de Miliana, de Ténès, de Brechk, de Cherchel et des contrées qui en dépendent; puis, ayant ambitionné la possession de Metîdja, ils s'en rendirent maîtres et, ensuite, ils soumirent une grande partie du Ouancherîch et des pays qui avoisinent cette montagne. Plus tard, ils se laissèrent enlever ces localités par leurs voisins dans le haut Chelif, les Beni-Atïa, chefs de la tribu des Toudjîn. Cette famille se tenait alors dans la partie orientale du Seressou. A cette époque, les nomades zenatiens avaient commencé à quitter les régions du Sud pour venir s'établir dans le Tell; les Abd-el-Ouad s'étant emparé du pays situé entre Tlemcen et le Za, pendant que les Toudjîn occupèrent le territoire qui sépare le Désert du Tell et qui s'étend depuis la ville de Médéa au mont Ouancherich et, de là, à Merat et à El-Djabat. Les états des Beni-Abd-el-Ouad eurent alors pour limite [orientale] le Sig et El-Bat'ha; [ce qui faisait qu'au Midi, [ils touchaient] au territoire des Toudjin et, à l'Orient, au pays des Maghraoua.

La guerre qui régna entre les Toudjîn et les Maghraoua, d'une part, et les Abd-el-Ouad de l'autre, avait commencé à l'époque même de leur entrée dans le Tell; aussi, l'émir hafside, Abou-Zékérïa, en profita pour obtenir l'appui des deux premiers peuples, lors de son expédition contre les Abd-elOuad. Après la prise de Tlemcen, il les récompensa de ce service en revêtant leurs chefs des insignes de la royauté.

Yaghmoracen éprouva bientôt tant de désagréments par les empiètements de ces princes, qu'il prit la résolution de leur in

fliger un sévère châtiment. La guerre qu'il entreprit à cette occasion et qui fut continuée par son fils Othman, contribua, avec celle que les Beni-Merîn firent plus tard aux Toudjîn et aux Maghraoua, à ruiner la puissance de ces deux tribus. En l'an 647 (4249-50), Yaghmoracen rentra dans Tlemcen après avoir livré aux Mérinides, à Isly, une bataille dans laquelle il s'était fait aider par un corps toudjinite sous les ordres d'Abd-el-CaouïIbn-Atïa. Celui-ci mourut en arrivant chez lui, et Yaghmoracen rompit aussitôt son alliance avec les Toudjîn et déclara la guerre à leur nouveau chef, Mohammed, fils d'Abd-el-Caouï. Pénétrant alors dans leur pays, il attaqua plusieurs de leurs places fortes; mais il éprouva une si vigoureuse résistance de la part de Mohammed qu'il abandonna son entreprise. En 650 (1232-3), il fit une seconde tentative contre la même tribu et commença le siége de Taferguint1; mais la garnison de cette place, commandée par Ali-Ibn 2-Zian, petit-fils de Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï, se défendit avec tant de bravoure qu'il prit, et bien à contre-cœur, le parti de la retraite. Malgré ces échecs il ne cessa de lancer ses bandes dans le pays des Toudjîn et de tenir leurs forteresses. étroitement bloquées.

Taferguint avait alors pour commandant un client de la famille des Abd-el-Caouï, lequel appartenait, par sa naissance, à la tribu sanbadjienne qui occupait la campagne de Bougie. Cet homme avait profité de ses grandes richesses et du nombre de ses enfants pour s'approprier le gouvernement de Taferguint ; et, alors, il y fit une défense si héroïque que le souvenir en est resté jusqu'à nos jours. Il fut enfin assassiné par les BeniMohammed Ibn-Abd-el-Caouï qui toléraient avec peine son usurpation et qui désiraient jouir de ses dépouilles. La mort de ce chef amena la chute de la forteresse, ainsi qu'on le verra ailleurs.

↑ L'orthographe de ce nom est incertaine, mais la forme Taferguint a un aspect tellement berbère que le traducteur n'hésite pas à l'adopter.

2 Ici, les manuscrits portent Beni.

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