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prince auquel il tenait par des liens de famille et qui, peu de temps avant la mort de son père, était allé en ambassade à la cour de Maghreb.

Abou-'l-Hacen se rendit ensuite à Cairouan et, de là, à Souça et à El-Mehdia. Il contempla les monuments que renferment ces villes et les débris des anciennes constructions élevées par les rois fatemides et par les Zirides; il chercha aussi la bénédiction divine en visitant les tombeaux où reposent, dit-on, certains compagnons du Prophète et certains tabés, leurs successeurs immédiats. Ce fut vers la fin du mois de Chaban (décembre), qu'il rentra à Tunis.

L'EMIR ABOU-'L-ABBAS-EL-FADL EST NOMMÉ GOUVERNEUR
DE BỒNE.

Peu de temps avant la mort d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, le sultan Abou-'l-Hacen s'était décidé à lui faire demander en mariage une de ses filles. Il confia cette mission à son conseiller et confident, Arîf-Ibn-Yahya, cheikh des Beni-Soueid, tribu zoghbienne, et il fit accompagner ce chef par une bande de légistes, d'hommes de plume et d'affranchis, tous occupant une haute position à la cour. Dans cette députation se trouvèrent AbouAbd-Allah-es-Sitti, mufti du tribunal impérial, Abou-l-FadlIbn-Abi-Medîn, secrétaire d'état, et l'eunuque Amber, émir du harem. Le sultan hafside agréa cette demande et fit partir pour le Maghreb sa fille Azouna, sœur germaine de l'émir El-Fadl auquel il donna la commission de faire le voyage avec elle. Le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed-Ibn-Akmazîr, reçut l'ordre de les accompagner. Pendant qu'ils étaient en route, El-Fadl apprit la mort de son père. Arrivé à la cour de Maghreb, il trouva l'accueil le plus flatteur, ayant obtenu du sultan la place d'honneur et la promesse d'être placé sur le trône de l'Ifrîkïa.

Voy. t, 1, 202,

Devenu maître du royaume hafside, Abou-'l-Hacen se garda bien d'exécuter un pareil engagement; mais, pour reconnaître les liens de famille qui l'attachaient à El-Fadl et pour remplir, en quelque sorte, la promesse faite précédemment, il confirma ce prince dans le gouvernement de Bône, poste qu'il avait toujours occupé. El-Fadl resta dans cette ville quand Abou-'l-Hacen en partit pour Tunis, et, comme il s'était attendu à obtenir le royaume de son père, tant à cause de sa parenté avec le sultan du Maghreb que de son ambassade à cette cour, il ressentit profondément le mauvais procédé dont il fut la victime. Aussi se tint-il immobile dans son gouvernement, épiant sans cesse l'occasion de se venger.

LES ARABES RECONNAISSENT POUR SULTAN IBN-ABI-DEBBOUS. ABOU'L-HACEN ESSUIE UNE DÉFAITE AUX ENVIRONS DE CAIROUAN.

Devenu maître du royaume des Hafsides, le sultan Abou-'lHacen encourut la haine des Arabes en leur stant les villes qu'ils possédaient à titre de fiess (icta) et en leur refusant les dons que l'ancien gouvernement avait eu l'habitude de leur accorder. Ces nomades s'humilièrent devant la puissance du sultan mérinide, mais ils attendaient avec impatience le moment de se venger, et quelques-uns d'entre eux se permirent de faire des courses dans le territoire de l'empire. Or, de pareilles marques d'insubordination étaient, pour Abou-'l-Hacen, des crimes impardonnables. Une troupe de ces Arabes pénétra même jusque dans la plaine de Tunis et enleva les bêtes de somme que le sultan y faisait paître. Dès lors, les rapports qui régnaient entre eux et lui prirent un aspect menaçant, et ces nomades, redoutant le châtiment qu'ils avaient mérité, envoyèrent une députation à la capitale. Ils confiérent le soin de les disculper à Khaled-IbnHamza et à son frère Ahmed, chefs des Kaoub, assistés de Khalifa-Ibn-Abd-Allah, chef des Beni-Meskin, et de Khalifaben-Bou-Zeid, chef des Hakîm.

Cette ambassade arriva à la cour vers le commencement du mois de Choual (janvier 1348); mais les chefs dont elle était composée sentaient trop leurs torts envers le sultan pour compter sur sa bienveillance. Cédant à leur méfiance, ils invitèrent secrètement Abd-el-Ouahed-Ibn-el-Lihyani à sortir de son inaction et à lever l'étendard de la révolte. Nous avons déjà parlé de ce prince et de sa fuite de Tunis en l'an 732 (13324). De là il s'était rendu auprès d'Abou-Tachefîn [souverain de Tlemcen], et, pendant quelque temps, il y avait vécu entouré de la faveur de ce prince. Quand Tlemcen fut assiégé par Abou-'l-Hacen et prêt à succomber, il obtint de son protecteur l'autorisation de s'en éloigner, et étant allé trouver Abou-'l-Hacen, il ne le quitta plus jusqu'à l'occupation de l'Ifrikïa.

Les Kaoub, voyant que le sultan Abou-'l-Hacen était indisposé contre eux, se mirent à la recherche d'un prince hafside afin de le proclamer sultan, et ils crurent avoir trouvé en Abdel-Ouahed la personne qu'il fallait. Celui-ci, ayant entendu leur proposition, soupçonna quelque piége et craignant le mécontentement d'Abou-'l-Hacen, il alla lui raconter tout ce qui s'était passé. Le sultan fit venir les quatre chefs et les confronta avec leur dénonciateur. Ils eurent beau crier au mensonge et à la calomnie, ils ne purent échapper à une réprimande sévère et à l'emprisonnement.

Abou-'l-Hacen dressa alors ses tentes en dehors de Tunis, avec l'intention de marcher contre les Arabes; mais, pendant qu'il s'occupait à organiser un corps d'armée pour cet objet, et qu'il fournissait de l'argent aux troupes, il laissa pénétrer son projet. Les tribus arabes prirent aussitôt une résolution désespérée, et, après avoir rassemblé leurs guerriers, elles cherchèrent un autre prince hafside afin de lui déférer la souveraineté.

Pendant ce temps, les Aulad-Mohelbel, leurs rivaux héréditaires, s'étaient tenus dans le Désert, afin d'éviter la colère

Voy. t. 1 p. 476.

Abou-'l-Hacen; sachant que ce monarque ne leur pardonnerait jamais l'appui qu'ils avaient prêté à l'émir Abou-Hafs. Ils étaient encore au milieu des sables, quand ils virent arriver une caravane dans laquelle se trouva [Fetita], fils de Hamza, accompagné de sa mère et de toutes les autres femmes de cette famille. Venues en suppliantes, elles demandèrent le secours des Mohelhel, en leur rappelant les liens de parenté qui subsistaient entre les deux peuplades et en invoquant cet esprit de corps qui anime tous les nomades. Les Mohelhel se rendirent à leur prière et se transportèrent dans le territoire de Castilia, où les deux tribus, si longtemps désunies, se pardonnèrent réciproquement le sang qui avait été répandu entre elles. Malgré les appréhensions que la puissance du sultan leur inspirait, elles se décidèrent à faire la guerre et à mettre en avant un prince de la famille royale.

Il y avait alors à Touzer un nommé Ahmed-[Ibn-Abd-es-Selam-] Ibn-Othman, arrière petit-fils d'Abou-Debbous, dernier khalife de la famille d'Abd-el-Moumen. Nous avons déjà parlé d'Othman, fils d'Abou-Debbous, et de sa révolte dans la province de Tripoli 1, pendant le règne du sultan Abou-Acîda; nous avons mentionné aussi qu'il avait fait des courses sur le territoire de Tunis à la tête des Arabes. Après la dispersion de ses partisans, il se tint aux environs de Cabes et de Tripoli, et il finit par mourir dans l'île de Djerba. Les enfants de son fils, Abd-esSelam, établirent leur séjour dans Tunis; mais, sous le règne d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, ils eurent à subir une longue détention. Déportés ensuite à Alexandrie avec les fils d'Ibn-el-Hakim, officier dont nous avons raconté la triste fina, ils restèrent dans cette ville en exerçant des métiers afin de gagner leur vie. Au bout de quelque temps, Ahmed, l'un de ces frères, rentra en Ifrîkïa et travailla comme tailleur à Touzer. Les Arabes ayant appris d'un de ses amis le secret de sa naissance, allèrent le chercher, l'emmenèrent avec eux et lui remirent les emblèmes

4 Voy. t. n, р. 416.

* Voy. pp. 13 el 14 de ce volume.

T.HI.

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de la souveraineté, en l'assurant, par serment, qu'ils le défendraient jusqu'à la mort.

Dans le mois de Dou-'l-Hiddja 748 (mars 1348), le sultan Abou-'l-Hacen quitta Tunis à la tête d'une armée et marcha contre les insurgés. Arrivé au Thenïa [ou col] qui se trouve en deça de Cairouan, il les mit en fuite et les poursuivit jusqu'à cette ville. Alors les Arabes se rallièrent avec l'intention de vaincre ou de mourir. Le 2 Moharrem 749 (3 avril 1348), ils renouvelèrent le combat, mirent en déroute l'armée du sultan, pillèrent ses bagages et le forcèrent à s'enfermer dans Cairouan. Ils commencèrent même à bloquer cette ville, mais la désunion s'étant mise dans leurs rangs, ils levèrent le siége et permirent au sultan de rentrer à Tunis.

ATTAQUE DE LA CITADELLE DE TUNIS.

LE SIÈGE EN EST LEVÉ

AINSI QUE LE SIÈGE DE CAIROUAN.

Abou - Mohammed - Ibn - Tafraguin étant devenu vizir du sultan Abou-'l-Hacen, n'exerça plus le même pouvoir qu'autrefois, quand il dirigeait toutes les affaires de l'empire, en sa qualité de chambellan et favori du sultan Abou-Yahya-AbouBekr. Son nouveau maître était un de ces princes qui prennent sur eux-mêmes l'administration de l'état et qui ne sont nullement disposés à confier une pareille tâche à des vizirs. Ibn-Tafraguîn avait espéré que le sultan mérinide lui accorderait la direction des affaires de l'Ifrîkïa et qu'il placerait l'émir El-Fadl à la tête de l'empire. L'on a même prétendu qu'Abou-'l-Hacen lui en avait donné l'assurance formelle. Quoi qu'il en fut, Ibn-Tafraguîn n'était plus dans une disposition favorable pour le gouvernement mérinide et il recevait tous les jours les confidences des Arabes qui venaient l'entretenir de leurs projets de révolte. Quand ces nomades eurent atteint le but de leurs souhaits en remportant sur le sultan une victoire éclatante et en le tenant bloqué dans Cairouan, Ibn-Tafraguîn devint suspect aux Mérinides ainsi qu'à leur souverain et dut chercher quelque moyen pour se retirer de leur service.

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