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la vie et se contenta de l'enfermer dans la même prison avec Hammou. Par ce trait de clémence, il espérait dissiper les Yahya-Ibn-Yacoub obtint alors de son frère, le sultan, le comcraintes de Rached et le décider à rentrer dans le devoir. Aboumandement d'une armée et partit pour la frontière orientale de l'empire, afin d'attaquer Rached dans la montagne des BeniBou-Said; mais, pendant que ses troupes, à la suite d'un long siége, croyaient avoir trouvé l'occasion de surprendre la place et tâchaient d'y monter par des escarpements presque impraticables, il les vit culbuter inopinément par les gens de son adversaire. Cette affaire eut lieu en l'an 704 et coûta la vie à un nombre de Mérînides et d'autres guerriers. A la nouvelle grand de ce grave échec, le sultan laissa éclater sa colère et ordonna la mort d'Ali-Ibn-Yahya, de Hammou-Ibn-Yahya et de tous ceux qui avaient suivi leur fortune. Ces malheureux furent massacrés à coups de flèches.

La même année, Abou-Yahya-Ibn-Yacoub entreprit une nouvelle expédition par l'ordre de son frère, le sultan Youçof, et, après avoir fait rentrer dans l'obéissance le pays des Maghraoua, il alla bloquer les montagnes de Sanbadja qui dépendent de Metidja. Rached, qui s'y était retiré avec son oncle, Monîf-IbnThabet, et une bande de Thâlebiens dont il avait obtenu l'appui, ouvrit alors des négociations avec le sultan et, par un traité de paix, il obtint l'éloignement des troupes mérinides. Monîf-IbnThabet, ses enfants et les gens de sa maison passèrent en Espagne où ils se fixèrent définitivement.

Vers la fin de l'an 706 (mai 1307), Youçof Ibn-Yacoub mourut dans son camp, sous les murs de Tlemcen, et son petit-fils, Abou-Thabet, conclut avec Abou-Zîan-Ibn-Othman, sultan des Beni-Abd-el-Ouad, un traité par lequel il prit l'engagement de remettre à ce prince toutes les villes, provinces et forteresses

1 Notre auteur ne nous explique pas pourquoi Monîf-Ibn-Thabet, qui avait déjà quitté l'Afrique (voy., ci-devant, p. 318), s'était décidé à y rentrer.

que

les Mérinides lui avaient enlevées. Quand on fit tenir aux garnisons de ces places et aux officiers du gouvernement mérinide l'ordre de les livrer aux agents d'Abou-Zîan, l'émir Rached crut avoir trouvé l'occasion de rentrer en possession de ses états et alla camper devant Miliana; mais, s'étant aperçu que les Mérinides, en évacuant cette ville ainsi que Ténès, les avaient remises aux Abd-el-Quadites, il sentit l'inutilité de sa tentative et se retira.

La mort d'Abou-Zîan eut lieu peu de temps après, et son frère Abou-Hammou-Mouça, étant monté sur le trône, étendit son autorité sur tout le Maghreb central. En l'an 707 (1307-8), il se rendit maître de Taferguint; ensuite il reprit Milîana, Médéa el Ténès, villes dont il confia le commandement à son affranchi Moçameh.

Pendant ces événements, le sultan de Bougie, Abou-'l-BacaKhaled, fils de l'émir Abou-Zékérïa et petit-fils du sultan hafside Abou-Ishac, était entré dans la Metîdja, avec l'intention de reprendre Alger sur Ibn-Allan, chef qui s'y était rendu indépendant. Rached vint alors se mettre au service de ce prince, qui lui fit l'accueil le plus honorable, et, par son entremise, il contracta, au nom des Maghraoua, une alliance avec les Sanhadja, tribu toute dévouée au gouvernement hafside, maîtresse des plaines qui dépendent de Bougie ainsi que des montagnes des Zouaoua. Yacoub-Ibn-Khalouf, chef des Sanhadja et vizir impérial, prit alors avec Rached l'engagement de se soutenir mutuellement.

Le sultan Abou-'l-Baca ayant entrepris l'expédition qui devait le mettre en possession de Tunis, confia le gouvernement de Bougie à Ibn-Khalouf, et celui-ci retint auprès de lui l'émir Rached et les guerriers qui l'accompagnaient. Dès lors, le chef maghraouien déploya la plus grande bravoure sous les yeux du vizir et montra un dévouement parfait à ses alliés sanhadjiens. Le sultan venait d'occuper la capitale et de s'asseoir sur le trône

1.Voy. t. 11, pp. 417, 426.

T. III.

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de ses pères quand le grand chambellan fit un grave affront à Rached en infligeant à un serviteur de cet émir une punition prescrite par la loi. Cet homme, ayant commis des vols à main armée sur la grande route, fut amené devant le tribunal du sultan et condamné à mort. Le ministre fit exécuter la sentence dictée par Dieu lui-même [dans le Coran] et porta ainsi l'atteinte la plus sensible à la fierté de Rached. Outré de colère, le maghraouien courut trouver son allié, Yacoub-Ibn-Khalouf, dont la tribu campait habituellement avec la sienne dans le territoire des Zouaoua. Or, pendant cet intervalle, Yacoub venait de mourir, et son fils Abd-cr-Rahman, qui avait obtenu du sultan. le commandement des Sanhadja, ne se montra nullement disposé à respecter les engagements d'amitié que son père et Rached avaient contractés. Une discussion eut lieu entre les deux chefs: Abd-er-Rahman s'offensa d'une plaisanterie que le maghraouien lui adressa, et celui-ci, fier de sa haute position au service de l'empire et du corps de guerriers qu'il commandait, accabla le sanhadjien de sarcasmes. Abd-er-Rahman, ne pouvant plus se contenir, appela ses domestiques et tomba avec eux sur Rached qui mourut criblé de coups de lance.

Les tribus maghraouiennes furent si consternées de cet événement qu'elles abandonnèrent tout-à-fait le territoire de Chelif et passèrent dans d'autres pays. Les Beni-Monif et les BeniOuîghern émigrèrent en Espagne avec l'intention de se poster sur la frontière musulmane et de combattre les chrétiens. Une partie d'entr'eux y forma même des garnisons sédentaires, et leur postérité s'y trouve encore. Une autre fraction maghraouienne, composée de gens de la classe moyenne, se mit sous la protection des Almohades, et fournit jusqu'à son extinction, un fort contingent à leur armée. Ali, fils de Rached, fut conduit au palais des souverains de Maroc, où sa tante se chargea de l'élever. Les Aulad-Mendil se transportèrent en masse

1 Cette indication ne s'accorde pas avec celles que notre auteur vient de donner; voy. p. 320.

dans le territoire des Beni-Merîn et s'unirent à cette tribu par les liens de voisinage et par des mariages. L'alliance de ces deux peuples se maintint jusqu'à l'époque où les Mérinides envahirent le Maghreb central.

Le sultan Abou -'1- Hacen, ayant soumis cette région, renversé la dynastie des Abd- el-Ouad et combiné tous les peuples zenatiens en une seule nation, incorpora dans ses états le pays des Maghraoua ainsi que les provinces hafsides de l'Ifrîkïa. Ensuite, au commencement de l'année 749 (avril 1348), il essuya, auprès de Cairouan, l'échec fatal dont nous avons donné ailleurs les détails. Alors, de tous côtés, les provinces se révoltèrent; les fils des anciens chefs s'emparèrent de leurs états héréditaires, et Ali, fils de Rached et petit-fils de MohammedIbn-Thabet-Ibn-Mendil, prit possession du territoire de Chelif et soumit Miliana, Ténès, Brechk, Cherchel et les autres villes de cette région. Ayant alors rétabli la principauté bédouine de ses aïeux, il réprima vigoureusement les tentatives des tribus qui osaient l'attaquer.

A cette époque, le sultan Abou-'l-Hacen venait d'arriver à Alger, après avoir échappé aux dangers qui l'entouraient en Ifrîkïa et aux périls d'un naufrage auprès de Bougie; et, comme il conservait encore l'espoir de recouvrer les royaumes qu'il avait perdus, il eut une conférence avec Ali-Ibn-Rached et fit un appel à sa reconnaissance. Le maghraouien s'en montra trèsému, mais il ne voulut consentir à prendre les armes contre les Abd-el-Ouad, à moins d'être formellement reconnu comme souverain du pays que sa tribu occupait autour de Chelif. Voyant repousser cette demande, il s'éloigna du sultan et embrassa le parti des Abd-el-Ouad, famille dont l'empire s'était relevé à Tlemcen. Le sultan quitta Alger pour lui livrer bataille et, en l'an 751 (1350-4), il essuya, auprès du Chedîouïa, une défaite totale et la perte de son fils En-Nacer, tué par les Maghraoua.

1 Voy., ci-devant, p. 34, et, ci-après, dans l'histoire des Ab-elQuad et dans celle des Beni-Merîn.

S'étant alors jeté dans le Désert, il atteignit le Maghreb-el-Acsa, ainsi que le lecteur verra dans l'histoire des Mérinides. Après avoir relevé l'empire de Tlemcen, les princes de la famille de Yaghmoracen résolurent d'occuper le pays des Maghraoua, comme ayant déjà fait partie de leurs états. En l'an 752 (1354-2), Abou-Thabet-ez-Zaïm, fils d'Abd-er-RahmanIbn-Yaghmoracen et lieutenant de son frère, le sultan des Abdel-Ouad, entra dans le territoire maghraouien à la tête d'une armée nombreuse, s'empara de tout, villes et campagnes, et força Ali-Ibn-Rached à s'enfermer dans Ténès avec une petite troupe de partisans. A la suite d'un siége assez prolongé, Ténès succomba, et Ali, se voyant mis dans l'impossibilité de s'échapper, quitta ses compagnons, passa dans un cabinet du château et se perça le cœur avec son épée. La triste fin d'un homme aussi distingué fournit, pendant longtemps, le sujet de toutes les conversations. Ténès fut emporté d'assaut, et tous les Maghraoua qui s'y trouvaient furent passés au fil de l'épée. Le reste de la tribu se dispersa et prit service dans les états voisins; les uns comme cavaliers et les autres comme fantassins. Ainsi tomba l'empire des Maghraoua, habitants du territoire de Chelif.

Les Beni-Merin s'étant ensuite emparés de Tlemcen pour la seconde fois, renversèrent de nouveau la dynastie abd-el-ouadite et en détruisirent la puissance; mais, après la mort1 d'AbouEinan et la retraite de la garnison mérinide, la famille de Yaghmoracen vit relever son autorité pour la troisième fois, grâce aux efforts de Mouça 2-Abou-Hammou II, fils de Youçof. Dans l'histoire des Abd-el-Ouad se trouveront les détails de ces événements.

Au commencement de l'an 772 (août 1370), le sultan Abd-elAzîz, fils du sultan Abou-'l-Hacen, partit à la tête de l'armée mérinide, s'empara de Tlemcen, qui succomba ainsi pour la

1 Dans le texte arabe, il faut lire bi-mehlek à la place de bi-molk. Les manuscrits et le texte arabe imprimé portent Ibn- Mouça, fausse leçon.

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