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mais, bientôt après, il céda à un mouvement de colère et quitta cette ville. L'on rapporte que dans un jour de réception, il raconta devant Yaghmoracen qu'il avait vu un seul cavalier tenir tête à deux cents. Quelques membres de la famille abd-el-ouadite qui entendirent ces paroles lui donnèrent un démenti. Tel fut le motif de sa colère et de son départ pour sa tribu. Plus tard, Yaghmoracen découvrit que le fait était vrai et que le cavalier était El-Abbas lui-même. Ce chef maghraouien mourut en 647 (1249-50), vingt-cinq ans après son père.

Mohammed-Ibn-Mendil, frère et successeur d'El-Abbas, ayant conclu une paix avec Yaghmoracen, l'année de [la bataille de] Keldaman, c'est-à-dire en 657 (1259), rangea ses Maghraoua sous les drapeaux des Abd-el-Ouad, et marcha avec eux contre le Maghreb[-el-Acsa]. Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack le mérinide repoussa cette invasion et força les coalisés à rentrer dans leurs pays respectifs.

La guerre ayant éclaté de nouveau entre les Abd-el-Ouad et les Maghraoua, ceux-ci perdirent la ville de Miliana dont les habitants se soulevèrent contre la domination hafside. Voici l'histoire de cette révolte: Abou- 'l-Abbas - el-Miliani était l'homme de son époque le plus distingué par le savoir, la piété et la connaissance des traditions relatives au Prophète. Dans cette dernière partie, il possédait des renseignements tirés des meilleures sources. Les hommes les plus éminents faisaient le voyage de Miliana exprès pour le voir, et les premiers docteurs du siècle allèrent écouter ses leçons. Placé par l'opinion publique au plus haut rang de sainteté, il obtint le commandement de sa ville natale et remplit les fonctions de cet office sous le règne de Yacoub-el-Mansour et des fils de ce monarque. Ce fut dans cette sphère propice que fut élevé son fils Abou-Ali. Tout en acquérant des connaissances étendues, ce jeune homme nourrissait des projets ambitieux et l'amour de la domination. A la

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Le texte arabe ainsi que celui des manuscrits porte une fausse date, celle de 647.

mort de son père, il s'élança dans la carrière du commandement et, voyant que les Maghraoua et les Beni-Abd-el-Ouad étaient en guerre, il conçut la pensée de tirer avantage de cet état de choses pour se rendre indépendant à Miliana. Ayant pris ses mesures en conséquence, il accomplit son projet, l'an 659 (1261), et fit disparaître de la prière du vendredi le nom de son souverain El-Mostancer. Quand la nouvelle de cette révolte fut parvenue à Tunis, ce khalife plaça son frère Abou-Hafs à la tête d'une armée almohade et l'envoya contre le rebelle. Dans cette armée, on remarqua Don Henri, fils de Hernandez, membre de la famille des Alphonse, rois de Galice. Ce prince, accompagné d'une bande d'amis, s'était enfui de la cour de son père1 et avait cherché un asile auprès du souverain hafside. Comme le siége de Milîana traîna en longueur, Abou Hafs se ménagea des intelligences dans la ville et, favorisé par les notables qui étaient très-mal disposés pour l'usurpateur, il y fit passer de nuit quelques troupes et réussit à s'en emparer de vive force. Abou-Ali se sauva à la faveur de l'obscurité et, sortant de la ville par un aquéduc, il alla trouver les Arabes nomades et se mettre sous la protection de Yacoub-Ibn-Mouça, émir des Attaf, tribu zoghbienne. De là, il se rendit auprès de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack. Dans un de nos chapitres sur les Mérinides, nous reprendrons l'histoire de cet aventurier.

L'émir Abou-Hafs ramena ses troupes à Tunis, après avoir donné le gouvernement de Miliana à Mohammed-Ibn-Mendil. Ce chef rétablit dans la prière du vendredi le nom du souverain hafside et mourut en l'an 662 (1263-4) dans la quinzième année de sa nomination [au commandement des Maghraoua]. Il fut assassiné par ses frères, Thabet et Aïd, pendant que la tribu stationnait à El-Khamis, localité de la plaine qui fait partie du territoire maghraouien. Son neveu, Atïa-Ibn-Monîf, fut tué à côté de lui. Thabet rassembla alors ses partisans et s'associa Aïd dans le commandement de la tribu. La division se mit dès-lors

4 Il faut lire son frère. Voy. t. 11, p. 347.

dans le sein de la famille Mendil, et l'indignation que ces forfaits avait excitée fermentait encore dans tous les cœurs, quand Yaghmoraceu leur fit sentir de nouveau la puissance dont il disposait. Omar, fils de Mendil et frère des assassins, prit avec le chef abd-el-ouadite l'engagement de le mettre en possession. de Miliana, à la condition d'obtenir, par son appui, le commandement des Maghraoua. En l'an 668 (1269-70), cette convention reçut son accomplissement Yaghmoracen occupa la ville de Miliana, y établit Omar comme son lieutenant et fit proclamer la déposition de Thabet. Il se trouva ainsi maître des Maghraoua, dont il avait le chef sous ses ordres.

Thabet et Aïd cherchèrent alors à capter la bienveillance de Yaghmoracen et à contrarier leur frère Omar, en se servant des mêmes moyens que celui-ci avait employés; aussi, en l'an 672 (1273-4), ils livrèrent à ce prince la ville de Ténès, moyennant douze mille pièces d'or. Omar garda le commandement jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu quatre années plus tard.

Thabet-Ibu-Mendil prit alors le commandement des Maghraoua, et son frère Aïd, ayant désiré faire la guerre aux chrétiens, passa en Espagne avec ses amis, Zian-Ibn-Mohammed-Ibn-Abdel-Caouï et Abd-el-Melek Ibn-Yaghmoracen, les plus braves cavaliers de la nation zenatienne. Plus tard, Thabet rompit ses engagements envers Yaghmoracen et lui reprit Ténès et Miliana; puis, en l'an 684 (1282-3), il se vit obligé à lui rendre la première de ces villes. Bientôt après, Yaghmoracen mourut et Ténès se révolta, mais son fils et successeur, Othman, dirigea tant d'expéditions contre les Toudjîn et les Maghraoua qu'il finit par leur tout enlever. En 687 (1288-9), il obtint des Beni-Lemdïa la remise de Médéa, conquit sur Thabet la ville de Mazouna et le contraignit ensuite à lui céder celle de Ténès. Jusqu'à l'an 693 (1294), il ne cessa de châtier les Maghraoua et, s'étant emparé de leurs villes, il occupa toutes leurs campagnes aussi et les rejeta dans les montagnes. Thabet s'enferma dans Brechk avec l'intention d'y faire une vigoureuse résistance; mais, se voyant assiégé par Othman et prêt à succomber, il s'embarqua pour le Maghreb-el- Acsa, en l'an 694, et alla implorer le secours

de Youçof-Ibn-Yacoub, sultan des Beni-Merîn. Ayant obtenu de ce monarque un bon accueil et la promesse d'un appui efficace, il se logca dans Fez et gagna l'amitié d'Ibn-el-Acheheb, un des cheikhs des Beni-Asker[, tribu mérinide]. Un jour, étant allé lui rendre visite, il entra sans se faire annoncer et fut attaqué et tué par ce chef qui était alors en état d'ivresse. Le sultan fut très-fâché de cet événement et vengea la mort de son protégé.

Mohammed, fils de Thabet, gouverna d'abord les Maghraoua au nom de son père; ensuite il usurpa toute l'autorité et, quand Thabet partit pour le Maghreb, il se déclara chef de la tribu. Il cessa de vivre peu de temps après la mort de son prédécesseur et fut remplacé par son frère Ali. Celui-ci fut tué par son frère Monîf, qui lui disputait le pouvoir avec l'appui de Rahmoun, un autre de ses frères. Les meurtriers, se voyant repoussés par les Maghraoua que leur crime avait indignés, se rendirent à la cour d'Othman-Ibn-Yaghmoracen et obtinrent de ce prince les moyens de passer en Espagne. Ayant traversé le Détroit, ils allèrent trouver leur frère Mâmer-Ibn-Thabet, qui commandait un corps de troupes qu'on avait stationné à ElBaghira (?) pour faire la guerre sainte. Cet officier se démit en faveur de Monîf qui obtint ainsi son premier commandement en Espagne. Abd-el-Moumen, un autre de leurs frères, s'y rendit aussi et ils se fixèrent tous dans ce pays. On y trouve encore les descendants de Yacoub-Ibn-Zian, petit-fils d'Abd-el-Moumen, et ceux d'Ibn-Omar, fils de Monif.

En l'an 694 (1294-5), aussitôt après la mort de Thabet-IbnMendil, ses fils et toute sa famille éprouvèrent la bonté du sultan Youçof-Ibn-Yacoub, lequel se chargea de leur entretien et prit pour femme la sœur de Rached, fils de Mohammed et petitfils de Thabet. En 696, ce monarque investit Tlemcen et bâtit une ville auprès de cette place forte afin de pouvoir la tenir étroitement bloquée. Pendant la durée du siége, il expédia des colonnes de troupes dans les contrées voisines et fit choix d'Omar, fils de Ouîghern et petit-fils de Mendil, pour gouverner les Maghraoua et le territoire de Chelif. En 699 (1299-4300), il fournit à ce chef un corps d'armée et le mit ainsi en mesure de

réduire Miliana, Ténès et Mazouna. Rached fut très-mécontent de n'avoir pas obtenu le commandement de sa tribu, charge à laquelle il croyait avoir plus de droits que tout autre, tant par sa naissance que par son alliance avec le sultan; aussi, dans sa colère, il s'enfuit du camp impérial et se jeta dans les montagnes de Metîdja d'où il parvint, au moyen de ses émissaires, à se former un parti chez les Maghraoua. Paraissant alors à l'improviste au milieu de cette tribu, il y jeta la désunion et, par ses intrigues, il décida les habitants de Mazouna à se révolter contre les Mérinides. Ensuite, il marcha sur Azemmor, place située dans le pays ouvert du territoire maghraouien, et, dans une attaque de nuit, il y surprit Omar-Ibn-Ouîghern et lui ôta la vie, Par ce coup de main, il rallia le reste de la tribu autour de lui. Le sultan prit aussitôt des mesures pour comprimer cette insurrection et envoya de ce côté plusieurs corps d'armée dont l'un, composé de guerriers appartenant à la tribu des Beni-Asker, était commandé par El-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi-Talac; un autre, formé des Beni-Ourtadjen, avait pour chef Ali-Ibn-MohammedIbn el-Kheïri; un troisième, fourni par les Beni-Toudjîn, obéissait à Abou-Bekr-Ibn-Ibrahim-Ibn-Abd-el-Caouï, et un détachement de la milice y marcha aussi sous la conduite d'Ali-Ibn-Hassanes-Sobhi, client de la famille royale. Mohammed, fils d'Omar et petit-fils de Mendil, reçut en même temps sa nomination au commandement des Maghraoua. Ces troupes arrivèrent devant Mazouna où Rached avait laissé une forte garnison sous les ordres de ses cousins, Ali et Hammou, fils de Yahya-Ibn-Thabet. Rached lui-même monta chez les Beni-Bou-Saîd afin de mieux surveiller les mouvements de l'ennemi.

Après avoir soutenu un siége de deux années, Ali, fils de Yahya se vit réduit presqu'à la dernière extrêmité et chargea son frère Hammou d'aller implorer la miséricorde du sultan. Cet envoyé se présenta devant le prince et fut aussitôt conduit en prison. parce qu'il ne s'était pas muni d'un sauf-conduit. En l'an 703 (4303-4), Ali fut tellement découragé par l'épuisement de ses vivres qu'il se laissa emporter par le désespoir et alla se livrer aux assiégeants. Le sultan, auquel on l'envoya, lui fit grâce de

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