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avec l'aide des tribus voisines, et celles-ci, de leur côté, visaient au partage du pouvoir et de l'autorité souveraine. La dynastie des Abd-el--Ouad travailla sans relâche à contenir ces tribus en punissant leur insubordination, et, de même que les Beni-Merîn, à une époque plus récente, elle parvint à briser leur puissance et à paralyser, par l'oppression, l'aile de leur ambition. Cela eut pour résultat l'établissement de la dynastie mérinide et sa domination sur toutes ces populations, ainsi que nous aurons à le raconter.

Nous traiterons de ces dynasties, l'une après l'autre, et, en traçant l'histoire des quatre grandes familles qui tiennent les principales places dans la seconde catégorie des Zenata, nous commencerons par les Maghraoua, débris de ceux de la première race, et nous raconterons l'histoire de l'empire régi par leurs chefs, les Aulad-Mendil.

HISTOIRE DES AULAD-MENDÎL, FAMILLE QUI RÉTABLIT LA DOMINATION DES MAGHRAOUA A CHELIF, DANS LE MAGHREB CENTRAL.

Depuis la chute de la famille des Khazer et la ruine des empires qu'ils avaient fondés à Tlemcen, à Sidjilmessa, à Fez et à Tripoli, la puissance de la race maghraouienne était demeurée assoupie pendant quelque temps, et les branches de cette tribu vivaient éparses dans leurs anciens territoires, les unes en Ifrîkïa, les autres dans les deux Maghrebs, dans le Désert et dans le Tell. La majeure partie des Maghraoua habitait toujours le territoire de Chelif et les lieux voisins, région qui avait été le

:

1 Littéralement et l'empire abd-el-ouadite, ainsi que l'empire mérinide plus tard, déplumait l'aile de leur ambition par la douleur cuisante du fardeau qui blesse par le frottement. Dans le texte arabe de ce passage, qui a été altéré par tous les copistes, il faut lire elmokhlica à la place d'el-mokhlefa. Les mots li-sokhne!i 'l-kelli 'lmokhlica paraissent former une parenthèse, le verbe hass, pris au figuré, se construisant avec la préposition min,

berceau de leur tribu et le centre de leurs établissements. On y rencontrait les Beni-Ourcîfan, les Beni-Ourtezman1, les Beni-llît, branche, dit-on, des Ourtezman, les Beni- [Bou-] Said, les BeniZeddjak et les Beni-Sindjas. Quelques personnes regardent ceuxci comme appartenant à une autre branche des Zenata que celle des Maghraoua.

Après la chute de la dynastie Khazroun à Tripoli, les membres de cette famille se dispersèrent, et, l'un de ses princes, Abdes-Samed, fils de Mohammed-lbn-Khazroun, se réfugia dans l'Auras pour échapper à quelques-uns de ses parents qui s'étaient emparés du commandement à Tripoli. Son aïeul, Khazroun-Ibn-Khalifa, était le sixième roi de cette dynastie. Abd-esSamed resta quelque temps dans l'Auras et passa ensuite chez les Zouaoua, où il demeura plusieurs années. De là, il se rendit dans le territoire de Chelif et fixa son séjour au milieu des derniers restes de sa tribu. Accueilli avec honneur par les Ourcîfan, les Ourtezman 2, les Beni-Bou-Saîd et les autres peuplades maghraouiennes, qui s'empressaient toutes à respecter en sa personne les droits des Beni-Khazroun, il se les attacha complètement en s'alliant par des mariages à leurs principales familles. Les nombreux enfants qu'il laissa après lui furent connus dans le pays par le nom de Beni-Mohammed et de Khazeriens, titre qui servait à rappeler le nom de leur ancêtre.

Un de ses descendants, nommé Abou-Nas[-Mohammed], fils d'Abd-es-Samed, fils de Ouardjïâ, fils d'Abd-es-Samed, se consacra aux pratiques de la dévotion et aux bonnes œuvres. Il épousa la fille d'un descendant d'Ibn-Makhoukh, prince des BeniOuémannou, et acquit sur ce peuple une influence que rehaussaient l'éclat de sa naissance et la noblesse de sa tribu. Les Almohades, dont l'empire s'établit quelque temps après, traitèrent Abou-Nas avec de grands égards à cause de ses vertus, et lui concédèrent une partie de la vallée du Chelif. Jusqu'à son

Variante: Ourtezmar.

2 Variante: Ourlezmin.

dernier jour, Abou-Nas suivit le genre de vie qu'il avait adopté. II laissa plusieurs fils, dont l'aîné s'appelait Ouardjïà; les autres se nommaient Azîz, Ighrîan, Makour et Abd-er-Rahman. Ce dernier, qui naquit de la fille d'Ibn-Makhouh, fut le favori de son père et de toute la tribu. On lui tenait compte de la haute naissance de sa mère, et, à l'inspection de sa figure, on croyait reconnaître qu'un royaume était destiné à lui et à sa postérité. L'on raconte que, bientôt après sa naissance, sa mère l'emporta dans le Désert et le déposa au pied d'un arbre. Elle s'éloigna alors pour quelque affaire et, pendant son absence, un essaim d'abeilles vint voltiger autour de cet endroit comme pour se poser sur l'enfant. Elle accourut tout effrayée pour sauver son fils, quand un devin lui dit : « Aie bien soin de lui, car il est » prédestiné à de grandes choses. >>

La jeunesse d'Abd-er-Rahman - Ibn-Abi-Nas fut entourée d'une haute considération à cause de sa noble origine et de la bravoure dont il donnait de nombreuses preuves. Soutenu par ses frères et par ses parents, il rallia autour de lui les tribus maghraouiennes et parvint ainsi à une grande puissance. Il s'était même ménagé la faveur du gouvernement almohade par une parfaite soumission et un sincère dévouement. Quand les princes de cet empire traversaient son pays pour aller faire la guerre en Ifrîkia, où pour rentrer en Maghreb, ils trouvaient chez lui un accueil si empressé qu'à leur retour, ils ne tarissaient pas sur son éloge. Par cette conduite habile, Abd-er-Rahman acquit de nouveaux titres à la faveur des khalifes almohades. Un membre de la famille royale [d'Abd-el-Moumen] s'étant trouvé dans le territoire de ces Maghraoua, apprit que le khalife de Maroc venait de mourir et, se voyant exposé à perdre la vie par suite de ce changement de règne, il fit cadeau de ses montures et de ses trésors à l'émir Abd-er-Rahman qui l'avait conduit en lieu de sûreté, à travers le pays soumis à ses ordres. Ce fut là pour le chef maghraouien un nouveau moyen d'augmenter sa puissance. Il organisa une partie de ses gens en corps de cavalerie et se vit bientôt entouré d'une foule d'amis et de partisans. La mort le surprit pendant ces préparatifs, et cela à l'époque

où la dynastie d'Abd-el-Moumen, khalifes de Maroc, commençait à perdre de ses forces. Il laissa deux fils, Mendil et Tehim.

Mendil, fils aîné d'Abd-er-Rahman, succéda au commandement de la tribu vers l'époque où Ibn-Ghanîa envahit les provinces du Maghreb central et lança sur tout ce pays les orages de la guerre. Ayant alors conçu l'espoir d'étendre sa domination. sur les contrées voisines, il se conduisit comme le lion qui, pour protéger ses lionceaux, fait respecter les environs de sa tanière. Après avoir conquis les régions à l'entour de son pays, il soumit le Ouancherîch, la ville de Médéah et les lieux qui en dépendent. Ce fut lui qui construisit la citadelle de Merat.

A cette époque, la plaine de la Metidja était couverte de cultures, de villes et de villages. Les historiens rapportent que les habitants de cette région possédaient trente villes assez considérables pour pouvoir y célébrer la prière publique. Mendîl envahit ce pays en y portant la dévastation, et il ne s'en éloigna qu'après y avoir tout ravagé. Pendant cette expédition, il affichait un grand dévouement à la cause des Almohades, étant, disait-il, l'ami de leurs amis et l'ennemi de leurs ennemis.

Yahya-Ibn-Ghania s'était laissé enlever l'Ifrikïa par les Almohades et n'en conservait que la ville et les environs de Cabes, quand le cheikh Abou-Mohammed le hafside mourut à Tunis, l'an 618 (1221), après avoir bien défendu la province confiée à ses soins. Cet événement releva l'espoir d'Ibn-Ghanîa qui, toujours prêt à maintenir la cause des Almoravides, se mit encore à insulter les frontières et à dévaster les villes de l'Ifrtkïa. Ensuite il passa chez les Zenata, lança ses escadrons dans les plaines de ce pays et en balaya toutes les richesses. A la suite de plusieurs rencontres entre les habitants et les troupes de cet aventurier, Mendil, fils d'Abd-er-Rahman rassembla une armée et lui livra bataille auprès de Metîdja; mais, abandonné par ses Maghraoua, qui ne purent résister aux charges de l'ennemi, il resta prisonnier entre les mains d'Ibn-Ghania et mourut bientôt après, par l'ordre de ce chef. Ceci se passa en l'an 622 (1223) ou 623. A la suite de cette victoire, Ibn-Ghanîa soumit la ville d'Alger et mit en croix, sur les murs de cette forte

resse, le cadavre de sa victime, afin de frapper de terreur tous ceux qui penseraient à la résistance.

Le commandement des Maghraoua passa aux fils de Mendil, qui étaient tous gens de mérite, doués d'un noble caractère et soutenus par de nombreux amis. Ils reconnurent pour chef leur frère aîné, El-Abbas-Ibn-Mendil, et celui-ci adopta les plans de son père, en s'abstenant, toutefois, d'envahir la Metîdja. Sa tribu se laissa ensuite vaincre par les Toudjîn et perdit le Quancherîch ainsi le pays ouvert qui avoisine Médéa. Repoussée dans le territoire de Chelif, berceau de la nation maghraouienne, elle y fonda un empire bédouin et ne s'occupa plus que de la vie nomade, des tentes et des pâturages. Dans la suite, elle s'empara de Milîana, de Ténès, de Brechk et de Cherchel, en y faisant proclamer la souveraineté des Hafsides. Ce furent les Maghraoua qui fondèrent le village de Mazouna.

Yaghmoracen-Ibn-Zian s'étant rendu indépendant à Tlemcen, ville que lui, et son frère avant lui, avaient commandée au nom des souverains descendus d'Abd-el-Moumen, entreprit maintenant de conquérir les villes du Maghreb central. Les Toudjîn et les Mendil, se voyant obligés à reculer, tournèrent leurs regards vers l'émir Abou-Zékérïa le hafside, qui avait maintenant détaché l'Ifrîkïa du royaume des enfants d'Abd-el-Moumen. Invité par les Maghraoua à les soutenir contre les Abd-el-Ouad, ce prince rassembla ses troupes, tant almohades qu'arabes, et vint s'emparer de Tlemcen. En reprenant le chemin de sa capitale, il confirma les émirs zenatiens dans le commandement de leurs tribus et pays respectifs : El-Abbas-Ibn-Mendîl demeura ainsi chef des Maghraoua; Abd-el-Caouï fut déclaré chef des Toudjîn, et les Aulad-Haboura furent reconnus comme chefs des Melikich. Il autorisa ces émirs à s'entourer des emblèmes de la souveraineté et leur permit de paraître ainsi en sa présence.

El-Abbas ayant conclu un traité de paix avec Yaghmoracen, se rendit à Tlemcen et reçut de ce chef l'accueil le plus flatteur;

1 Variante: Hatoura.

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