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vahit les états d'El-Mansour[-Ibn-en-Nacer], y prit plusieurs villes importantes et mit le siége devant Alger 1. Après la mort de Mohammed le messoufite, son frère Tachefin lui succéda dans le gouvernement de Tlemcen et dévasta la ville d'Achîr, après l'avoir emportée d'assaut. Comme les Ouémannou et les Iloumi avaient secondé les Almoravides dans cette expédition, El-Mansour en fut très-courroucé et marcha avec ses troupes contre la première de ces tribus. A la suite d'une bataille avec les guerriers que Makhoukh avait rassemblé, il ramena dans Bougie les débris d'une armée que les vainqueurs poursuivaient avec acharnement. S'étant alors laissé emporter par la colère et par la soif de vengeance, il fit mourir sa femme, la sœur de Makhoukh; puis, en l'an 496 (1102–3) 3, il marcha contre Tlemcen. Soutenu par les renforts que les tribus arabes d'El-Athbedj, de Rîah et de Zoghba lui envoyèrent, ainsi que par un contingent zenatien, il s'empara de cette ville et épargna les jours de Tachefin-IbnTînamer. Au sujet de cette fameuse expédition, on peut voir la notice des Sanhadja. Après la mort d'El-Mansour, son fils et successeur El-Azîz épousa la seconde fille de Makhoukh, lequel venait de renouer ses liaisons avec les Hammadites.

Pendant que les nomades augmentaient leur puissance dans le Maghreb central et que les Beni-Ouémannou et les Beni-Iloumi, devenus maintenant ennemis, se livraient une longue suite de combats, Makhoukh mourut et le commandement des Ouémannou se partagea entre ses fils, Tachefîn, Ali et Abou-Bekr. Les Abd-el-Ouad, les Toudjîn, les Beni-Rached, tous zenatiens de la seconde race, et les Ourcîfan, tribu maghraouienne, soutenaient, tantôt les Ouémannou, tantôt les lloumi, mais ceux-ci eurent presque toujours pour alliés leurs parents et voisins, les Beni

Merîn.

1 Voy. t. 11, pp. 53, 51, 76.

* Dans le texte arabe, il faut supprimer le verbe catel, qui se trouve entre les mots casrihi et zandjaho.

3 Les manuscrits et le texte arabe imprimé portent 486.

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Nous devons cependant faire observer que les lloumi et les Ouémannou, tout en se faisant la guerre, restaient soumis à la domination des Zenata de la seconde race et qu'ils subissaient leur autorité jusqu'à l'apparition des Almohades. A cette poque, Abd-el-Moumen pénétra dans le Maghreb central, força Tachefin-Ibn-Ali [le souverain almoravide] à prendre la fuite et reçut la soumission d'Abou-Bekr, fils de Makhoukh, et de Youçof, fils de Yedder. Ces deux chefs allèrent le trouver dans le Rif et obtinrent pour leur tribu, les Beni-Ouémannou, l'appui d'un corps almohade sous les ordres de [Youçof-]Ibn-Ouanoudin et d'Ibn-Yaghmor1. Les Iloumi et les Abd-el-Ouad, voyant leurs pays ravagés par cette armée, se firent envoyer des secours par Tachefin-Ibn-Ali et prirent position à Mindas. Soutenus aussi par les Beni-Ourcîfan, par les Beni-Toudjîn, branche des BeniBadin, par les Oungacen, tribu mérinide, et par les Abd-el-Ouad, commandés par Hammama-Ibn-Modahher, les lloumi attaquèrent les Beni - Quémannou, leur tuèrent six cents hommes ainsi que leur chef, Abou - Bekr - Ibn - Makhoukh, et firent sur eux un grand butin. La troupe almohade se réfugia dans les montagnes de Cirat avec le reste des Ouémannou, pendant que TachefinIbn-Makhoukh courut implorer le secours d'Abd-el-Moumen. S'étant mis à la suite de ce monarque, Tachefin l'accompagna au siége de Tlemcen, ville où Tachefin-Ibn-Ali s'était enfermé.

Quand le souverain almoravide s'enfuit jusqu'à Oran, Abdel-Moumen fit envahir le pays des Zenata par une armée almohade. Le cheikh Abou-Hafs, qui commandait cette colonne, se posta sur le plateau de Mindas, au milieu du territoire zenatien et, après avoir châtié ces populations de la manière la plus sévère, il les contraignit à faire leur soumission et à recevoir la doctrine almohade. De là, il alla rejoindre Abd-el-Moumen, qui faisait le siége d'Oran, et lui présenta une députation de chefs envoyée par les vaincus et conduite par Séïd-en-Nas, fils d'Amiren-Nas et cheikh des Beni-lloumi. On y remarqua aussi Ham

Voy, t. I, p. 176.

mama-Ibn-Modahher, cheikh des Abd-el-Ouad, et Atïa-t-el-Kheir, cheikh des Beni-Toudjîn.

Bien qu'Abd-el-Moumen eût accueilli ces chefs avec une grande bienveillance, les Zenata se révoltèrent de nouveau, et les Iloumi s'enfermèrent dans leur forteresse d'El-Djâbat, avec leur cheikh, Séïd-en-Nas, et son frère Bedrèh. Les Almohades s'emparèrent de cette place, à la suite d'un siége, et déportèrent en Maghreb[-el-Acsa] les chefs des révoltés. Séïd-en-Nas fut conduit à Maroc où il mourut quelque temps avant la mort d'Abdel-Moumen et des fils de Makhoukh.

Quand les Beni-Toudjîn virent l'affaiblissement de ces deux tribus, ils commencèrent une lutte avec les Beni-Iloumi. Voulant s'emparer du territoire occupé par ceux-ci, ils engagèrent une guerre avec eux, et leur chef, Atïa-t-el-Kheir, puissamment secondé par ses parents, les Beni-Menkouch, ne recula devant aucun danger jusqu'à ce qu'il eut forcé ses adversaires à camper dans les localités occupées par sa tribu et à vivre sous la protection des vainqueurs. En montrant aux Almohades un dévouement sans bornes, les Abd-el-Ouad et les Toudjîn parvinrent enfin à soumettre les Ouémannou, les lloumi et d'autres peuples encore. Les tribus ainsi subjuguées virent leur puissance s'évanouir, leurs camps se fractionnér, et elles durent se résigner à vivre au milieu de ces mêmes Abd-el-Ouad et Beni-Toudjin qui les avaient dépossédées de leurs terres.

Parmi les branches des Beni-Ouémannou, on compte les BeniYaleddès, bien que plusieurs personnes représentent cette famille comme une branche de la grande tribu des Maghraoua. Le territoire qu'occupe les Yaleddès est situé au Midi des deux Maghrebs et s'étend derrière l'Areg, barrière qui renferme la région cultivable et qui nous a déjà fourni le sujet de quelques observations. Ils y ont bâti des forts, construit des bourgades et planté des jardins où l'on trouve des dattiers, des vignes et d'autres arbres à fruit.

Tome 1, p. 190.

A trois journées au Midi [Sud-Est] de Sidjilmessa, dans une localité appelée le territoire de Touat, se trouve une fraction des Quémannou. On y rencontre plus de deux cents bourgades, en se dirigeant de l'Ouest à l'Est. La plus orientale de ces cosour porte le nom de Tementit. C'est aujourd'hui une ville trèspeuplée, servant de station aux caravanes qui passent et repassent entre le Maghreb et Melli, ville du pays des Noirs. Entre Tementît et Ghar 3, sur la frontière du pays de Melli, s'étend la vaste solitude où l'on ne trouve aucune source d'eau et où les voyageurs ne sauraient se diriger sans le secours de guides expérimentés, appartenant aux populations nomades porteurs du litham qui parcourent cette région sauvage. Les négociants paient très-chèrement les services de ces guides dont la présence leur est encore une protection en cas de mauvaise ren

contre1.

Bouda, la plus occidentale des bourgades touatiennes, était autrefois le point d'où les marchands prenaient leur départ quand ils voulaient se rendre à Oualaten, place frontière la plus avancée du royaume de Melli; mais elle cessa d'être fréquentée à cause des brigandages commis par les Arabes du Sous, qui se plaisaient à piller les voyageurs et à intercepter les caravanes. Alors on fraya la route qui mène dans le pays des Noirs en passant par

Tementît.

A dix journées au Midi de Tlemcen se trouvent les bourgades (cosour) de Tigourarîn. Il y en a environ une centaine; elles s'élèvent dans une plaine qu'une rivière traverse de l'Ouest à l'Est. Ces localités sont très-florissantes et possèdent une nombreuse population.

'Il faut supposer que notre auteur avait l'intention d'écrire treize à la place de trois.

* Touat paraît être une forme berbérisée du mot oudh (oasis).

3 Variante Ghaz, Einan.

Voy. le Voyage au pays des Noirs, d'Ibn-Batouta, dans le Journal asiatique de 1843. Le grand Desert qu'il place entre Taserehla et Iwalaten est évidemment le même que celui dont Ibn-Khaldoun parle ici.

Les bourgades situées dans cette partie occidentale du Désert appartiennent presque toutes aux Beni-Yaleddès; mais on y rencontre quelques autres tribus, tant zenatiennes que berbères, des Ourtatghir, des Mozab, des Beni-Abd-el-Ouad et des BeniMerin. Toutes ces nombreuses peuplades se tiennent loin du Tell et n'ont à subir ni l'oppression des chefs de province, ni la disgrâce des impôts. Elles possèdent des cavaliers et des fantassins; pour moyen de vivre, elles ont la culture du dattier, et, pour le commerce du Soudan, elles ont des négociants.

Toutes les plaines de cette région servent de station hivernale aux Arabes et, surtout, aux [Doui-]Obeid-Allah, tribu makilienne, laquelle doit au hasard de sa première émigration la possession d'un territoire aussi utile. Dans certaines années, la tribu zoghbienne des Beni-Amer vient partager avec eux les paturages de Tigourarîn. Les Obeid-Allah doivent de toute nécessité s'y transporter chaque année et prendre leurs quartiers d'hiver dans le Touat et à Tementît. Quand ils quittent le Tell avec leurs troupeaux pour se rendre dans cette région, les caravanes fournies par les villes du Tell se joignent à eux et les accompagnent à Tementît, où elles prennent une escorte pour le Soudan.

Dans les contrées du Désert situées derrière l'Areg, on voit employer un procédé singulier pour obtenir des sources jaillissantes, procédé qui ne se pratique pas dans le Tell du Maghreb. On creuse un puits très-profond, dont on a soin d'étayer les parois, et l'on continue ce travail jusqu'à ce qu'on atteigne une couche de pierre très-dure. On entame cette couche avec des pics et des pioches afin de l'amincir; alors, les ouvriers remontent et jettent au fond de l'excavation une masse de fer. La couche se brise et laisse monter les eaux qu'elle recouvrait; le puits se remplit, l'eau en déborde et forme un ruisseau sur le sol. Quelquefois, l'eau monte avec tant de vitesse que rien ne peut lui échapper. Ce phénomène se voit aux bourgades de Touat,

Pour ila, lisez elléti.

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