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race, et ceux d'entr'eux qui habitent actuellement le Zab ont conservé ces croyances hétérodoxes. Dans El-Mechentel, pays situé entre le Zab et la montagne des Rached, on rencontre aussi des Sindjas. Ils s'étaient établis dans les montagnes qui touchent au pays des Ghomert et payaient tribut aux Arabes hilaliens qui les avaient subjuguées, et, maintenant qu'ils ont passé sous le joug des Sahari, fraction des Oroua zoghbiens qui est venue se fixer dans leur pays, ils se trouvent réduits au niveau d'esclaves.

Les Righa se composent d'un grand nombre de familles. Lors des divisions qui éclatèrent dans le sein du peuple zenatien, une partie des Bigha alla s'établir dans le Djebel-Aïad et dans la plaine qui se prolonge depuis cette montagne jusqu'à Nigaous. Ils y demeurent sous la tente; ceux de la montagne paient l'im-pôt aux émirs de la tribu d'Aïad, lesquels prélèvent cette contribution pour le compte du gouvernement établi, celui de Bougie. Ceux de la plaine de Nigaous font partie de la population

concédée aux Arabes.

Un grand nombre de Righa s'est établi dans le pays qui sépare les bourgades du Zab d'avec le territoire de Ouargla. Ils Ꭹ ont bâti plusieurs villes, villages et bourgades sur le bord d'un tuisseau qui coule de l'Ouest à l'Est. Tous ces établissements sont entourés d'arbres; les bords du ruisseau sont couronnés de dattiers au milieu desquels circulent des caux courantes dont les sources ont embelli le Désert. La population de ces cosour est très-nombreuse. De nos jours, on appelle cette localité le Pays des Righa; en effet, ils y sont en majorité, mais on y rencontre aussi des Sindjas, des Beni-Ifren et d'autres peuplades zenatiennes. L'union de ces populations ayant été brisée par les efforts des unes à dominer les autres, il en est résulté que chaque fraction occupe une ou plusieurs bourgades et y maintient son indépendance. L'on rapporte qu'autrefois il y avait bien plus de monde qu'à présent et l'on attribue la ruine du pays à Ibn-Ghania qui, dans ses guerres avec les Almohades, avait fait des incursions dans toutes les provinces de l'Ifrîkïa et du Maghreb et qui avait dévasté ce territoire dont il abattitles arbres et combla les sources d'eau. Des villages en ruine, des débris d'édifices et

des troncs de dattiers renversés semblent encore attester la vérité de cette tradition '.

Dans les premiers temps de la dynastie hafside, le pays des Righa était placé sous l'autorité du chef almohade qui gouvernait le Zab. Ce fonctionnaire résidait tantôt à Biskera, tantôt à Maggara, et comptait les bourgades de Ouargla au nombre des locacalités qu'il administrait. Quant El-Mostancer [le souverain

Les remarques d'Ebn-Khaldoun sur l'Oued Righ sont d'une justesse et d'une exactitude remarquables.

Le ruisseau qu'il signale est formé par la portion de l'eau des puits artésiens que les irrigations n'ont pas absorbée. Ce ruisseau a été l'objet de quelques controverses, parce que ceux qui en niaient l'existence prenaient pour terme de comparaison nos rivières d'Europe auxquelles, assurément, on ne peut comparer celle-ci.

Mais il est très-certain, — et je l'ai observé sur place, qu'il existe une ligne de fond le long des plantations de palmiers de l'Oued Righ, ligne qui aboutit au grand Chot Melghir après avoir reçu de nombreux affluents que le trop plein des sources jaillissantes et les torrents qui viennent de l'Ouest lui apportent, les premiers, incessamment, et, les autres, dans les hivers pluvieux. Cette eau se voit rarement à la surface du sol, parce que celui-ci est sablonneux et se laisse pénétrer ; mais sa présence se trahit par l'espèce de liquidité du terrain, liquidité telle qu'en certains endroits appelés Bakhbakha ou bourbiers, il est très-dangereux de s'aventurer. Il y a certainement, à une asscz faible profondeur, une couche imperméable, l'argile dont le percement des puits artésiens a fait reconnaître la présence en couches puissantes dans toute cette région; l'eau coule dessus et ne se montre que rarement à la surface dans les endroits où des irrégularités du fond la rendent apparente.

En somme, l'Oued Righ mérite bien plus le nom de rivière (puisqu'après tout il y coule de l'eau toute l'année) que celle quantité d'oued du Sahara qui ne sont que des lignes de fond que les eaux pluviales humectent seules et à de longs intervalles.

Ce que dit Ebn-Khaldoun de la double population de ce pays est arrivé traditionnellement jusqu'à nos jours. Ainsi, à Tougourt, par exemple, les Beni-Mansour se considèrent comme les vrais Rouagha; et ils appellent étrangers les Mestaoua qui ne sont séparés d'eux que par la rue qui va de Bab-el-Khodra à Bab-ben-'abd-es-Selam. Ceci rend compte des discordes qui déchirent la contrée et qui se manifestent aujourd'hui comme il y a quatre siècles.

Les dévastations faites par Ebn-Ghania ont laissé des traces encore

hafside] tua de guet-apens les chefs des Douaouida, cette tribu se vengea par la mort d'Ibn-Attou, cheikh almohade qui gouvernait le Zab, et par la conquête des plaines de ce pays, du Righa et de Ouargla. Ensuite le gouvernement hafside leur concéda ces acquisitions à titre de fief. Plus tard, le seigneur de Bougie accorda le gouvernement de toutes ces contrées à Mansour-Ibn-Mozni, le même dont les descendants y exercent encore l'autorité. Le chef de cette famille se conforme, de temps en temps, à l'ancien usage et frappe une contribution extraordinaire sur les habitants de ces bourgades au nom du sultan. Il marche alors contre eux avec des fantassins zabiens et des cavaliers arabes; mais, pour obtenir le concours des Doua

visibles. Je citerai seulement et comme échantillon celles qui se rencontrent dans la partie septentrionale de l'Oued Righ.

Un peu à l'Est de la route orientale de Tougourt à Biskara, entre Tougourt et Meghïer, on trouve deux villes ruinées: Adama et Djedlaoun. Je les ai visitées toutes deux; je dois dire que les traces de la première ne m'ont guère paru visibles que dans la tradition. Il est vrai que le mode de construction des cités sahariennes (des briques séchées au soleil ou un mauvais pisé) ne permet pas que les ruines durent longtemps; une pluie abondante les a bientôt réduites en une boue qui se confond facilement avec le sol.

Mais Djedlaoun, bâti avec de grosses pierres gypseuses, montre encore ses murailles en talus auprès d'une belle fontaine d'où s'écoule un ruisseau affluent de l'Oued Righ. Le défunt cheikh de Tougourt m'a dit que cette bourgade avait été bâtie par les Beni-Mzab et dévastée, il y a plusieurs siècles, par des nomades. Des Achchan ou palmiers sauvages se montrent en cet endroit comme pour rappeler au voyageur que jadis la culture du dattier y prospérait.

J'ai remarqué dans beaucoup d'autres endroits ces traces d'antiques cultures; et la tradition locale indique sur un assez grand nombre d'autres points des villes et des villages dont il ne reste guère que le nom. En somme, l'impression générale qui reste après avoir visité cette zone méridionale de l'Algérie, c'est qu'elle a dû être jadis infiniment plus peuplée et mieux cultivée qu'aujourd'hui; et l'on n'est même pas très-éloigné d'admettre l'existence de cette grande quantité de villes et de bourgades que les anciens auteurs indigènes placent dans notre Sahara qui en compte av jourd'hui si peu et la plupart en état de grande décadence.

1 Voy. t. 1, p. 356.

A. BERBRUGGER.

ouida, il est obligé de leur laisser la moitié de la somme per

çue.

La plus grande de ces villes se nomme Tuggurt. Elle renferme une nombreuse population dont les habitudes se rapprochent de celles des nomades. Les eaux y abondent ainsi que les dattiers.

Le gouvernement de Tuggurt appartient à la famille de Youçof-Ibn-Obeid-Allah1. Ce fut d'abord Obeid-Allah, fils de Youçof, qui régna; son fils, Dawoud, lui succéda et, ensuite, Youçof, un autre de ses fils, exerça le pouvoir. Celui-ci enleva Ouargla à la domination d'un enfant nommé Abou-Bekr-Ibn-Mouça et l'incorpora dans ses états. Après sa mort, Masoud-Ibn-ObeidAllah, prit le commandement. L'autorité passa de Masoud à son fils Hacen, et, puis, au cheikh régnant, Ahmed, fils de Hacen. Les Beni-Youçof-Ibn-Obeid-Allah appartiennent à la tribu des Righa, ou, selon un on-dit, à celle des Sindjas.

Parmi les habitants de ces villes, on trouve des kharedjites, partagés en un grand nombre de sectes. Celle qui est en majorité professe les doctrines des Azzaba2, mais il y en a aussi qui sont nekkariens. Ils ont persisté dans ces croyances hérétiques parce que la position de leur pays les tient en dehors de l'autorité du magistrat.

Après Tuggurt, on rencontre Temacîn, ville qui lui est inférieure en étendue et en population. Elle est gouvernée par les Beni-Ibrahim, famille appartenant à la tribu des Rîgha.

Toutes les autres villes de cette région sont également indépendantes, et chacune d'elles est en guerre avec sa voisine.

Les Laghouat, autre branche de la tribu des Maghraoua, habitent cette partie du Désert qui sépare le Zab d'avec la montagne des Rached. Ils y possèdent une bourgade qui porte leur nom et dans laquelle une de leurs fractions mène une vie de privations, conséquence nécessaire d'une situation aussi avancée

* C'est à tort que le texte arabe imprimé porte Ald-Allah, 2 V. p. 203 de ce volume.

dans le Désert. Ils se sont fait remarquer par leur bravoure et par leur résistance à la domination des Arabes. On met deux jours 1 à se rendre de Laghouat à Ed-Doucen, sur la frontière du Zab. Leurs caravanes s'y rendent régulièrement, car c'est de là qu'ils tirent les commodités dont ils ont besoin.

Les Beni-Ouerra forment une branche de la tribu des Maghraoua ; quelques-uns disent, cependant, qu'ils appartiennent [bien] à la race zenatienne [mais qu'ils sont d'une autre famille que les Maghraoua]. Ils vivent disséminés dans divers endroits du Maghreb. Il s'en trouve dans les environs de Maroc, dans le Sous, dans le territoire de Chelif et dans la province de Constantine.

Depuis la chute des premières dynasties zenatiennes, ils n'ont jamais cessé d'être ce qu'ils sont maintenant, une population soumise à l'impôt et obligée au service militaire quand le gouvernement l'y appelle. Au commencement de ce huitième siècle, Youçof-Ibn-Yacoub, sultan des Beni-Merîn, déporta dans le territoire de [la ville de] Chelif les chefs et presque toutes les familles des Beni-Ouerra qui se tenaient dans les environs de

Maroc.

Soupçonnant leur fidélité et craignant les dévastations qu'ils pourraient commettre dans les alentours de sa capitale, il les fit escorter par un corps de troupes jusqu'à Chelif et les y établit comme garnison chargée de protéger cette frontière. Les Mérinides évacuèrent ce pays et rentrèrent chez eux, après la mort de Youçof-Ibn-Yacoub, mais les Beni-Ouerra restèrent là où on les avait postés, et leurs descendants s'y trouvent

encore.

Les diverses fractions de ce peuple vivent partout à peu près dans les mêmes circonstances: elles paient l'impôt et font le service militaire.

1 Six ou sept jours, au moins, pour une caravane ordinaire; mais un cavalier monté sur un chameau mehari pourrait, en effet, n'y mettre qu'un jour et demi ou deux jours.

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