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avec les troupes du sultan pour le mettre à la raison, il quitta Nefzaoua, l'an 404 (1013-4), entraîna daus sa fuite le reste des Zenata avec son collègue En-Naïm et alla rejoindre Ouerrou. Les deux frères prirent alors la résolution de se soutenir mutuellement et de mettre le siége devant Tripoli.

Les ravages commis par les Zenata pendant cette révolte irritèrent enfin le sultan à un tel degré qu'il fit mourir tous les otages que ce peuple lui avait remis. Par une triste fatalité, le même sort atteignit Mocatel-Ibn-Saîd qui, après avoir abandonné son frère Ouerrou, était venu avec ses enfants et plusieurs de ses parents afin d'offrir sa soumission. Tous ces malheureux furent mis à mort. Dès lors, Badîs ne s'occupa plus de Ouerrou à cause de la guerre qu'il avait à soutenir contre son oncle Hammad; et, quand il fut enfin rentré à Cairouan, après avoir enlevé Chelif à son adversaire, il reçut du chef zenatien uu acte de soumission.

Après la mort de Ouerrou, événement qui eut lieu en 405 (1014-5), son peuple, les Zenata, se partagea en deux partis dont l'un soutint les prétentions de Khalifa, fils de Ouerrou, et l'autre se déclara pour Khazroun, frère de Ouerrou. MohammedIbn-Hacen, gouverneur de Tripoli, travailla secrètement à entretenir cette mésintelligence et il y réussit si bien que Khalifa, auquel une grande partie des Zenata était venu se rallier, tomba sur les amis de Khazroun et s'empara de leur camp [GuitounZenata]. Par ce coup de main, Khalifa établit son autorité sur les Zenata tripolitains et parvint à remplacer son père. Il réussit ensuite à faire agréer sa soumission au sultan Badîs qui faisait, à cette époque, le siége de la Calâ-Beni-Hammad.

En l'an 406 (1045-6), eurent lieu la mort de Badîs et l'avènement de son fils El-Moëzz. Khalifa-Ibn-Ouerrou se révolta contre le nouveau souverain, et, jusqu'à l'an 413 (1022-3), il permit à son frère Hammad de faire des incursions dans les territoires de Cabes et de Tripoli. Abd-Allah-Ibn-Hacen, gouverneur de Tripoli, trahit alors ses devoirs et livra sa ville à Khalifa. En agissant ainsi, il céda au désir de venger son frère Mohammed, mis à mort par El-Moëzz-Ibn-Badîs. Ce souverain, en montant

sur le trône, avait nommé Abd-Allah-Ibn-Hacen au gouvernément de Tripoli, en remplacement de Mohammed qu'il fit venir à la cour. Pendant sept ans, celui-ci resta auprès d'El-Moëzz et dirigea l'administration de l'état en jouissant de la faveur du prince, mais il succomba enfin aux calomnies et aux intrigues de ses nombreux ennemis. Son frère en fut tellement indigné qu'il remit la ville de Tripoli à Khalifa-Ibn-Ouerrou. Tous les Sanhadja qui s'y trouvaient furent passés au fil de l'épée. Khalifa s'ins talla dans le palais d'Abd-Allah-Ibn-Hacen qu'il expulsa de la ville après avoir confisqué ses biens et saisi son harem. Ayant ainsi rétabli la domination de la famille Khazroun dans Tripoli, Khalifa s'adressa, en l'an 417 (1026), à Ed-Daher-Ibn-el-Hakem, khalife de l'Égypte, et obtint sa confirmation dans le gouvernement dont il s'était emparé. Il prit alors l'engagement d'y maintenir la souveraineté de ce prince, de pourvoir à la sûreté des routes et de fournir des escortes aux caravanes. La même année, il envoya son frère Hammad auprès d'El-Moëzz[, fils et successeur de Badîs,] avec un riche cadeau. Ce témoignage de respect fut bien reçu et mérita à son auteur un don tout aussi magnifique que le sien.

Ici finit le récit d'Ibn-er-Rakîk au sujet de la famille Khazroun; les renseignements qui suivent nous sont fournis par Ibn

Hammad et d'autres historiens.

Entre les années 430 et 440, les Zenata de la province de Tripoli marchèrent à la rencontre d'El-Moëzz qui s'avançait pour les attaquer, et mirent en déroute ses Sanhadjiens, tuèrent Abd-Allah, fils de Hammad[-Ibn-Bologguîn] et firent prisonnière Omm-el-Alou, sœur d'El-Moëzz et fille de Badîs. Ils renvoyèrent ensuite cette princesse à son frère, repoussèrent une seconde expédition sanhadjienne et, défaits par une troisième, ils cédèrent devant la puissance du sultan et conclurent avec lui un traité de paix.

Quant à Khazroun-Ibn-Said, il se rendit en Egypte à l'époque où son frère Ouerrou lui enleva le pouvoir. Il y eut pour logement le palais du khalife et ce fut là que ses enfants, El-Montecer et Said, passèrent leur jeunesse. Quand les troupes turques ex

pulsèrent les Maghrebins de ce pays à la suite d'une guerre entre les deux factions, les fils de Khazroun allèrent s'établir dans les environs de Tripoli. Plus tard, Safd parvint au commandement de cette ville et il conserva le pouvoir jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en l'an 429 (1037-8).

Abou-Mohammed-et-Tidjani dit dans son récit de voyage, en parlant de Tripoli : « En l'an 429, quand les Zoghba tuèrent » Saîd, fils de Khazroun, [un petit-fils de Ouerrou nommé] » Khazroun-Ibn-Khalifa quitta le Guîtoun[-Zenata] avec son >> peuple pour aller prendre le gouvernement de cette ville. » L'autorité lui fut remise par le président du conseil municipal, » Abou-'l-Hacen-Ibn-el-Monemmer, légiste qui s'était distingué >> par sa connaissance des règles à suivre dans le partage des » successions. Ayant reçu de ce docteur le serment de fidélité, » Khazroun resta dans Tripoli jusqu'au mois de Rebîâ premier » de l'an 430 (déc. 1038), quand il en sortit, sous un déguise»ment, pour échapper à [son parent] El-Montecer-Ibn-Khaz>> roun qui s'y était présenté à la téte d'une armée zenatienne. >> Celui-ci prit alors possession de Tripoli d'où il expulsa Ibn>> en-Monemmer, et il y commanda très-longtemps. »

Ces renseignements présentent une grave difficulté : les Zoghba, peuple arabe hilalien, n'entrèrent en Ifrikïa qu'après l'an 440; donc, ils ne pouvaient pas se trouver à Tripoli en 429, à moins de supposer qu'une fraction de leur tribu fût arrivée antérieurement dans ce pays. Les Beni-Corra, tribu hilalienne, étaient alors à Barca, et peut-être [le khalife égyptien] El-Hakem les aura-t-il envoyés en Ifrîkïa avec Yahya-Ibn-AliIbn-Hamdoun; mais ce serait là un événement inconnu à tous nos historiens.

Dès lors, Tripoli resta sous l'autorité de cette famille zenatienne, les Beni-Khazroun; mais, quand les Arabes bilaliens

Ceci eut probablement lieu sous le règne d'Ed-Daher, fils d'ElHakem, lequel, dit El-Macrîzi (t. п, p. 16, éd. de Boulac), accorda sa faveur aux Turcs et détruisit complètement l'influence des Kelama (Maghrebins).

eurent envahi l'Ifrikïa pour se partager les états d'El-MoëzzIbn-Badîs, la province de Tripoli et la ville de Cabes échurent aux Zoghba. La ville de Tripoli resta toutefois aux Beni-Khazroun, même après que les Zoghba se laissèrent expulser des campagnes de l'Ifrikïa par les Arabes de la tribu de Soleim.

Quand les Beni-Adi, tribu hilalienne, firent irruption dans les états du souverain hammadite, El-Montecer - Ibn - Khazroun marcha avec eux et occupa les villes d'El-Mecîla et d'Achîr '; ensuite, il se jeta dans le Désert pour échapper à En-Nacer qui s'était mis à la poursuite des envahisseurs. Ce prince, ne les ayant pas atteints, rentra dans la Calâ-Beni-Hammad, et, voyant se renouveler leurs incursions, il fit la paix avec El-Montecer en lui concédant les campagnes du Righa et du Zab. Il recommanda toutefois au gouverneur de Biskera, Arous-Ibn-Sindi, de le débarasser d'un chef aussi incommode, et ce bon serviteur fit assassiner El-Montecer après l'avoir accueilli chez lui. Cela eut lieu entre les années 460 et 470 (1067-78).

Un autre membre de la famille Khazroun, duquel je ne me rappelle pas le nom, prit alors le commandement de Tripoli. La possession de cette ville leur resta, même après la chute de l'empire sanhadjien; mais, en l'an 540 (1145-6), quand les habitants se décidèrent à émigrer pour échapper à la famine qui les moissonnait, la puissance des Beni-Khazroun en fut tellement ébranlée que Lodjar (Roger), roi chrétien de la Sicile, découvrit la faiblesse de leurs moyens de défense et fit bloquer la forteresse par ses navires. Déjà les villes d'El-Mehdïa et de Sfax étaient tombées en son pouvoir et avaient reçu des gouverneurs choisis par lui-même, quand George, fils de Michel, et commandant de la flotte chrétienne, profita des dissensions du peuple de Tripoli pour se rendre maître de leur ville, en expulser les Khazroun et y établir comme gouverneur Abou-Yahya - Ibn - Matrouh-etTemîmi, qui en était alors le principal cheikh.

Ainsi tomba la famille Khazroun; mais une partie de ses membres resta dans les campagnes de Tripoli jusqu'à la conquête de

1 Voy. t. 1, p. 49.

l'Ifrikïa par les Almohades. Les musulmans se souleverent alors contre les chrétiens et les chassèrent du pays, ainsi que nous l'avons raconté à la suite de notre chapitre sur l'empire des Sanhadja 1.

NOTICE DES BENI-YALA, BRANCHE DE LA FAMILLE KHAZER QUI RÉGNA DANS TLEMCEN.

Dans le chapitre sur Mohammed-Ibn-Khazer et ses descendants, nous avons dit que Mohammed-Ibn-el-Kheir [petit-fils de ce chef] mourut de sa propre main, en voyant la défaite de ses partisans par Bologguin, et que ses fils, El-Kheir et Yala, vengeraient sa mort en tuant Zîri, père de Bologguîn. Celui-ci les chassa dans le Maghreb-el-Acsa et, plus tard que l'an 360 (970), il fit mourir El-Kheir de sang-froid. Cela se passa dans le territoire de Sidjilmessa, quelque temps avant le départ d'El-MoëzzMådd pour le Caire et antérieurement à la nomination de Bologguin comme vice-roi de l'Ifrîkïa. Mohammed, fils d'El-Kheir [2° chef de ce nom] et son oncle, Yala-Ibn-Mohammed, prirent alors le commandement des Zenata. Ces deux émirs traversèrent le Détroit à plusieurs reprises pour offrir leurs respects à El-Mansour-Ibn-Abi-Amer et se laissèrent enfin enlever le commandement des Maghraoua par Mocatel et Zîri, fils d'Atïa-Ibn-AbdAllah-Ibn-Khazer. Après la mort de Mocatel, [le régent de l'Espagne] El-Mansour choisit Ziri-Ibn-Atïa pour gouverner le Maghreb, ainsi que nous l'avons dit. Vers la même époque, eurent lieu la mort de Bologguîn et la révolte d'Abou-'l Behar-IbnZiri [le sanhadjien], gouverneur du Maghreb central, contre Badîs, seigneur de l'Ifrikïa. Nous avons parlé de la conduite

1 Voy. t. I, p. 39, et l'Appendice n° v du nême volume.

2 En l'an 361. Voy. pp. 235, 236.

3 On lit dans le texte arabe Mohammed; mauvaise leçon. Voy. p 238 de ce volume.

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