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d'une robe d'honneur, le maria avec une de ses filles et le congédia avec une gratification qui se composait de trente charges d'or, de trente ballots d'habits, de plusieurs chevaux portant des selles richement brodées et de dix drapeaux ornés de dorures. En l'an 385 (995), quand El-Mansour-Ibn-Bologguîn mourut, son fils et successeur, Badis, confirma Felfoul dans le gouvernement de Tobna.

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Nous avons déjà parlé de la révolte de Zîri-Ibn-Atĩa contre El-Mansour-Ibn-Abi-Amer et mentionné que ce ministre plaça son fils, El-Modaffer, à la tête d'une armée et l'envoya contre le rebelle. Ziri fut vaincu, perdit ses états et chercha un refuge dans le Désert. Plus tard, il envahit le Maghreb central, insulta les frontières sanhadjiennes et mit le siége devant Téhert, ville où Itouweft, fils de Bologguîn, exerçait le commandement. Hammad-Ibn-Bologguîn sortit d'Achir et conduisit au secours de son frère un corps de troupes composé de Tologgana 2. Se conformant alors aux ordres de Badis-Ibn-Mansour, son souverain, il opéra sa jonction avec Mohammed - Ibn - Abi - 'lArab, général en chef des Sanhadja, lequel était parti de Cairouan à la tête d'une armée pour dégager Itouweft. Zîri marcha au devant des deux chefs, mit leurs troupes en déroute, s'empara de leur camp et alluma une guerre qui embrasa l'Ifrikïa.

Badis rentra alors en campagne et, sorti de Raccada avec son armée, il passa anprès de Tobna et invita Felfoul à lui amener des renforts; mais ce chef s'en excusa à cause de la violente animosité que les Sanhadja montraient contre les tribus zenatiennes de l'Ifrîkïa. Il demanda, en même temps, à être confirmé dans son commandement et à y rester jusqu'au retour du souverain. Bien que cette faveur lui fût accordée, ses soupçons et les appréhensions de ses Maghraouiens augmentèrent à un tel point qu'ils évacuèrent Tobna. Quand Badis s'en fut éloigné, ils y rentrèrent

1 Voy. ci-devant, p. 244.

2 Comme il s'agit ici de la tribu sanhadjienne descendue de Tiklat, il faut probablement lire Tokollata ou Tiklaia.

de nouveau, et Felfoul, s'étant mis à ravager les contrées voisines, dévasta les environs de Tidjès et investit la ville de Baghaïa.

Zîri se jeta dans le Désert en apprenant que Badîs était arrivé à Achîr; aussi ce prince reprit le chemin de l'Ifrîkïa, après avoir accordé à son oncle, Itouweft, les gouvernements réunis de Téhert et d'Achir. En passant par El-Mecila, il reçut la nouvelle que ses oncles, Makcen. Zaoui, Arem et Maghnîn, s'étaient révoltés contre lui, et il apprit qu'Abou-'l-Behar, craignant sa colère, s'était enfui du camp pour aller les joindre. Il envoya aussitôt contre eux son oncle, Hammad-Ibn-Bologguîn, et partit pour rejoindre le corps d'armée qu'il avait expédié contre Felfoul-Ibn-Said. Ce chef venait de mettre le siége devant Baghaïa, après avoir mis en déroute un corps de troupes sanhadjiennes et tué leur chef, Abou-Zâïl. A l'approche de Badîs, il se retira du côté de Mermadjenna, sans pouvoir cependant échapper à l'activité de son adversaire. Dans la bataille qui s'ensuivit ses bandes zenatiennes et berbères furent dispersées et il dut se réfugier lui-même dans la montagne d'El-Hannach, après avoir abandonné ses tentes et ses bagages. Une dépêche de Badîs, renfermant la nouvelle de cette victoire, vint rassurer les habitants de Cairouan, qui avaient été effrayés par les bruits les plus alarmants et dont un grand nombre s'étaient transportés à ElMehdia. L'on y avait même commencé à barricader les rues, par suite de l'épouvante que la mort de Zâïl et la défaite des Sanhadja avaient inspirée.

Ce fut vers la fin de l'an 389 (fin de 999) que Badîs remporta sur Felfoul cet avantage. Rentré à Cairouan, il apprit que ses oncles, les fils de Ziri - Ibn - Menad, avaient formé une alliance avec Felfoul, réuni leurs forces aux siennes et commencé le siége de Tebessa. Il s'empressa de marcher contre eux et, par cette démonstration, il les obligea à se disperser. Les révoltés

Voy. t. 1, p. 46.

2 Pour nezel (s'établir dans), il faut sans doute lire nazel (assiéger).

cherchèrent un refuge auprès de Ziri-Ibn-Atïa, mais Makcen et son fils Mohcen restèrent avec Felfoul. Ce chet passa dans le Désert, l'an 394, au moment où Badîs, qui le poursuivait, était parvenu à Biskera.

Pendant ces troubles, Zîri-Ibn-Atïa avait tenu Achîr étroitement bloqué et, quand il leva enfin le siége, il perdit l'appui d'Abou-l-Behar qui alla rejoindre Badîs et rentrer avec lui dans Cairouan.

Felfoul-Ibn-Said avança alors jusqu'aux environs de Cabes, rassembla sous ses drapeaux les peuplades zenatiennes de cette localité et du territoire de Tripoli, ville dont il parvint ensuite à s'emparer. L'occupation de Tripoli eut lieu sous les circonstances suivantes : cette forteresse et les contrées voisines avaient formé un des gouvernements de l'empire égyptien; quand ElMoëzz, le fatemide, partit pour le Caire, il y laissa comme commandant un officier ketamien nommé Abd-Allah-Ibn-Yakhlof. Après la mort d'El-Moëzz, Bologguîn-Ibn-Ziri obtint d'AzîzNizar, le nouveau khalife, l'autorisation d'incorporer Tripoli dans ses états et il y envoya en qualité de gouverneur TemsoultIbn-Bekkar, affranchi qu'il aimait beaucoup et qui exerçait à cette époque le commandement de Bône. Temsoult conserva le gouvernement de Tripoli pendant une vingtaine d'années; mais, s'étant aperçu que, sous le règne de Badîs, on ne lui témoignait plus la même considération qu'autrefois, il fit demander à ElHakem, souverain de l'Egypte, la permission d'aller s'établir au Caire et de lui remettre la ville de Tripoli. Or, Berdjouan l'eselavon jouissait alors d'une grande influence à la cour d'Egypte et, comme il craignait la rivalité d'un autre esclavon nommé Yanès, il lui avait fait donner le gouvernement de Barca afin de le tenir éloigné de la capitale. Profitant ensuite des demandes répétées que Temsoult faisait parvenir au Caire, il conseilla à El-Hakem d'envoyer Yanès à Tripoli. Le khalife approuva cet avis et transmit à Yanès sa nomination au gouvernement de cette place, avec l'ordre de s'y transporter sur le champ. Yanès arriva à sa destination l'an 390 (1000), et Temsoult partit pour l'Egypte. A la première nouvelle de cet arrangement, Badîs or

donna à son général, Djâfer-Ibn-Habîb, d'emmener un corps de troupes et d'empêcher Yanès d'entrer dans la ville. Celui-ci livra bataille au chef sanhadjien, essuya une défaite et perdit la vie. Fotouh - Ibn-Ali, un de ses officiers, courut s'enfermer dans Tripoli. Djâfer y mit le siége, mais, au bout de quelque temps, il reçut une lettre par laquelle Youçof-Ibn-Amer, gouverneur de Cabes, lui annonçait que Felfoul-Ibn-Saîd était campé auprès de cette ville et qu'il avait l'intention de marcher sur Tripoli. Djåfer se dirigea aussitôt vers les montagnes [pour s'y réfugier] et laissa Felfoul occuper les positions qu'il venait d'abandonner. Les souffrances que ses troupes enrent à éprouver dans leur lieu de retraite devinrent si grandes qu'il prit enfin la résolution de risquer une bataille afin de gagner Cabes. Felfoul s'écarta de la route pour le laisser passer, et, arrivé à Tripoli, où il fut parfaitement accueilli par les habitants, il décida Fotouh-Ibn-Ali à lui céder le commandement. Devenu maître de la ville et de la province de Tripoli, en l'an 391 (1004), il fit porter aussitôt à El-Hakem l'assurance de son dévouement, et ce monarque envoya Yahya - Ibn-Ali - Ibn-Hamdoun pour prendre le commandement des gouvernements réunis de Tripoli et de Cabes. Yahya entreprit de réduire cette dernière ville avec l'aide des troupes zenatiennes sous les ordres de Felfoul et de Fotouh-IbnAli-Ibn-Ghafyanan, mais, après l'avoir assiégé pendant quelque temps, il décampa et prit la route de Tripoli, d'où il partit ensuite pour l'Egypte.

Resté en possession de Tripoli, Felfoul eut à soutenir une longue guerre contre Badîs et, comme il avait perdu tout espoir d'être secouru par le gouvernement égyptien, il fit porter ses hommages à El-Mehdi-Mohammed-Ibn-Abd-el-Djebbar, souverain de Cordoue, en le priant de lui venir en aide. Il mourut en l'an 400 (1009-1010), quelque temps avant le retour de ses ambassadeurs.

Les Zenata se rallièrent alors autour de son frère, OuerrouIbn-Said. Ce chef, ayant appris que Badîs marchait sur Tripoli, s'enfuit avec ses zenatiens, et la milice, qu'il n'avait pas pu emmener, sortit au-devant du prince sanhadjien, le fit entrer dans

la ville et le conduisit au palais. Ouerrou envoya alors à Badis une demande de grâce. La députation chargée de présenter cette supplique rencontra Mohammed-Ibn-Hacen, officier de confiance que Badîs avait expédié au-devant d'elle avec un sauf-conduit et fut présentée par lui au prince. En réponse à sa prière, elle reçut une amnistie générale avec la nomination de Ouerrou au gouvernement de Nefzaoua et celle d'En- Naïm-Ibn-Kennoun [émir zenatien] au gouvernement de Castilia, à la condition toutefois que ces deux chefs et leurs partisans évacueraient la province de Tripoli. Badîs repartit alors pour Cairouan et laissa le commandement de Tripoli à Mohammed-Ibn-Hacen. Ouerrou alla s'établir à Nefzaoua et En-Naïm à Castilia.

En l'an 401 (1010-1), Ouerrou répudia l'autorité de Badîs, se jeta dans les montagnes habitées par les Aïth-Demmer et forma avec eux une alliance contre Badîs. En-Naïm s'empara alors de Nefzaoua et ajouta ce pays à ses états. En 402 (1011), Khazroun, fils de Saîd, abandonna son frère Ouerrou et se rendit à Cairouan, auprès du sultan Badis dont il reçut un bon accueil, un beau cadeau et le gouvernement de Nefzaoua. Les BeniMedjlia, famille qui suivait sa fortune, obtinrent le gouvernement de Cafsa, et les Zenata [de son parti] furent mis en possession de tous les villages de l'eau (Moden-el-Ma]. Bientôt après, Mohammed - Ibn-Hacen, gouverneur de Tripoli, sortit contre Ouerrou qui approchait avec ses partisans zenatiens pour attaquer la ville, et, après un combat dans lequel beaucoup de ceux-ci succombèrent, il força le reste à prendre la fuite. Plus tard, Ouerrou renouvella sa tentative; et il avait déjà formé le siége de Tripoli, quand son frère Khazroun et En-Naïm-IbnKennoun, émirs du Djerîd, recurent de Badîs l'ordre de marcher contre lui. Les deux armées se rencontrèrent à Sabra, entre Tripoli et Cabes; mais au lieu de se battre, elles se mirent d'accord, et Khazroun, voyant passer ses troupes du côté de Ouerrou, rentra dans son gouvernement. Le sultan crut qu'il y avait collusion entre les deux frères et fit porter à Khazroun l'ordre de venir le trouver. Le Maghraouien y soupçonna un piége et refusa d'obéir; puis, ayant su que Fotouh-Ibn-Ahmed venait

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