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sour écrivit alors à son gouverneur pour le Maghreb, le vizir Ibn-Abd-el-Quédoud, lui prescrivant de rompre avec Yeddou et de fournir à Zîri, l'ennemi de ce chef, tout ce qu'il lui faudrait pour le combattre. En l'an 381 (991-2), le vizir et Zîri réunirent leurs troupes, livrèrent bataille au rebelle et essuyèrent une défaite; leur armée fut taillée en pièces et le vizir fut atteint d'une blessure dont il mourut. El-Mansour éprouva un vif chagrin à la réception de cette nouvelle et, plein d'inquiétude sur l'avenir du Maghreb, il envoya à Zîri-Ibn Atïa un brevet qui l'autorisait à prendre en main les affaires de ce pays et à enrôler sous son drapeau les milices de l'empire et les gens d'Ibn-Abd-el-Ouédoud, Ziri se chargea de cette commission difficile et déploya une grande habileté dans la défense du territoire qui formait son gouvernement.

La puissance de Yeddou-Ibn-Yala et des Beni-Ifren s'accrut enfin à un tel point qu'ils tinrent tête à Zîri-Ibn-Atïa et lui firent sentir de près le feu de la guerre. Une série de combats se livra dans lesquels chaque parti remporta alternativement la victoire. Les habitants de Fez eurent le malheur de voir leur ville prise et reprise et leurs campagnes ruinées par des invasions successives. Dieu vint enfin au secours de Zîri et des Maghraoua en leur envoyant Abou-'l-Behar, fils de Ziri-Ibn-Menad.

Ce prince abandonna la cause des Fatemides pour celle des Oméïades, après s'être révolté contre son neveu, El-MansourIbn-Bologguîn-Ibn-Ziri, seigneur de Cairouan et de l'Ifrikïa. Son exemple fut imité par Khalouf-Ibn-Abi-Bekr, gouverneur de Téhert [pour les Fatemides] et par Atia, frère de Khalouf, qui eurent pour motiver leur défection la parenté que des mariages avaient établie entre leur famille et celle de Zîri-Ibn-Atïa. Aidés par Abou-'i-Behar, ces deux chefs détachèrent de l'empire fatemide toutes les provinces du Maghreb central, depuis le Zab et le Quancherich jusqu'à Oran, et il firent célébrer la prière, dans

↑ Dans le texte arabe, il faut lire, avec les manuscrits, ibn-akhihi (le fils de son frère)

toutes leurs mosquées, au nom du khalife oméïade, Hicham-elMouwaïed. Abou-'l-Behar envoya alors en Espagne son neveu, Abou-Bekr, fils de Habbous-Ibn-Zîri, accompagné de plusieurs autres membres de sa famille et de quelques chefs sanhadjiens, pour complimenter El-Mansour. Cette députation y fut accueillie avec les honneurs militaires, et tous les membres dont elles se composa obtinrent de riches cadeaux du ministre espagnol. Quand Abou-Bekr se présenta pour prendre congé, El-Mansour lui remit cinq cents pièces de soie de divers genres, plusieurs esclaves, des vases et des parures pour la valeur de dix mille pièces d'argent et une somme de vingt cinq mille pièces d'or, en le chargeant de tout remettre à Abou- 'l-Behar. Il fit aussi engager celui-ci à soutenir Zîri - Ibn- Atia contre YeddouIbn-Yala, et il partagea d'une manière si égale le gouvernement du Maghreb entre ces deux chefs què chacun d'eux obtint l'un des deux quartiers qui composent la ville de Fez.

Cette coalition ne donna aucun souci à Yeddou et ne le détourna nullement de sa carrière de désordre: il continua, comme auparavant, à piller les villes, à dévaster les campagnes et à hriser, par sa rebellion, l'unité de l'état.

Khalouf, fils d'Abou-Bekr ne tarda pas à quitter le parti d'ElMansour[-Ibn-Abi-Amer] pour s'attacher de nouveau à celui d'El-Mansour - Ibn - Bologguîn. Le zèle d'Abou-'l- Behar sø refroidit quand on l'invita à combattre ce chef dont il était le parent; mais Zîri, voyant qu'il ne bougeait pas, marcha luimême contre Khalouf et, dans le mois de Ramadan 381 (novembre-déc. 991), il tomba sur lui, le tua ainsi qu'un grand nombre de ses partisans, s'empara de leur camp et rallia sous son drapeau la majeure partie des survivants. Atïa, frère de Khalouf, courut se jeter dans le Désert. A la suite de cette victoire, Zîri marcha contre les bandes de Yeddou-Ibn-Yala et les mit en déroute après leur avoir tué trois mille hommes. Le camp de Yeddou, son harem, dans lequel se trouvait sa mère et sa sœur, tombèrent au pouvoir de Ziri, et les débris de son armée se rangèrent du côté de ce chef. Pour échapper aux vainqueurs, Yeddou se jeta dans le Désert où il resta jusqu'à ce qu'il fut as

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sassiné par son cousin, Abou-Yeddas-Ibn-Dounas, ainsi que nous l'avons déjà mentionné. La nouvelle de ces deux victoires consécutives donna la plus vive satisfaction à Ibn-Abi-Amer.

Un autre récit nous présente ces événements d'une manière différente et place la mort de Yeddou à l'époque où Ziri rentra en Afrique, après avoir fait sa visite à El-Mansour. Yeddou, diton, avait profité du voyage de Zîri en Espagne pour lui enlever la ville de Fez et y tuer un grand nombre de Maghraoua. Zîri, étant de retour, y assiégea son adversaire pendant quelque temps et emporta enfin la place d'assaut. Beaucoup de monde périt des deux côtés et Yeddou lui-même perdit la vie. Sa tête fut envoyée par Zîri au seuil du khalifat, à Cordoue.

Je dois faire observer que l'auteur de ce récit place dans une même année, 383 (993), la visite de Zîri à El-Mansour et la mort de Yeddou. Dieu sait s'il a raison!

Plus tard, la mésintelligence éclata entre Zîri et Abou-'l-Behar; un conflit eut lieu qui amena la défaite de celui-ci et son départ pour Ceuta d'où il prétendit vouloir passer en Espagne afin de se présenter devant El-Mansour. Ce ministre s'empressa d'envoyer au-devant du chef sanhadjien une escorte de troupes sous la conduite d'Eïça-Ibn-Saîd-Ibn-el-Catta, secrétaire d'état ; mais le fugitif, au lieu de les attendre, s'écarta du chemin et monta au château des Djeraoua. Il avait même eu la précaution de faire partir pour Cairouan quelques amis qui devaient intercéder pour lui auprès d'El-Mansour-Ibn-Bologguin, et amener une réconciliation entr'eux. Bientôt après, il alla joindre ce prince dont il était l'oncle et reçut de lui l'autorisation de reprendre son ancien gouvernement. De cette façon, il rentra sous l'autorité du gouvernement chîite et répudia celle des Oméïades.

El-Mansour-Ibn-Abi-Amer plaça alors tous les états du Maghreb sous le commandement de Zîri-Ibn-Atïa, le seul de tous les princes africains auquel il crut pouvoir confier la défense du

1 Notre auteur se trompe : ce fut Habbous, neveu de Yeddou, auquel Abou-Yeddas ôta la vie. - Voy. ci-devant, p. 221.

pays et le maintien de la domination oméïade. Il le chargea aussi de combattre le traître Abou- 'l- Behar. Pour se conformer à cet ordre, Zîri se mit en marche, avec une foule de tribus, tant zenaliennes que berbères, et contraignit le chef sanhadjien à s'enfuir jusqu'à Cairouan. Devenu maître de Tlemcen et de tous les autres états d'Abou-'l-Behar, il s'acquit une grande puissance et étendit son autorité depuis le Maghreb-el-Acsa jusqu'au Zab. La dépêche par laquelle il fit part de son succès à Ibn-Abi-Amer fut accompagnée d'un cadeau ainsi composé : deux cents chevaux de race; cinquante chameaux mehari d'une vitesse extraordinaire; mille boucliers en peau de lamt, plusieurs faisceaux d'arcs en bois de zan3; quelques civettes, une giraffe, quelques lamt et plusieurs autres animaux sauvages du Désert; mille charges de dattes; plusieurs charges d'étoffes en laine fine. Le ministre répondit à ce témoignage de respect en confirmant Zîri dans le gouvernement du Maghreb, par un acte en date de l'an 384 (991-2). Il autorisa aussi les nomades de la tribu de Zîri à camper

dans les environs de Fez.

Devenu tout puissant en Maghreb, Zîri expulsa les Ifrenîdes de Fez et les rejeta dans le territoire de Salé. En l'an 384 (994), il fonda la ville d'Oudjda, y établit son armée et les troupes de sa maison, avec un de ses parents pour gouverneur, et, voulant en faire un lieu de retraite en cas de revers, il y fit porter tous ses trésors. Dès lors, Oudjda forma le boulevard de la frontière qui sépare le Maghreb central du Maghreb-el-Acsa.

En l'an 386 (996), il encourut le mécontentement d'El-MansourIbn-Abi-Amer en laissant paraître l'indignation que lui inspira la position du khalife Hicham, réduit à subir la domination de son ministre. Ce fut en vain qu'El-Mansour essaya de lui faire

1 Voy. pour le Mehari les Chevaux du Sahara et le Grand Désert de M. le géneral Daumas.

• Espèce de bubale dont on trouvera la description dans Léon et Dapper. Voy. aussi Marmol, t. 1, p. 52.

3 Le zan est une espèce de chêne bien connue en Algérie.

éprouver des humiliations; ses tentatives n'aboutirent qu'à irriter la fierté d'un chef incapable de supporter une injure. Son secrétaire, Ibn-el-Catta, ne pouvant obtenir de Zîri le renvoi de l'armée [à Ceuta], se fit livrer la forteresse de Hadjr-en-Nesr par l'officier qui y commandait. Cet homme fut envoyé par lui à la capitale [Cordoue] et reçut d'El-Mansour une forte gratification avec le titre d'En-Naseh (le fidèle). Ziri leva alors la masque toutà-fait en se déclarant l'ennemi d'El-Mansour et le partisan de Hicham-el-Mowaïed dont la réclusion et l'avilissement avaient excité sa commisération. El-Mansour, de son coté, céda aux mou. vements de la colère: il supprima le traitement que Zîri touchait comme vizir; il raya de la liste des vizirs le nom de ce chef; il le mit hors la loi et fit choix de l'affranchi Ouadeh pour gouverner le Maghreb et combattre le rebelle. Une troupe d'élite, composée de guerriers choisis dans tous les corps de l'armée et parfaitement équipés, fut mise à la disposition de cet officier, ainsi qu'une forte somme d'argent pour frais de guerre, avec grande provision d'arcs et d'autres armes. Parmi les princes africains qui se trouvaient à Cordoue et qui reçurent l'ordre de partir pour l'Afrique avec Ouadeh, on remarqua Mohammed-Ibn-elKheir, petit-fils de Mohammed-Ibn-el-Kheir, Zîri-Ibn-Khazer, Bekças-Ibn-Séïd-en-Nas, neveu des précédents, Noubakht-IbnAbd-Allah-Ibn-Bekkar l'ifrenîde, Ismaïl-Ibn-el-Bouri et Mohammed-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Medyen, chefs miknaciens, et Khazroun-Ibn-Mohammed l'azdadjien. Les principaux officiers de la milice eurent aussi l'ordre de prendre part à cette expédition.

En l'an 387 (997), Ouadeh quitta la capitale à la tête de son armée et aborda à Tanger, d'où il alla camper sur le bord du Redat. Zîri-Ibn-Atïa parut alors sur l'autre bord avec tous les guerriers de sa tribu. Trois mois après le commencement des hostilités, Ouadeh fit arrêter les chefs des Beni-Berzal, dont il soupçonna la fidélité, et les envoya à Cordoue, en priant El-Mansour de les punir. Ce ministre leur adressa une reprimande sévère, mais, ayant entendu leur justification, il les traita avec indulgence et leur donna une autre destination. Ouadeh s'empara ensuite d'Azîla et de Nokour; puis, à la suite de plusieurs com

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