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En l'an 364 (971-2), Bologguîn, fils de Zîrı, reçut d'El-Moëzz l'ordre de faire la guerre aux Zenata et, s'étant fait donner des hommes et de l'argent, il partit pour le Maghreb avec l'autorisation de garder toutes les provinces qu'il pourrait y conquérir. Ayant fait proclamer qu'aucun quartier ne serait donné à l'ennemi, il parcourut [d'abord] les dépendances de Tobna, de Baghaïa, d'El-Mecîla et de Biskera, afin d'en expulser les Zenata. Arrivé à Téhert, il réussit à faire disparaître du Maghreb central les derniers restes de la puissance zenatienne, et, pénétrant alors dans le Maghreb-el-Acsa, il poursuivit El-Kheir-IbnMohammed et les Maghraoua jusqu'à Sidjilmessa. Les ayant enfin atteints, il les châtia si durement qu'ils se dispersèrent de tous les côtés. El-Kheir tomba au pouvoir du vainqueur et fut mis à mort après la victoire. La réduction du Maghreb accomplie, Bologguîn rebroussa chemin et, pendant qu'il traversait le Maghreb central, il porta le massacre au milieu des Zenata nomades et de leurs alliés, habitants des cabanes de broussailles. Ce fut alors qu'il prononça la peine de mort contre tout Berbère qui élèverait des chevaux et qui s'en servirait pour montures.

Les Zenata évacuèrent le Maghreb central, traversèrent le Molouïa et restèrent dans le Maghreb-el-Acsa jusqu'à ce que la famille de Yala-Ibn-Mohammed s'empara de Tlemcen. Les Beni-Khazroun établirent ensuite leur domination dans Sidjilmessa et dans Tripoli, pendant que Fez passa sous l'autorité des Beni-Ziri-Ibn-Atïa. Nous allons maintenant raconter l'histoire de ces familles.

HISTOIRE DE LA FAMILLE DE ZÎRI-IBN-ATÏA, PRINCES DE FEZ, ET DE L'EMPIRE QU'ELLE FONDA DANS LE MAGHREB-el-acsa.

Zîri-Ibn-Atïa, chef de la famille des Khazer et héritier de leur principauté nomade, fonda un royaume dans le Maghreb-el-Acsa et prit la ville de Fez pour siége d'un empire qui resta dans sa postérité jusqu'à l'arrivée des Almoravides. Il était fils d'Atïa, fils d'Abd-Allah, fils de Khazer. Son grand-père, surnommé

Ibn-Tebadelt, du nom de sa mère, avait trois frères, dont let premier, Mohammed- Ibn - Khazer, mourut à Cairouan1, après s'être d'abord distingué comme partisan d'En-Nacer l'oméïade. Måbed, le second frère, fut mis à mort par Ismaïl[-el-Mansour, le khalife fatemide,] et Felfoul, le troisième, abandonna son frère Mohammed pour embrasser la cause des Fatemides.

Selon un autre récit, Abd-Allah était fils de Mohammed-IbnKhazer et frère de Hamza-Ibn-Mohammed, le même qui fut tué dans la guerre avec Meiçour, un peu avant la prise de Téhert.

El-Kheir, fils de Mohammed, fut mis à mort par Bologguîn, en l'an 361 (971-2)3, et, à la suite de cet événement, les Zenata abandonnèrent aux Sanhadja tout le Maghreb central et passèrent dans le Maghreb-el-Acsa, au-delà du Molouïa. Les Maghraoua se rallièrent alors autour des survivants de la famille Khazer, et eurent pour émirs Mohammed, fils d'El-Kheir, et les deux frères Mocatel et Zîri, fils d'Abd-Allah, fils de Khazroun, fils de Felfoul.

En l'an 369 (979-80), Bologguîn-Ibn-Ziri, gouverneur de l'Ifrikia, entreprit sa grande expédition dans le Maghreb-el-Acsa. Les princes zenatiens, tels que les Beni-Khazer et les BeniMohammed-Ibn-Saleh, s'enfuirent devant lui pour chercher une asile dans Ceuta, et Mohammed-Ibn-el-Kheir traversa le Détroit pour invoquer l'appui d'Ibn -Abi-Amer-el-Mansour. Ce ministre accueillit sa prière, mena en personne son armée jusqu'à Algésiras et confia à Djâfer-Ibn-Ali le commandement des troupes qui devaient combattre Bologguîn. Il mit aussi cent charges d'or à la disposition de ce général qui, ayant traversé le Détroit, rallia les princes zenatiens autour de lui et disposa ses forces en ordre de bataille, sous les murs de Ceuta. Bologguin examina cette armée du haut de la montagne de Tétouan, reconnut l'im

↑ Dans le texte arabe, lisez halek bil-Cairouan, à la place de melekel-Bairouan. - Voy, ensuite p. 233 de ce volume.

2 Voy. p. 232 de ce volume.

3 Voy., ci-dessus, p. 235.

possibilité de l'entamer et s'en alla faire la guerre sainte aux Berghouata. Il mourut en l'an 372 (982-3)', pendant qu'il était en marche pour rentrer dans son pays. Djâfer reprit le chemin de Cordoue et, dès lors, il partagea avec El-Mansour le fardeau du gouvernement.

El-Mansour-Ibn-Abi- Amer cessa alors de maintenir une administration oméiade en Maghreb et se borna à l'occupation do Ceuta, laissant aux princes zenatiens le soin d'expulser de ce pa ys les troupes sanhadjiennes et les partisans des Fatemides. Il continua de mettre ainsi leur dévouement à l'épreuve jusqu'à l'époque où El-Hacen-Ibn-Kennoun reparut en Maghreb. Ce prince idricide, ayant reçu d'El-Azîz-Nizar l'autorisation de quitter l'Egypte et de faire une tentative contre le Maghreb, avait obtenu de Bologguîn, peu de temps avant la mort de cet émir, le secours d'un corps de troupes sanhadjiennes ; puis, à la suite d'un appel qu'il fit à ses partisans maghrebins, il était parvenu à gagner l'appui de Yeddou-Ibn-Yala l'ifrenide, de Ziri, frère de Yeddou, et d'Abou-Yeddas, son cousin. Ces chefs lui amenèrent tous les Ifrenides qu'ils avaient sous leurs ordres.

Ibn-Abi-Amer-el-Mansour mit aussitot ses troupes et ses trésors à la disposition de son cousin, Abou-'l-Hakem-Amr-IbnAbd-Allah-Ibn-Abi-Amer, surnommé Askéladja 3, et l'envoya combattre Ibn-Kennoun. Débarqué en Afrique, l'an 375 (9856), cet officier rassembla autour de son drapeau les princes de la famille Khazer, tels que Mohammed-Ibn-el-Kheir, Mocatel-IbnAtïa, Ziri-Ibn-Afïa, et Khazrouu-Ibn-Felfoul. Soutenu par ces chefs et par une foule de Maghraoua, il marcha contre l'idricide, le contraignit à demander grâce et le fit prisonnier en lui donnant l'assurance la plus formelle que ses jours seraient respectés. Il Je fit alors partir pour Cordoue, et ce fut avec un mécontentement extrême qu'il apprit comment, au mépris de sa parole, on avait

1 Bologguîn mourut en l'an 373 (984).

Voy. p. 218 de ce volume cl l. 1. p 152. 3 Voy, ci-devant, p 219.

ôté la vie à ce malheureux prince. Bientot après, il fut lui même mis à mort, ainsi que nous l'avons dit.

De tous les princes zenatiens, Mocatel-Ibn-Atïa et son frère Zîri s'étaient montrés les plus dévoués à El-Mansour et les plus attachés au parti des Oméïades. Yeddou-Ibn-Yala et son peuple, les Beni-Ifren, étaient, au contraire, fort mal disposés pour cette dynastie. Quand Askéladja quitta le Maghreb, le visir HacenIbn-Ahmed-Ibn-Abd-el-Ouédoud-es-Selmi lui succéda dans le commandement, et vint en prendre possession, l'an 376 (986-7). El-Mansour lui avait donné l'autorisation de choisir lui-même les troupes qui devaient l'accompagner et de puiser librement dans les coffres de l'état. Il lui recommanda de traiter avec une bienveillance spéciale les princes maghraouiens et surtout Mocatel et Ziri, chefs dont le dévouement avait toujours été si parfait, et il le chargea, en même temps, de poursuivre sans relâche YeddouIbn-Yala, cet homme si perfide et si enclin à la révolte. Le visir partit pour sa destination et, arrivé à Fez, il étendit son autorité sur les provinces du Maghreb et réunit autour de lui les princes

des Zenata.

Mocatel-Ibn-Atïa mourut en 378 (988-9), et son frère Zîri, qui prit alors le commandement des nomades maghraouiens, montra, ainsi que son peuple, une obéissance parfaite à IbnAbd-el-Ouédoud, gouverneur du Maghreb. En l'an 381 (991-2), El-Mansour-Ibn-Abi-Amer envoya un messager à Fez, résidence de Ziri, pour inviter ce chef à venir le voir. Son intention était de lui accorder de nouveaux honneurs afin de piquer la jalousie de Yeddou-Ibn-Yala et d'inspirer à ce chef réfractaire le désir de gagner des faveurs semblables en faisant sa soumission. Le chef maghraouien s'empressa d'obéir après avoir nommé son fils, El-Moëzz, lieutenant-gouverneur du Maghreb et l'avoir établi dans Tlemcen, boulevard de ce pays. Il confia, en même temps, à Ali-Ibn-Mahmoud-Ibn-Abi-Ali-Ibn-Cachouch le gouvernement de la partie de Fez appelée le quartier des Cairouanides, et il plaça le quartier des Andalous sous l'autorité d'Abder-Rahman - Ibn-Abd-el-Kerîm - Ibn-Thâleba. En se rendant auprès d'El-Mansour, il se fit précéder d'un riche cadeau destiné

à ce ministre. El-Mansour envoya au-devant de lui un cortége magnifique et le reçut avec les honneurs militaires. Il ajouta à ces marques de considération un accueil des plus empressés, une pension sur l'état, le titre de vizir et le traitement attaché à cette dignité. Il fit inscrire aussi tous les gens de sa suite sur le registre de la solde au bureau militaire, et, après l'avoir amplement dédommagé de ses frais de voyage et de cadeaux, il s'empressa de le renvoyer au siége de son commandement.

On répandit alors au sujet de Zîri certains bruits auxquels personne n'aurait pu s'attendre. L'on disait qu'il avait montré du mépris pour les bontés d'El-Mansour, de l'ingratitude pour ses bienfaits et du dédain pour le titre de vizir dont ce ministre l'avait honoré. L'on rapportait même qu'il s'était exprimé en ces termes à un de ses serviteurs qui l'avait appellé seigneur vizir: « Je ne veux pas de ce titre-là, morbleu! sache, butor! » que le mien est émir, fils d'émir. C'est vraiment une belle >> guenille qu'Ibn-Abi-Amer m'a donnée là! Vive Dieu! il ne >> serait pas où il est maintenant s'il y avait eu en Espagne un » seul homme de cœur! Il n'a pour lui que des imbéciles. » fieffés 1. Par Dieu! il a lésiné avec moi et a voulu déprécier >> mon cadeau; puis, au mépris de tout sentiment d'honneur, » il m'a trompé sur la qualité des objets qu'il me présenta » comme l'équivalent de ce don; à moins qu'il n'aît fait entrer

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en ligne de compte ce titre de vizir avec lequel il n'a fait que

me dégrader. >> Ces propos vinrent à l'oreille d'Ibn-Abi-Amer qui, au lieu d'y faire attention, combla Zîri de nouveaux bienfaits.

Yeddou-Ibn-Yala l'ifrenide, compétiteur de Zîri pour le commandement des Zenata, reçut alors d'El-Mansour l'invitation d'aller le voir. Il y répondit par injures et s'écria: «El-Mansour >> croit-il que l'onagre se laisse mener chez le dompteur de » chevaux ?» A la suite de cette boutade, il se mit à détrousser les voyageurs, à piller les tribus et à dévaster le pays. El-Man

Tel paraît être le sens des mots du texte arabe de l'édition imprimée.

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