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l'honneur de la personne qui lui écrivait. Il s'en retourna aussitôt chez lui et tua son fils; mais, ayant ensuite reconnu la trahison dont il avait été le dupe, il mourut de chagrin.

Abou-Nasr, son second fils et son successeur, régna jusqu'à l'an 457 (1065). Attaqué alors dans son palais par un officier de ses troupes, il prit la fuite et se tua en tombant du haut de la muraille. El-Motaded[-Ibn-Abbad] reçut du traître les clefs de Ronda.

Selon un autre récit, Abou-Nour fut une des victimes qui périrent, l'an 445 (1053-4), dans le guet-apens du bain', et son fils, Abou-Nasr, en ayant appris la nouvelle, éprouva le sort que nous venons de mentionner.

NOTICE DES MERENDJÎSA, TRIBU BRANCHE DE CELLE
DES IFREN.

Cette branche de la tribu des Ifren habitait les plaines de l'Ifrikia et se distingua par sa puissance et par la population nombreuse dont elle se composait. Quand Abou-Yezîd se révolta contre les Fatemides, les Mérendjîsa cédèrent à leur esprit de corps et fournirent des secours au perturbateur dont la tribu, les Beni-Quargou, était sœur de la leur. Après la chute d'AbouYezid, ils éprouvèrent la vengeance du gouvernement fatemide et de ses lieutenants, los Sanhadja. Opprimés, accablés, ils subirent des châtiments qui n'épargnèrent ni leurs personnes ni leurs biens; réduits ainsi à l'impuissance, ils tombèrent au niveau des tribus soumises aux impôts.

Les familles qui en restèrent parcoururent dès lors le territoire situé entre Tunis et Cairouan; demeurant sous la tente, elles élevaient des troupeaux de moutons et de bœufs, mais, pour avoir de quoi se nourrir, elles s'occupaient aussi de l'agriculture.

1 Ci-après, vers la fin du chapitre sur les Beni-Demmer, notre auteur raconte l'histoire de ce guel-apens.

T. III.

15

Tel fut leur état quand les Almohades effectuèrent la conquête de l'Ifrîkïa. Le peuple vainqueur ne se borna pas à les frapper d'impôts et de contributions, il les obligea à fournir un certain nombre d'hommes à l'armée du sultan, chaque fois qu'elle se mettait en campagne.

Plus tard, les Kaoub, tribu soleimide, occupèrent la région qui s'étend depuis Cabes jusqu'à Bèdja, après avoir expulsé de l'Ifrikïa les Douaouida, ennemis du sultan. En récompense du dé.. vouement qu'ils montrèrent dans la suite au gouvernement hafside, ainsi que du zèle qu'ils déployèrent à soutenir cet empire, ils obtinrent la concession de tout ce qu'il leur plaisait de demander, en fait de provinces et d'impôts. · Au nombre de ces concessions se trouva l'impôt (kharadj) des Mérendjîsa.

Après la défaite des Mérinides à Cairouan, les Arabes profitèrent d'une période de bouleversement et de confusion pour faire peser leur domination sur le sultan et sur l'empire. Les Kaoub maintinrent alors leurs usurpations au moyen des ressources que leur offrit la tribu des Mérendjîza. Ils en tiraient des chevaux pour la remonte, des impôts pour subvenir à leurs dépenses, des chameaux pour transporter leurs bagages et des cavaliers pour les aider dans leurs guerres. Ce peuple était, en un mot, une proie pour les nourrir, un esclave pour les servir, mais, lorsque Dieu eut dissipé les ténèbres de la révolte et relevé le khalifat qui penchait vers sa ruine, que l'héritage de l'empire hafside eut passé au plus digne, - à notre seigneur le sultan Abou-'l-Abbas, alors le ciel s'éclaircit, l'horizon se dégagea, et les Arabes usurpateurs dûrent céder devant la puissance du monarque, évacuer ses états et cesser d'opprimer ses sujets. Les Merendjîza devinrent ses amis, après avoir subi le châtiment de leur coalition avec les Arabes et des courses qu'ils avaient faites en leur compagnie; ils rentrèrent dans la bonne voie et, s'étant attachés au sultan avec franchise, ils reprirent l'habitude de payer l'impôt (gharama) et d'observer les règlements du kharadj. Tel est encore leur état en ce moment.

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Dans le texte arabe, lisez el-motaghallibin.

NOTICE DES MAGHRAOUA, PEUPLE ZENATIEN DE LA PREMIÈRE RACE. ORIGINE ET VICISSITUDES DES DYNASTIES QU'ILS FONDÈRENT EN MAGHREB.

Les tribus maghraouiennes formaient la plus grande branche de la race zenatienne dont elles étaient aussi la portion la plus brave et la plus puissante. Issues de Maghraou, fils d'Isliten, fils de Mesri, fils de Zakia, fils d'Ourcîk [Ourchik], fils d'Addidet, fils de Djana, elles avaient pour sœurs les Beni-Ifren et les Beni-Irnian. Dans notre notice des Beni-Ifren ', on trouvera indiquée la diversité d'opinions qui règne au sujet de la filiation de ces trois peuples.

Parmi les nombreuses branches et subdivisions de la tribu des Maghraoua, on remarque les Beni-Ilit 2, les Beni-Zendak, les Beni-Ourac, les Ourtezmir 3, les Beni-Bou-Said, les Beni-Ourcîfan, les Laghouat, les Beni-Rîgha et d'autres dont je ne me rappelle pas les noms. Le pays qu'ils avaient l'habitude de parcourir est situé dans le Maghreb central et s'étend depuis [la ville de] Chelif jusqu'à Tlemcen et, de là, aux montagnes de Mediouna. Habitués, comme leurs frères, les Beni - Ifren, aux usages de la vie nomade, ils étaient en rivalité avec eux, ce qui donna lieu à de fréquentes querelles suivies de réconciliations.

Les Maghraoua vivaient sous la tente et formaient une nation puissante à l'époque où l'islamisme vint les surprendre. Ayant été confirmés dans leurs possessions, ils embrassèrent cette religion avec sincérité, et ce fut alors que leur émir, Soulat-IbnOuézmar, se rendit auprès d'Othman-Ibn-Affan, à Médine. Ac

1 Voy. pp. 197, 498 de ce volume.

2 Variante: Ilent.

3 Variantes: Ourtezmar, Ourtezmèr, Ourtezmîn.

Il y a plusieurs montagnes qui portent ce nom; celle dont il s'agit ici est située près de Mazouna.

cueilli avec une grande bienveillance par ce khalife, il obtint, en récompense de sa démarche, l'honneur d'être formellement reconnu comme chef de sa tribu et du territoire qu'elle occupait. Il rentra alors dans son pays, comblé de dons et de faveurs, jouissant du bonheur de connaître la vraie foi, et partisan zélé des tribus qui [comme les Coreich et les Oméïades, famille d'Othman,] descendent de Moder. Son dévouement à cette portion de la nation arabe ne se démentit jamais.

Selon un autre récit, il avait été fait prisonnier dans un des combats qui curent lieu entre les Arabes et les Berbères, lors de la première invasion de son pays et avant que les Berbères eussent accepté l'islamisme. En considération du haut rang qu'il tenait chez son peuple, on l'envoya à Othman. Gracié par ce khalife, il devint bon musulman et fut nommé commandant de sa tribu.

Depuis lors, Soulat et toutes les tribus maghraouiennes se regardèrent comme clients d'Othman et des Oméïades. Dévoués exclusivement à cette branche des Coreichides, les Maghraoual témoignèrent leur respect des obligations qu'impose la clientèle, en soutenant avec zèle la cause des Oméïades espagnols. Cela est un fait que l'on va reconnaître en lisant leur histoire.

Après la mort de Soulat, son fils Hafs succéda au commandement des Maghraoua et des autres tribus zenatiennes. Ce fut un des plus grands princes qui régnèrent sur ce peuple. Quand il mourut, l'autorité passa à son fils Khazer. La révolte de Meicera. el-Hakîr et de la tribu de Matghara ayant affaibli l'influence du khalifat dans le Maghreb-el-Acsa, Khazer et ses Maghraoua profitèrent de cet état de choses pour se faire redouter des émirs

1 Ou Merouanides. La dynastie des Oméïades qui régna en Espagne fut appelée merouanide, parce que son fondateur, Abd-er-Rahman, appartenait à la branche merouanide de la famille d'Ométa. Ce prince était fils d'Abd-er-Rahman, fils de Moaouta, fils de Hicham, fils d'Abdel-Melek, fils de Merouan, fils d'El-Hakem, fils d'Abou-l-Aci, fils d'Oméïa lequel fut père d'Abou-Sofyan, aïeul de la dynastie oméïade qui règna en Orient.

arabes-moderides qui commandaient à Cairouan. Devenus une puissante nation, ils étendirent leur domination sur les Zenata nomades du Maghreb central. Quand la chute des Oméïades de l'Orient eut suspendu l'influence des Arabes en Maghreb, la domination et les prétentions des Maghraoua prirent un grand essor. Sur ces entrefaites, Khazer mourut et laissa le commandement à son fils Mohammed.

En l'an 170 (786-7), sous le khalifat d'El-Hadi, on vit arriver en Maghreb Idris l'ancien, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen, qui vint y chercher un refuge. Soutenu par les tribus berbères d'Auréba, de Sedîna et de Maghila, il détacha ce pays pour toujours de l'empire des Abbacides et y fonda un royaume pour lui-même. En 174 (790-4), il envahit le Maghreb central et reçut la soumission des Maghraoua. Alors leur chef, Mohammed-Ibn-Khazer, lui remit la ville de Tlemcen qu'il venait d'enlever aux Ifrènides et lui procura ainsi le moyen d'arracher toutes les provinces du Maghreb central à la domination des Aghlebides. Après la mort d'Idris, ses états et la ville de Tlemcen passèrent à son fils, Idris-Ibn-Idrîs, qui jouit dès lors du même appui que son père avait reçu de la famille Khazer. Idris I régnait encore quand son frère, Soleiman-Ibn-AbdAllah, vint le trouver après avoir quitté l'Orient. Le réfugié s'établit dans Tlemcen et obtint de l'affection fraternelle le gouvernement de cette ville. Son fils, Mohammed-Ibn-Soleiman, lui succéda, avec l'autorisation d'Idris II. De cette manière, Tlemcen et les villes qui en dépendent devinrent l'apanage des Beni-Soleiman. Les forteresses maritimes de cette province se partagèrent bientôt entre les descendants de Soleiman : les fils d'Idris, fils de Mohammed-Ibn-Soleiman, gardèrent Tlemcen; ceux d'EïçaIbn-Mohammed se fixèrent à Archgoul, et la famille d'IbrahîmIbn-Mohammed eut le gouvernement de Ténès. Dans la province de Tlemcen, le pays ouvert fut abandonné aux Beni-Ifren et aux Maghraoua, et, dans le Maghreb central, les plaines conti→ nuèrent d'être en la possession de Mohammed-Ibn-Khazer.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la formation de l'empire fatemide. Alors, en l'an 298 (940-1), Obeid-Allah le Mehdi

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