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laissa dans les esprits une impression profonde. Ce malheureux mourut dans le mois de Redjeb de la même année. Ses enfants et lear mère furent déportés en Orient, et, ballotés par l'adversité dans un pays étranger, plusieurs d'entre eux succombèrent à la misère; mais plus tard, deux de ses fils, Ali et Obeid, revinrent en Ifrikïa avec leurs familles, après avoir subi les vicissitudes de la fortune.

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Pendant que le gouvernement hafside s'était occupé à repousser les expéditions que les Beni-Abd-el-Ouad dirigeaient sans cesse contre les terres de l'empire, toutes les villes du Djerîd avaient profité de cette occasion pour se constituer en républiques, gouvernées chacune par un président. A Touzer, toute l'autorité s'était concentrée dans les mains de Mohammed-IbnYemloul. Le sultan ayant enfin trouvé assez de loisir pour rétablir l'influence de l'empire, commença à sévir vigoureusement contre les états insurgés. L'administration républicaine de Cafsa disparut devant ses armes, et le commandement de cette ville. ainsi que de la province de Castilia passa à son fils Abou-'lAbbas. Cet émir travailla sérieusement à y raffermir son pouvoir, il dirigea même plusieurs expéditions vers les contrées voisines, afin de reconnaître jusqu'à quel point les habitants lui étaient soumis. Son chambellan, Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou conduisit un corps d'armée à Nefta, dans le but d'éprouver l'obéissance des Beni-Modafè, mieux connus sous le nom des Beni-'l-Khalef. Ces quatre frères avaient usurpé le commandement à Nefta pendant l'embarras du gouvernement hafside. A l'approche d'Ibn-Ottou ils s'enfermèrent dans leurs châteaux, pensant y trouver une retraite assurée; mais, abandonnés par leurs sujets, que les mesures vigoureuses de leur adversaire avaient démoralisés, ils cédèrent à la crainte et se mirent à la merci du sultan. On les conduisit au supplice et on laissa leurs

cadavres attachés aux troncs de leurs propres dattiers pour servir d'exemple. Ali, le plus jeune, évita le sort de ses frères en passant aux Hafsides avant la prise de la ville.

L'émir Abou-'l-Abbas incorpora Nefta dans ses états, avec l'autorisation de son père, et soumit une partie considérable de la province de Nefzaoua. Il avait conçu l'espoir de se rendre maître de Touzer, mais Mohammed-Ibn-Yemloul, chef de ce nid de sédition, s'aperçut du danger, et alla trouver Mohammed-Ibn-el-Hakîm, général en chef des armées du sultan. A force d'intrigues et de sollicitations, il obtint la permission de rester à Touzer sans être molesté, et, en effet, il conserva le gouvernement de cette ville jusqu'à la fin de ses jours. Il mourut la même année qu'Ibn-el-Hakîm.

La mort de Mohammed-Ibn-Yemloul occasionna de graves désordres à Touzer ses fils et ses frères se disputèrent le commandement, et quelques-uns d'entre eux furent tués par les autres. Il y avait alors dans la prison de Tunis un de ses frères nommé Abou-Bekr. Le sultan le fit mettre en liberté et l'envoya à Touzer, après lui avoir imposé toutes les conditions qui pourraient assurer la fidélité d'un tel personnage et le paiement régulier des impôts au gouvernement hafside. Arrivé à sa destination, Abou-Bekr-Ibn-Yemloul parvint à y établir son autorité; mais, séduit par l'amour de l'indépendance, il refusa de remplir ses engagements et traita avec mépris les sommations que lui adressa l'émir Abou-'l-Abbas. Ce prince, mécontent de voir entraver le progrès de sou autorité par la résistance de Touzer, s'en plaignit au sultan et le pria de venir châtier ce petit état. En l'an 745 (4344-5), le souverain hafside arriva dans Cafsa à la tête d'une armée. Abou-Bekr apprit cette nouvelle avec effroi, et, voyant ses partisans en train de l'abandonner, ii offrit sa soumission et promit de se rendre auprès du sultan. Ali-IbnMohammed-et-Temoudi, qui avait servi de secrétaire à son père et qui remplissait alors les mêmes fonctions auprès de lui, prit aussitôt la fuite et courut à Biskera, afin de se mettre sous la protection de Youçof-Ibn-Mozni. Sa réputation l'y avait déjà devancée, car ce fut réellement lui qui gouvernait à Touzer.

Quand le sultan se présenta devant la ville, Abou-Bekr-1bnYemloul vint faire sa soumission et se mêler au cortége royal; mais, ayant bientôt reconnu que le gouvernement hafside en voulait à ses jours, il éprouva un vif regret de sa démarche imprudente et saisit la première occasion pour passer dans le Zab. Youçof-Ibn-Mozni lui fit un de ces accueils hospitaliers et généreux dont le peuple se plaît à rappeler le souvenir. Le sultan incorpora Touzer dans ses états et y établit son fils, l'émir Abou-'l-Abbas, en qualité de gouverneur. Rentré à Tunis à la suite de cette conquête, il mourut dans son lit, après avoir joui d'un long règne. Nous parlerons de sa mort dans un des chapitres suivants.

Les états d'Abou-'l-Abbas ayant enfin reçu la continuité qui leur manquait, se composèrent maintenant de toutes les villes du Djerid. Abou-Bekr-Ibn-Yemloul essaya plusieurs fois de reprendre Touzer, mais dans chacune de ces tentatives il faillit perdre la vie. Sa mort eut lieu à Biskera, en 747 (1346-7), quelque temps avant celle du sultan. L'émir Abou-'1-Abbas travailla sans cesse à maintenir l'ordre dans les contrées placées sous son commandement; il n'avait épargné aucun effort pour renverser les chefs qui s'y étaient rendus indépendants; mais il ne put réussir à obtenir la soumission d'Ibn-Mekki, cheikh de la ville de Cabes. Reprenons l'histoire de ce chef.

Abd-el-Ouahed-bn-el-Lihyani ayant quitté Tunis avec Abdel-Mélek-Ibn-Mekki, passa en Maghreb et laissa ce chambellan à Cabes. Quand la puissance des Abd-el-Ouadites fut anéantie, Abd-el-Mélek craignit les conséquences de sa conduite et chargea son frère, Ahmed-Ibn-Mekki, d'aller solliciter la bienveillance du sultan mérinide, Abou-l-Hacen, en le priant d'intercéder pour lui auprès du sultan [Abou-Yahya-]Abou-Bekr. Ayant ainsi obtenu sa grâce, il reprit le commandement de Cabes, avec l'autorisation du sultan hafside, et, s'étant dès-lors appliqué à bien remplir son devoir, il renonça à ses anciennes habitudes de révolte et d'insoumission. Quant à Ahmed-Ibn-Mekki, il réu-nissait à de grands talents une passion extrême pour le pouvoir et les grandeurs. Bon poète et prosateur élégant, il était, de plus,

T. III.

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calligraphe habile. Dans son écriture il employait le caractère oriental, ainsi que font les habitants du Djerîd, et, pour tracer des chefs-d'œuvre, il n'avait qu'à le vouloir. Toutes ces qualités inspiraient à l'émir Abou-'l-Abbas le désir de lui être utile, mais Ahmed, sachant à quel point il s'était compromis, en se mêlant à tant de révoltes, hésita de répondre aux avances qu'on lui fit. De son côté, l'émir usa d'adresse pour parvenir à ses fins, et il réussit à faire la rencontre de cet homme chez la princesse Ama-t-el-Ouahed (servante du Dieu unique), sœur du sultan, laquelle revenait de la Mecque. Profitant de cette occasion, il dissipa les appréhensions d'Ibn-Mekki et se l'attacha comme serviteur et comme ami. Dans cette position avantageuse, Ahmed se vit enfin porté au faîte des grandeurs, et, outre le gouvernement qu'il possédait déjà, il reçut du sultan celui de l'île de Djerba. Makhlouf-Ibn-el-Kemad, l'officier qui y avait commandé jusqu'alors, dut obéir à l'ordre du souverain et résigner sa place. Il avait conquis cette île en l'an 738 (1337-8) 2, et en avait alors pris le commandement avec l'autorisation du sultan. Ahmed-Ibn-Mekki s'y fixa; son frère, Abd-el-Mélek, conserva le commandement de Cabes, et ils continuèrent tous les deux à servir l'émir Abou-'lAbbas avec le dévouement le plus parfait.

MORT DU VIZIR ABOU-'L-ABBAS-IBN-TAFRAGUÎN.

Après la mort d'Ibn-el-Hakîm, le sultan donna la place de chambellan et le gouvernement du palais au grand cheikh des Almohades, Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguin. Abou-'l-Abbas Ahmed, frère de celui-ci, fut élevé au vizirat et, pendant qu'AbouMohammed tenait ses séances administratives à la porte du sultan, en qualité de chambellan, il se charges, lui, du commandement de l'armée et du gouvernement de toutes les plaines et campagnes de l'empire.

1 Lisez atkarihi dans le texte arabe.

2 C'est à tort que les manuscrits du texte arabe portent 788.

A la suite de ces mutations, les Beni-Soleim commencèrent à s'impatienter de l'état de soumission auquel Hamza-Ibn-Omar les avait conduits, et, maintenant que ce chef ne vivait plus, ils aspiraient à reprendre leurs anciennes habitudes de révolte et de brigandage. Nous avons déjà parlé des incursions faites par les fils de Hamza, et poussées jusqu'aux portes de la capitale, et nous dirons ici que les Aulad-el-Cos, fraction des Hakîm [tribu soleimide], eurent alors pour chef le nommé Soheim, qui s'était toujours montré un vrai coryphée de sédition, un démon de perversité. Or, le sultan avait nommé le cheikh almohade, Abou'l-Cacem-Ibn-Ottou, à la place de chambellan auprès de l'émir Abou-'l-Abbas, gouverneur du Djerîd. Ce ministre prétendait que sa famille était tout aussi noble que celle des Tafraguîn, et voyait avec jalousie la haute position à laquelle ceux-ci étaient parvenus. En apprenant la nomination d'Abou-Mohammed aux fonctions de chambellan, il eut le cœur gonflé de haine et d'envie, et l'on dit que, par la promesse d'une récompense, il poussa ce brigand Soleim à faire une tentative contre la vie d'Abou-'lAbbas-Ibn-Tafraguîn, général de l'armée. Quoiqu'il en fût, Abou-'l-Abbas se mit en campagne au commencement l'an 747 (mai 1346) afin de faire rentrer les impôts dus par les Hoouara. Soleim, accompagné de sa tribu, vint le trouver, et, après avoir mis ses services à un prix exorbitant, il attendit quelques jours dans l'espoir de le surprendre. Les troupes almohades, attaquées par lui dans leur camp, prirent la fuite, et Abou-'lAbbas, dont le cheval s'était abattu, perdit la vie. Après s'être mis en révolte ouverte, Soleim alla se réfugier dans les sables du Désert, et il y resta jusqu'à la mort du sultan. Le corps d'Abou-'l-Abbas fut porté à Tunis pour y être enterré.

MORT DE L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, SEIGNEUR DE BOUGIE.
DE CETTE VILLE CONTRE L'ÉMIR ABOU-HAFS.
ABD-ALLAH EN EST NOMMÉ GOUVERNEur.

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RÉVOLTE

L'ENIR ABOU

Lors de la mort d'Ibn-Ghamr, l'émir Abou-Zékérïa, fils aîné du sultan, reçut de son père le gouvernement de Bougie et partit

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