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cela ne les empêche pas d'être tous fils d'Adam et, ensuite, de Noé. La grande famille arabe renferme plusieurs tribus tout-àfait dissemblables, et cependant ces tribus ont Sem et Ismaïl pour aïeux. Quant à l'honneur de pouvoir compter les Prophètes parmi ses ancêtres, cela est une faveur que Dieu accorde à qui il veut 1. Au surplus, quel mal y a-t-il d'avoir une origine commune avec un peuple que l'on distingue encore précisément à cause de sa gloire passée ? Est-ce la dégradation des Berbères ? Mais elle a eu pour cause la diminution de leur nombre et l'épuisement de leurs forces, occasionnés par la nécessité de soutenir leur propre empire et par le besoin de jouir de cette aisance que procure le pouvoir. C'est là un principe que nous avons établi dans la première partie de notre ouvrage 2. L'on sait, d'ailleurs, que les Berbères se sont fait remarquer autrefois par leur nombre, leur puissance, l'étendue de leur domination et les royaumes qu'ils ont fondés.

Quant à l'assertion que les Zenata appartiennent à la race amalécite, elle est loin d'être vraie et ne peut pas se soutenir. Il y avait en Syrie deux peuples appelés Amalécites : le premier, composé des enfants d'Esau, fils d'Ishac, ne forma jamais une grande nation et jamais il ne posséda un empire; tombé ensuite dans une obscurité profonde, il finit par dépérir sans qu'on puisse en citer un seul individu qui ait passé dans le Maghreb. L'autre possédait en Syrie une dynastie et un royaume, même avant l'arrivée des Israélites. Ceux-ci s'emparèrent de Jericho, capitale de son empire, arrachèrent la Syrie à sa domination, ainsi que le Hidjaz, et le moissonna avec l'épée. Comment les Zenata peuventils alors faire partie d'une nation déjà anéantie? Si l'histoire rapportait un tel fait, on hésiterait d'y ajouter foi; pourquoi donc y croire quand l'histoire n'en dit rien?

Les Zenata se partagent en un grand nombre de branches et

▲ Coran; sourate 5, verset 59.

C'est-à-dire dans les Prolegomènes, ouvrage dont on attend encore Ja publication.

3 L'auteur aurait pu ajouter et même du temps d'Abraham. Voy, la Genèse, xiv, 7.

de tribus dont nous indiquerons ici les principales. Les généalogistes appartenant à cette race s'accordent à dire que toutes les ramifications de la grande famille zenatienne procédent de trois aïeux, tous fils de Djana et nommés Ourchik, Ferini et EdDîdet [ou Adidet].[Cela se trouve écrit dans les livres qui renferment les généalogies des Zenata; et Abou-Mohammed-IbnHazm donne le même renseignement dans son Djemhera. Selon les généalogistes zenatiens, Ourchîk avait trois fils, Messart [Mesrata], Ourghaï et Ouachroudjen, père de Ouarifen-Ibn-Ouachroudjen. Ibn-Hazm dit qu'Ourchik eut trois fils : Messart, Tadjora et Ouacîn. Les généalogistes zenatiens nous apprennent que Ferîni eut plusieurs fils, savoir: Izmerten, Mendjeça, Ouergla, Nomaleta et Sebertera. Ibu-Hazm ne fait pas mention de ce dernier, mais il en nomme les quatre autres. Selon les mêmes généalogistes, Ed-Dîdet, fils de Djana, eut un fils nommé Djeraou; mais lbn-Hazm ne l'indique pas. Il dit seulement, en parlant d'Ed-Dîdet: « Et, parmi ses déscendants, on compte » les Beni-Ourchik - Ibn-ed- Dîdet, famille qui se partage en >> deux branches, dont l'une procède de Demmer, fils d'Ourchîk » et l'autre de Zakïa, fils d'Ourchik. » << L'appellation » Demmer, ajoute-t-il, n'est qu'un sobriquet; le vrai nom de >> celui qui la portait était Al-Ghana. »« Au nombre des >> familles qui descendent de Zakïa, dit-il ensuite, on remarque >> les Beni-Maghraou, les Beni Ifren et les Beni-Ouacîn. La mère » de ces derniers se nommait Ouacîn et était esclave de la >> mère de Maghraou. Ces trois branches eurent pour père Isli» ten, fils de Mesra, fils de Zakia. » A cette liste, les généalogistes zenatiens ajoutent Irnian, fils d'Isliten et frère de Maghraou, d'Ifren et d'Ouacîn; mais Ibn-Hazm n'en parle pas. — << Parmi les descendants de Deminer, dit le même Ibn- Hazm, on >> compte Ournid [óu Ourennid], fils de Ouanten, fils de Ouar» diren, fils de Demmer. » Il indique aussi sept ramifications de la tribu de Demmer, savoir: Gharzoul, Tofourt, Ourtantîn, Berzal, Isdourîn, Saghmar Ilouweft. « Les trois premières,

1 Variante: Saghman.

ajoute-t-il, sont celles que l'on désigne par le titre d'Enfants » de Demmer. »

Tels sont les renseignements fournis par Ibn-Hazm et recueillis, à ce qu'il nous assure, de la bouche d'Abou-Mohammedbou-Ighni-el-Berzali l'eibadite, « personnage, dit-il, d'une » grande piété et très-savant dans les généalogies berbères. Il » m'a déclaré que les Beni-Ouacin et les Beni-Berzal avaient pro» fessé la doctrine eibadite et que les Beni-Ifren ainsi que les » Maghraoua étaient restés sonnites [orthodoxes]. »

Les généalogistes berbères, tels que Sabec-Ibn-Soleiman-elMatmati, Hani-Ibn-Masdour-el-Koumi et Kehlan-Ibn-Abi-Loua rapportent, dans leurs livres, que les enfants d'Ourcîk, fils d'Adidet, formaient trois branches : les Beni-Zakia, les BeniDemmer et les Ancha, fils d'Ancher 2, et qu'ils descendent tous de Ouardiren et d'Ourcîk. Zakïa, fils d'Ourdiren, est l'aïcul des Maghraoua, des Beni-Ifren, des Beni-Irnîan et des Beni-Ouacîn, tous enfants d'Isliten, fils de Mesra, fils de Zakia. Anch 3, fils de Ouardiren, est le père de quatre tribus : les Beni-Berzal, les les Beni-Saghmar, les Beni-Isdouren et les Beni-Itouweft. De Demmer, fils de Ouardîren, sortent trois tribus : les Beni-Tofourt, les Beni-Gharzoul et les Beni-Ourtantin, tous enfants d'Ournid-Ibn-Demmer ".

Ces renseignements, fournis par les généalogistes berbères, ne s'accordent pas avec ceux d'Ibn-Hazm.

Les mêmes généalogistes nomment encore d'autres tribus, sans en indiquer les aïeux; telles sont les Yedjefech qui habitent la montagne de Fazaz, près de Miknaça, les Sindjacen, les Our

'L'orthographe de ce nom est incertaine.

Il faut sans doute lire Anten ou Ouanten.

3 Les manuscrits portent Anch, mais il faut lire Anten ou Ouanten. Le texte arabe porte : Sacman.

5 On lit Ourtatin et Ourind dans le texte arabe Plusieurs des noms propres mentionnés dans ce chapitre ont été altérés par les copistes.

Cette indication n'est pas exacte: Fazaz est très-éloigné du terri

cifan, les Temelîlt, les Tîçat, les Ouaghmert [ou Ghomert], les Tîfracen, les Oudjedîdjen, les Beni-Iloumi, les Beni-Ouemannou et les Beni-Toudjîn. L'on sait cependant, malgré leur silence et de la manière la plus positive, que les Toudjîn sont une branche des Beni-Ouacîn; on verra cela dans le chapitre que nous consacrerons à ce peuple.

Quelques-uns disent que les Oudjedîdjen et les Ouaghmert sont issus d'Ourtnîd, fils de Djana, et que les Berghouata, les Matmata et les Azdadja font partie des Zenata; mais, selon les généalogistes berbères, ces tribus appartiennent à la race berbère sortie de Bernès, ainsi que nous l'avons dit.

Ibn-Abd-el-Hakem, dans son livre sur la conquête de l'Égypte, fait mention d'un certain Khaled-Ibn-Hamîd-ez-Zenati, qu'il dit appartenir à la tribu d'Hetoura', branche de celle de Zenata; mais nous n'avons jamais rencontré le nom d'Hetoura chez aucun autre écrivain.

L'esquisse que nous donnons ici des tribus zenatiennes et de leur origine renferme quelques faits qui ne se trouvent dans aucun livre.

DÉRIVATION DU MOT ZENATA.

Beaucoup de personnes donnent au mot Zenata un.sens et une dérivation qui sont inconnus, non-seulement aux Arabes mais aussi au peuple zenatien. Les unes disent, par exemple, que c'est un nom propre inventé par les Arabes pour désigner les Zenata. D'autres prétendent que c'est un nom propre formé par les Zenata eux-mêmes et dont l'emploi fut admis par eux d'un commun accord. D'autres encore assurent que c'est le nom de Zana, fils

toire qu'occupaient les Miknaça auprès de Téza, et encore très-éloigné de l'autre territoire miknacien où s'élève la ville de Mequinez.-Voyez l'Index géographique dans le premier volume de cette traduction.

1 Voy. t. I, p. 217.

de Djana; ajoutant ainsi, gratuitement, à la liste généalogique un aïeul dont aucun généalogiste ne fait mention. Selon d'autres, c'est un nom dérivé d'une racine [arabe], et, cependant, il n'existe pas dans la langue arabe une racine usitée qui soit formée des lettres radicales [z, n, t] du mot Zenata. Quelques gens dépourvus d'instruction ont prétendu le dériver de zina (fornication), et ils étayent leur assertion sur un conte ignoble qui répugne à la vérité.

Toutes ces opinions procèdent de la supposition que les Arabes ont formé des mots pour exprimer toutes les espèces de choses et qu'ils n'emploient jamais des mots radicaux ou dérivés qui ne font pas partie de leur langue. En thèse générale, ce principe est vrai, mais il arrive aussi que les Arabes se servent de mots étrangers tantôt, ce sont des noms propres auxquels ils n'ont fait subir aucune altération; te's sont les mots Ibrahim, Youçof et Ishac, qui appartiennent à la langue hébraïque; tantôt ce sont des mots d'emprunt dont ils ont adouci la prononciation par suite d'un fréquent usage; tels sont lidjam (bride), zendjebil gingembre), dibadj (brocart), nîrouz (équinox du printemps), yasmin (jasmin), adjorr (brique)'. A force d'être employés par les Arabes, ces termes ont acquis le caractère des mots dont la formation et l'origine sont dues à ce peuple. On remarque dans ces mots arabisés, car c'est ainsi qu'on les nomme, des altérations qui affectent les voyelles et les consonnes. Il est même reçu chez les Arabes [de modifier les termes qu'ils empruntent à l'étranger,] car ce changement opéré dans le mot primitif équivaut à la création d'un nouveau mot. Quelquefois le terme emprunté renferme des consonnes qui n'existent pas en Arabe, et alors on leur substitue celles qui s'articulent par les organes voisins. Il faut se rappeler que le nombre des sons articulés n'a point de limites; les Arabes se servent de vingt-huit sons, ce qui forme.

↑ Lidjam est une altération du mot persan ligam; zendebil vient de chenkelil; dibadj de dibah, nirouz de nevrouz; yasmin est le même en persan qu'en arabe. M. de Sacy suppose qu'il existait en persan un mot qui s'écrivait agor, d'où le mot arabe adjorr ou adjor aurait été formé. Voy. son Anthologie grammaticale, p. 406, note 130.

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