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de Zenzour; la troisième journée se termina par la mort de Yanès et la défaite de ses partisans. Les fuyards s'enfermèrent dans Tripoli,, et Djafer aller les y assiéger, précisément au moment où Felfoul-Ibn-Said-Ibn-Khazroun, qui s'était révolté contre Badîs et qui, plus tard, résista à El-Moëzz, fils de Badîs, avait mis le siége devant Cabes. Felfoul quitta ses positions, força Ibn-Habîb à se retirer auprès de Yahya-Ibn-Mohammed, émir des Nefouça, mais il ne put plus alors remporter sur lui aucun avantage ni l'empêcher de rentrer à Cairouan. Aussitôt que Felfoul se présenta devant Tripoli, Fotouh-Ibn-Ali et les autres partisans de Yanès sortirent au-devant de lui et le mirent en possession de la ville. Il y établit son séjour et maintint les habitants dans l'obéissance envers El-Hakem, le khalife fatemide. Ce prince accorda le gouvernement de la ville à Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Hamdoun frère de Djâfer-Ibn-Ali, ex-seigneur d'El-Mecîla, qui avait quitté l'Espagne pour aller le trouver. Arrivé à Tripoli et soutenu par` Felfoul, Yahya entreprit une expédition contre Bougie, et tenta, pendant sa marche, de s'emparer de Cabes; mais la résistance que cette ville lui opposa et la nécessité de subir l'influence que Felfoul s'était acquise par le nombre de ses partisans, l'obligèrent à quitter le commandement et à rentrer en Egypte. Felfoul resta maître de Tripoli, et ses descendants, après y avoir exercé le commandement alternativement avec les agents du gouvernement sanhadjien, finirent par y consolider leur autorité d'une manière définitive. Malgré l'invasion et la ruine de l'Ifrîkïa par les Arabes hilaliens, la famille Khazroun conserva la possession de Tripoli; ce ne fut qu'en 340 (4445-6), que cette ville leur fut enlevée par George, fils de Michel, amiral de Roger, roi franc de la Sicile. Le vainqueur permit aux musulmans d'y rester et se contenta de leur donner un gouverneur de son choix, ainsi qu'il avait fait dans d'autres localités du littoral africain. Peu de temps après, les habitants prêtèrent l'oreille aux suggestions d'Abou-Yahya-Ibn-Matroul, un de leurs notables, et massacrèrent les chrétiens '.

Voy. t. n., p. 37..

En l'an 555 (1160), Abd-el-Moumen, qui venait de prendre El-Mehdïa, reçut la visite d'Ibn-Matrouh et des principaux habitants de Tripoli. Il les accueillit avec une grande distinction et les congédia très-honorablement. Ibn-Matroah conserva jusqu'à un âge très-avancé le gouvernement de Tripoli, et, en l'an 586 (1190), il partit pour l'Orient avec l'autorisation du cîd AbouZeid - Ibn-Omar-Ibn Abd-el - Moumen, prince qui gouvernait l'Ifrikïa au nom de son oncle, Youçof-Ibn-Abd-el-Moumen '. S'étant fixé dans la ville d'Alexandrie, il laissa Tripoli entre les mains des Almohades. Cette dynastie y exerça le commandement par ses officiers jusqu'à l'époque des troubles suscités par Caracoch et Ibn-Ghanîa, quand le premier de ces aventuriers prit possession de la ville.

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L'usurpation du trône de l'Ifrîkïa par les Hafsides et leur révolte contre l'autorité de la famille d'Abd-el-Moumen contribuèrent, avec la mort de Caracoch et d'Ibn-Ghania, à faire passer la ville de Tripoli sous la domination de l'émir AbouZékérïa. Elle resta au pouvoir de ses descendants jusqu'au démembrement de l'empire, quand Bougie et Constantine formèrent des états indépendants. Comme l'influence de la cour de Tunis ne se faisait alors plus sentir aux frontières de l'empire, l'administration des affaires à Tripoli passa entre les mains d'un conseil de cheikhs. Il est vrai que le sultan de Tunis y entretenait un gouverneur, mais toute l'autorité appartenait au président du conseil. L'établissement de cette forme de gouvernement à Tripoli fit naître parmi les habitants une rivalité jalouse et un violent esprit de parti.

En 717 (1347-8), le sultan Abou-Yahya-Ibn-el-Lihyani abandonna Tunis, où il se voyait menacé par Abou-Yahya-AbouBekr, sultan de Bougie, et alla se fixer à Tripoli, dont AhmedIbn-Arebi, un des cheikhs, lui avait offert son appui Les Almohades perdirent tout espoir de son retour à la capitale et proclamèrent sultan son fils Abou-Derba, qu'il y avait fait em

'Lisez : De son cousin Yacoub, petit-fils d'Abd-el-Moumen.

prisonner et auquel ils rendirent la liberté. Ils se mirent alors en campagne avec leur nouveau souverain, afin de repousser AbouYahya-Abou-Bekr, mais la bataille qui s'ensuivit se termina par leur défaite. Les Arabes nomades qui avaient pris parti pour Abou-Derba lui persuaderent alors de se porter sur Tripoli afin d'enlever les trésors immenses que son père y avait apportés. Celui-ci s'embarqua aussitôt pour Alexandrie, après avoir laissé à Tripoli, comme lieutenant, son gendre Mohammed-Ibn-AbiAmran-Ibn-Ibrahîm - Ibn -Abi-Hafs. La tyrannie d'El-Batici, parent et chambellan d'Ibn-Abi-Amran, indisposa enfin les habitants de la ville, et, pendant qu'il s'occupait à entretenir les préventions de son maître contre eux et à les faire châtier par des avanies et des confiscations, une révolte éclata et Ibn-AbiAmran dut s'embarquer pour éviter la mort. Au moment de son départ, il raconta à un natif de la ville qui s'était avancé pour lui dire adieu, comment El-Batîci avait travaillé pour lui inspirer de la méfiance à l'égard des Tripolitains. Cette révélation coûta la vie au chambellan qui fut massacré sur le champ. On tua aussi le cadi de Tripoli, tunisien qui avait secondé El-Batîci dans ses intrigues. Ce mouvement populaire fut excité par Ahmed-Ibnel-Arebi.

Mohammed-Ibn-Kâbour, qui prit alors le commandement de Tripoli, fut assassiné par Saîd - Ibn - Taher - el-Mezoughi. La ville passa ensuite sous l'autorité de Said - Ibn - Taher et d'Abou-'l-Berékat-Ibn -Abi-'d-Donia, qui gouvernèrent conjointement. Celui-ci mourut de mort naturelle et laissa Saîd en possession de tout le pouvoir. Après une administration de douze ans, Said mourut et fut remplacé par Thabet-Ibn-Ammar, membre d'une tribu hoouarite, les Zekoudja. Au bout de six mois Thabet fut tué par Ahmed, fils de Saîd-Ibn-Taher, qui prit aussitôt le commandement; mais, un matin, au moment où il entrait dans le cabinet d'ablution afin de se purifier pour la prière, il fut assassiné par quelques individus appartenant à la tribu de sa victime. Alors, vers l'an 727 (1326-7), les habitants prirent pour gouverneur Mohammed, fils de leur ancien cheikh, Thabet-Ibn-Ammar.

Pendant l'espace de vingt ans, Mohammed-Ibn-Thabet exerça une autorité absolue à Tripoli, et l'influence de l'empire hafside ne s'y fit plus sentir. Pour dissimuler toute la grandeur de son pouvoir, il s'adonnait au commerce et s'habillait comme un simple négociant: il allait à pied dans les rues, il rapportait luimême à la maison les provisions et autres objets dont il avait besoin, et, pour mieux cacher son ambition, il traita les gens du peuple avec beaucoup de familiarité et de condescendance. Ayant obtenu du sultan de Tunis un agent pour administrer la ville, il laissa ce fonctionnaire exercer, en apparence, le droit de commander, de changer et de réformer.

Quand les merînides, sous les ordres de leur sultan Abou-'lHacen, eurent subjugué l'Ifrîkïa et occupé Tunis, MohammedIbn-Thabet reconnu l'autorité du vainqueur tout en conservant la sienne. Pour mettre en sûreté les richesses qu'il avait amassées il les fit transporter à Alexandrie, mais, peu de temps après, il fut tué près de sa maison par quelques membres de la tribu de Medjris. Ses amis et ses partisans massacrèrent les assassins.

Thabet-Ibn-Mohammed, son fils et successeur, adopta l'habilllement, la parure et l'équipage d'un souverain: il se donna des chambellans et des courtisans, et continua à jouir des pompes mondaines jusqu'à la prise de sa ville par les chrétiens.

Plusieurs navires appartenant à des négociants européens se rassemblèrent dans le port de Tripoli, sans que personne y fit attention, vu le grand mouvement commercial qui y régnait et la fréquence des arrivages et des départs. Pendant la nuit, les chrétiens pénétrèrent dans la ville et, étant très-nombreux, ils obligèrent la garnison à mettre bas les armes. Thabet-IbnMohammed s'enfuit chez les Aulad-Morghem, émirs de la tribu des Djouari, population établie dans les environs de la ville, mais il fut mis à mort par ces chefs, ainsi que son frère Ammar, parce qu'il avait versé du sang djouarien pendant son administration. Il avait régné six ans. Les chrétiens chargèrent leurs navires de toutes les richesses, effets et meubles dont ils purent s'emparer; ils embarquèrent aussi la garnison qu'ils avaient faite prisonnière, ainsi qu'un grand nombre de femmes qu'ils

voulaient emmener en captivité. Pendant plusieurs jours ils se tinrent prêts à partir à la moindre alerte; mais le revers qu'ils craignaient ne leur arriva pas, parce qu'il n'y avait plus alors dans Tripoli un homme de cœur et de courage. A la fin, ils entrèrent en pourparlers avec les musulmans du voisinage au sujet du rachat de la ville, et, moyennant cinquante mille pièces d'or, ils remirent la place entre les mains du seigneur de Cabes, Abou-'l-Abbas-Ahmed-Ibn-Mekki, qui avait emprunté la plus grande partie de cette somme aux musulmans du Djerîd. Ceci eut lieu en l'an 7551 (1354).

Les fils de Thabet se rendirent à Alexandrie, où ils s'occupèrent du commerce jusqu'à la mort d'Ahmed-Ibn-Mekki. A la suite de cet événement qui eut lieu en 766 (1364-5), Abd-erRahman, fils d'Ahmed-Ibn-Mekki, prit le commandement. AbouBekr, fils de Mohammed-Ibn-Thabet, se rappela alors les scènes de sa jeunesse, la demeure de ses aïeux, et nolisa plusieurs bâtiments chrétiens, dans lesquels il fit monter ses partisans et les affranchis de son père. En l'an 774 (1369), il bloqua avec sa flotte le port d Tripoli, pendant qu'une foule de brigands arabes, dont il avait acheté les services, accourut pour le soutenir. Ayant rassemblé de plus les habitants du littoral et des villages voisins, il emporta la ville de vive force. Abd-er-Rahman se réfugia chez les Aulad-Morghem-Ibn-Saber, et resta sous leur protection jusqu'à ce qu'ils trouvèrent l'occasion de le conduire en lieu de sûreté, auprès de son oncle Abd-el-Mélek, seigneur de Cabes.

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Devenu maître de Tripoli, Abou-Bekr-Ibn-Thabet reconnut la souveraineté d'Abou-l-Abbas, sultan de Tunis et fit célébrer la prière au nom de ce monarque dans toutes ses mosquées. Jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 792 (1390), il ne cessa de cultiver la bienveillance du sultan en lui payant un tribut et en lui envoyant des cadeaux dignes d'être offerts à un grand prince.

Son pupille et neveu, Ali-Ibn-Ammar, lui succéda. Le com

Voy. p. 52 de ce volume.

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