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pédia aussi une ambassade, afin d'obtenir sa grâce en faisant rappeler à ce monarque les services qu'il lui avait rendus autrefois. Abou-Einan accueillit sa prière et ferma les yeux sur le passé.

Ensuite, en l'an 754 (1353)1, l'ennemi [chrétien], que Dieu confonde s'empara de Tripoli, et Ibn-Mekki fit prier AbouEinan de lui fournir de quoi racheter cette place, une des forteresses musulmanes les plus dignes de son haut intérêt. Le sultan lui répondit par l'envoi de cinq charges d'or tirées du trésor public et dont il confia le transport au prédicateur Abou→ Abd-Allah-Ibn-Merzouc, un des premiers personnages de sa cour, assisté par Abou-Abd-Allah-Mohammed, petit-fils d'AbouAli- Omar - Ibn-Séïd -en - Nas. Il accorda, en même temps, à Ahmed-Ibn-Mekki l'autorisation de prendre le commandement de Tripoli, et il confirma Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki dans le gouvernement de Cabes et de Djerba. Ces deux chefs lui restèrent fidèles. En l'an 757 (1356), Ahmed-Ibn-Mekki s'empara de Sfax.

Quelque temps avant la mort d'Abou-Einan, Ibn-Tafraguîn, qui se trouvait alors maître de Tunis, avait conçu une antipathie extrême pour les frères Mekki dont il se méfiait beaucoup. A la suite de plusieurs expéditions, tant par mer que par terre, il réussit, vers l'an 764 (1362-3), à leur enlever l'île de Djerba. Son fils, Abou-Abd-Allah-Mohammed, en obtint le gouvernement et y établit comme lieutenant son sécrétaire, MohammedIbn-Abi-'l-Cacem-Ibn-Abi-'l-Oioun, homme qui avait passé sa vie dans le service de l'empire. En 766 (1364-5), Ibn-Tafraguîn mourut à Tunis, et la mort d'Ahmed-Ibn-Mekki suivit bientôt la sienne. On aurait dit que ces deux hommes distingués s'étaient donné rendez-vous au tombeau et qu'ils y étaient arrivés à la fois. Abd-er-Rahman, fils d'Ahmed-Ibn-Mekki, conserva le gouvernement de Tripoli et y demeura sous la tutèle de Dafer, affranchi européen appartenant à sa famille. Dafer mourut peu de

Ci-devant, page 52, l'auteur dit que la prise de Tripoli eut lieu en l'an 755.

temps après Ahmed-Ibn-Mekki, et son pupille, devenu maître de ses actions, gouverna d'une manière tyrannique jusqu'à l'an 772 (1370), quand il fut bloqué dans sa capitale par la flotte d'Abou - Bekr - Ibn - Mohammed - Ibn-Thabet. Secondé par les Arabes et les Berbères de la province, Ibn-Thabet attaqua Tripoli au moment où les habitants venaient de s'insurger contre leur gouverneur, et y pénétra de vive force. Abd-er-Rahman se réfugia chez un chef debbabien et resta dans cet asile jusqu'à ce que son protecteur pût le faire conduire en lieu de sûreté. Arrivé à Cabes, berceau de sa famille et siége du gouvernement de son oncle, Abd-el-Mélek, le fugitif y passa le reste de ses jours et mourut en l'an 779 (1377-8).

Aujourd'hui, en 781 (1379-80), Abd-el-Mélek continue à gouverner la ville de Cabes. Son fils Yahya lui sert de vizir, et sont petit-fils, Abd-el-Ouehhab-Ibn-Mekki remplit [auprès de Yahya] les fonctions de lieutenant. La position des Mekki est bien changée: Tripoli, Djerba, Sfax et les autres endroits qui faisaient partie des états d'Ahmed-Ibn-Mekki leur ont échappé. On peut dire que le bonheur et la prospérité de cette maison avaient dépendu de l'existence de ce chef.

Les deux frères, Ahmed - Ibn - Mekki et Abd-el - Mélek – IbnMekki ont toujours tenu une conduite juste et louable, ne s'étant jamais écartés des voies de la bienfaisance et de l'équité. Ornés de toutes les qualités qui marquent l'homme religieux, ils se plaisaient à porter l'habillement des docteurs de la loi, circonstance qui leur procura le titre de fukîh (légiste), et ils se distinguaient des autres chefs de l'époque par leur progrès dans le sentier de la vertu. Ahmed possédait un beau talent littéraire et composait de jolis vers. Dans le genre épistolaire, il déployait une grande élégance de style, auquel sa belle écriture donnait un nouveau charme. Quand il écrivait, il traçait et combinait les lettres d'après le système calligraphique suivi en Orient. Son frère, Abd-el-Mélek, possédait des talents semblables et, dans ces genres de mérite, il rivalisait avec les hommes les plus habiles de son temps et de son pays.

Quand le sultan Abou-'l-Abbas se fut rendu maître, de l'en

pire hafside, les habitants du Djerîd en concurent des inquiétudes et, voulant organiser un système de résistance, ils s'adressèrent à [Abd-el-Mélek-]Ibn-Mekki. De concert avec lui, ils invitèrent le souverain de Tlemcen à envahir les états hafsides, mais leurs instances les plus pressantes ne purent décider ce prince à se lancer dans une entreprise qu'il savait être au-dessus de ses forces. Sur ces entrefaites, notre seigneur le sultan pénétra dans le Djerîd et prit possession de Cafsa, de Touzer et de Nefta. Ibn-Mekki eut alors recours à la dissimulation et envoya au sultan l'assurance de son obéissance; puis, quand ce monarque fut rentré à Tunis, il cessa ces démonstrations de fidélité. Soupçonnant alors qu'une partie des habitants de Cabes favorisait le sultan, il emprisonna les uns et chassa les autres.

Les Beni-Ahmed, fraction des Debbab, se révoltèrent vers cette époque et, soutenus par un corps de troupes que leur envoya l'émir Abou-Bekr, gouverneur de Cafsa, ils assiégèrent Cabes, ville dans le voisinage de laquelle ils s'étaient établis. Une troupe d'Arabes de la tribu des Beni-Ali, auxquels IbnMekki avait fait passer de l'argent, vint surprendre le camp de ses adversaires et les força à se disperser.

En l'an 781 (1379-80), le sultan fut averti de ces événements et quitta la capitale, avec son armée. Arrivé à Cairouan, il y rallia les fuyards, pendant que ses ambassadeurs portaient à Ibn-Mekki de sages avertissements. Ce chef les renvoya, en leur faisant croire qu'il était parfaitement disposé à l'obéissance ; puis, il fit emballer ses effets et courut se réfugier au milieu des tribus arabes. Le sultan se hâta d'occuper Cabes et, après avoir reçu la soumission des habitants et installé chez eux un de ses officiers comme gouverneur, il reprit le chemin de Tunis. Abdel-Melek mourut dans sa retraite peu de temps après, et sa mort fut suivie par celle de son neveu Abd-er-Rahman. Yahya, fils d'Abd-el-Mélek et Abd-el-Ouehhab[-Ibn-Mekki], son petit-fils, partirent pour Tripoli, mais ils ne purent obtenir d'Ibn-Thabet la permission d'y entrer. Nous devons faire observer que celuici reconnaissait l'autorité du sultan. Ils allèrent donc se fixer à Zenzour, village situé dans la partie de la province tripolitaine

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qui est occupée par les Debbab. Toute la région orientale de l'Ifrikia fut alors soumise à la domination hafside.

Plus tard, Yahya, fils d'Abd-el-Mélek, se rendit à la Mecque, laissant Abd-el-Ouehhab-Ibn-Mekki au milieu des Berbère s qui habitent les montagnes auprès de Zenzour. Le peuple de Cabes s'étant fatigué de la conduite tyrannique du gouverneur auquel le sultan les avait soumis, donnèrent ainsi l'occasion aux partisans de la famille Mekki de se mettre en mouvement. Sur leur invitation, Abd-el-Ouehhab se présenta devant la ville, et aussitôt une sédition éclata qui coûta la vie au gouverneur et amena le rétablissement des Beni-Mekki. Cela eut lieu en l'an 783 (4384-2).

Yahya, oncle d'Abd-el-Ouehhab, revint alors de l'Orient, après avoir accompli le pèlerinage, et tenta, à plusieurs reprises, de s'emparer de la ville. Le seigneur d'El-Hamma, chez lequel il avait fixé sa demeure, se laissa enfin gagner par Abd-elQuehhab et lui livra son hôte, les mains liées derrière le dos. Pendant quelques années, Yahya restà prisonnier dans le Casrel-Aroucïîn; puis, étant parvenu à s'échapper, il alla trouver Ibn-Ouchah, qui s'était emparé de l'autorité dans El-Hamma, ville située à une journée de Cabes. Avec les secours que ce chef mit à sa disposition, il fit plusieurs tentatives contre Cabes et finit par s'en rendre maître. Son neveu Abd-el-Ouebhab fils de son frère Mekki, tomba entre ses mains et mourut par son ordre. Ceci se passa à la suite de l'an 790 (1388). Yahya continua à gouverner Cabes jusqu'à l'an 796. Avant cette époque, le sultan Abou-'l-Abbas avait envoyé son fils, l'émir Omar, contre Tripoli. Les habitants de cette place firent leur soumission, après avoir soutenu un siége de douze mois, et ils eurent à payer une forte contribution 1. Omar revint alors auprès de son père et obtint de lui le commandement de la ville de Sfax et du district qui en dépend. Soutenu ensuite par les habitants d'ElHamma, il réussit à pénétrer de nuit dans Cabes et à y établir

* Ci-devant, page 122.

son autorité. Yahya-Ibn-Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki fut fait prisonnier et eut la tête coupée par l'ordre du vainqueur. Ainsi finit la domination des Beni-Mekki à Cabes.

HISTOIRE DES BENI-THABET, CHEFS DE LA VILLE ET DE LA PROVINCE DE TRIPOLI.

Dans notre récit des premières invasions de l'Ifrîkïa par les musulmans, nous avons mentionné que la conquête de Tripoli fut achevée par Amr-Ibn-el-Aci. Depuis l'administration d'Ocbalbn-Nafé, cette ville a toujours formé un des gouvernements et un des boulevards de l'Ifrikïa. Sous les Aghlebides, il en était ainsi, et, quand le khalife fatemide, El-Moëzz, se transporta au Caire, après avoir placé Bologguîn-Ibn-Ziri, émir des Sanhadja, à la tête du royaume de l'Ifrîkïa, la ville de Tripoli reçut du même souverain pour gouverneur Abd-Allah-Ibn-Yakhlof, personnage éminent de la tribu de Ketama. En l'an 367 (977-8), Bologguin obtint de Nizar, successeur d El-Moëzz, la permission d'ajouter Tripoli aux états qu'il administrait déjà, et il confia le gouvernement de cette ville à des fonctionnaires sanhadjiens.

En 390 (1000), quelques années après la mort d'El-Mansour, fils de Bologguîn, le gouvernement de Tripoli fut donné par le khalife fatemide, El-Hakem, à Yanès l'esclavon. Cette nomination avait été provoquée par Temsoult le sanhadjien, qui commandait alors à Tripoli, et le projet en avait été fortement appuyé par Berdjouan l'esclavon. Ce ministre exerçait alors, sous les Fatemides de l'Egypte, un pouvoir presque absolu et cherchait à éloigner Yanès dont il craignait la rivalité. Yanès se rendit à sa destination, accompagné de quinze cents cavaliers, et Badis, fils d'El-Mansour,] envoya contre lui une armée sanhadjienne commandée par Djåfer-Ibn-Habib. Pendant deux jours, les Egyptiens et les Sanhadja se battirent dans la plaine

' Variante: Yemsoult.

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