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vrai khalifat de se relever, Abd-el-Mélek -Ibn-Mekki partit pour sa ville natale et, profitant de la faiblesse de l'empire, il s'y fortifia et ne prêta plus au gouvernement hafside qu'un semblant de soumission. Quand les généraux du sultan marchaient contre lui, il obtenait leur retraite par la promesse de faire célébrer, dans ses mosquées, la prière du vendredi au nom de leur maître. En l'an 693 (1293-4), il se mit en révolte ouverte et embrassa le parti d'Abou-Zékérïa II, seigneur de Constantine et de Bougie. Ahmed, son fils et successeur désigné, mourut en 697, et, vers la fin du septième siècle, il mourut lui-même.

On reconnut alors pour gouverneur son petit-fils Mekki; mais, à cause de sa jeunesse, on le plaça sous la tutèle de son cousin, Youçof-Ibn-Hacen. A la mort de Youçof, le jeune chef reçut pour tuteur Ahmed-Ibn-Lîran, membre d'une des premières familles de Cabes et allié, par mariage, à la famille Mekki. En perdant Youçof, les Mekki virent interrompre le cours de leur prospérité, et le sultan Ibn-el-Libyani les transporta tous à Tunis ; mais, au moment de quitter la capitale pour se rendre dans le district de Cabes, il leur permit de s'en aller chez eux. Sur ces entrefaites, Mekki mourut, laissant deux enfants en bas âge : Abd-el-Mélek et Ahmed. Ces jeunes gens passèrent plusieurs années sous la tutèle d'Ibn-Lîran et, parvenus à l'âge viril, ils résistèrent à l'autorité de l'empire, établirent leur domination sur toute la région qui avoisine Cabes et, à l'instar de leur père, ils ne rendirent au khalife hafside qu'un seul témoignage de respect, celui de faire célébrer la prière publique en son nom. Leur indépendance était encore plus grande que de leur père, en conséquence de l'affaiblissement que la puissance des Hafsides avait subie et de l'embarras les princes de Tlemcen donnaient au sultan par leurs entreprises hostiles. A cette époque, le souverain de Tunis avait à combattre les armées le que gouvernement abd-el-ouadite envoyait, soit pour

que

celle

1 Les manuscrits et le texte imprimé portent Abd-el-Hack. 2 Dans le texte arabe, il faut sans doute liire kefalétihi.

attaquer Bougie et Constantine, soit pour soutenir quelque membre de la famille hafside qui cherchait à s'emparer du trône de Tunis.

Lors de la mort du sultan 'Abou-Yahya-el-Liyani, son fils Abd-el-Ouahed quitta l'Orient et rentra en Ifrikïa où il espérait trouver les moyens de se rendre maître de l'empire. Comptant sur la reconnaissance que les Beni-Mekki devaient à son père, il alla rappeler à leur souvenir les bienfaits qu'ils avaient reçus et faire ainsi valoir ses droits à leur appui. Son espoir ne fut pas trompé ils le proclamèrent souverain, et leur chef, Abd-elMélek, ayant pris la direction du mouvement, fit jurer à ses subordonnés qu'ils seraient fidèles à son protégé. En l'an 733o (4332), lors du départ du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr pour Bougie, il réussit à s'emparer de Tunis; mais il n'y resta que quinze jours, ayant appris que le sultan revenait pour l'attaquer. Les Beni-Mekki coururent se réfugier dans Cabes, et, depuis lors, ils restèrent exposés aux regards jaloux du gouvernement hafside, qui ne cessa de les surveiller dans l'espoir d'un revirement de fortune qui lui permettrait de les écraser.

La prise de Tlemcen par le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen, et la chute de la dynastie de Yaghmoracen dégagèrent AbouYahya-Abou-Bekr de ses embarras et lui permirent de penser sérieusement aux mesures qui amèneraient l'ordre dans l'empire et forceraient les chefs indépendants à rentrer dans l'obéissance. Hamza-Ibn-Omar revint du Maghreb et, grâce à l'intercession d'Abou-'l-Hacen, il obtint du sultan hafside l'oubli du passé. Rentré au service de l'empire, il ne put se dispenser de lui montrer une obéissance irréprochable et, par son exemple, il ramena dans le devoir ses confrères en sédition, les autres chefs qui s'étaient mis en insurrection. Alors Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki envoya son frère germain, Ahmed, auprès d'Abou-'l-Hacen, afin d'obtenir les bons offices de ce prince 3. Ahmed se présenta devant

↑ Voy. t. п, p. 476.

Il faut lire 732.

3 Ci-devant, page 17.

T.III.

11

le sultan et lui rappela la réception honorable que son frère avait faite à quelques dames de la famille mérinide qui se rendaient à la Mecque et qui, en y allant et en revenant, avaient trouvé à Cabes l'accueil le plus distingué. Cette démarche eut pour résultat qu'Abou-'l-Hacen écrivit une lettre d'intercession à AbouYahya-Abou-Bekr et qu'Ibn-Mekki fut rétabli dans les emplois que ses aïeux avaient exercés.

Le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, ayant soumis le Djerîd, en donna le commandement à son fils et successeur désigné, l'émir Abou-'l-Abbas. Ce prince fit alors alternativement sa résidence dans Touzer et dans Cafsa. En l'an 746 (1345-6), quand sa tante revint du pèlerinage de la Mecque, il accompagna incognito l'escorte qui alla au-devant d'elle et, pendant une audience tenue par la princesse, il trouva l'occasion de se rencontrer avec Ahmed-Ibn-Mekki. Ce chef était venu avec l'intention d'accompagner la voyageuse depuis sa capitale jusqu'à la frontière de ses états. Abou-'l-Abbas parvint alors à dissiper les appréhensions du seigneur de Cabes et à s'en faire un ami. L'ayant alors choisi pour ministre et confident, il le nomma vice-chambellan et le porta ainsi à un degré d'honneur bien au-dessus du rang que tenaient les autres chefs du Djerîd. Sur sa demande, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr augmenta les états d'Ibn-Mekki, en lui accordant le gouvernement de Djerba, île que le général hafside, Makhlouf-Ibn-Kemad, avait enlevée aux Siciliens 1.

Après la mort du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, son fils et successeur désigné, Abou-'l-Abbas, fut assassiné à Tunis par son frère, Abou-Hafs-Omar. Ahmed-Ibn-Mekki s'en retourna alors à Cabes et, en l'an 748 (1347-8), il se rendit, avec les autres chefs djeridiens, auprès du sultan mérinide, Abou-'lHacen, qui était en marche pour envahir l'Ifrikïa. Ils trouvèrent ce prince à Oran, dans la province de Tlemcen, et rentrèrent ensuite chez eux, comblés de faveurs. Parmi les membres de cette députation Abou-'l-Hacen distingua Ibn-Mekki d'une manière

Ci-devant, page 18.

toate particulière et l'emmena avec lui à Tunis. Abd-el-MélekIbn-Mekki, l'autre frère, vint alors pour offrir ses hommages au même sultan et en fut accueillit très-grâcieusement. Ils obtinrent, à cette occasion, leur confirmation dans les gouvernements de Cabes et de Djerba et, au moment de leur départ, ils recurent encore de grands témoignages de faveur.

Quand Abou-'l-Hacen rentra à Tunis, après le désastre de Cairouan, Ahmed-Ibn-Mekki vint lui renouveler l'assurance de sa fidélité. Le sultan l'invita alors, ainsi que son frère, à soutenir Abd-el-Ouahed-Ibn-el-Lihyani qu'ils avaient autrefois reconnu pour souverain et auquel le gouvernement mérinide venait d'accorder le commandement des places fortes de la province de Tripoli, après l'avoir installé dans Djerba. Ils eurent aussi l'ordre d'obéir à ce prince, tant qu'il resterait fidèle au sultan, son protecteur.

Rentré à Tunis et abandonné par Ibn-Tafraguin, le sultan mérinide jugea nécessaire de se réconcilier avec Abou-'l-CacemIbn-Ottou, cheikh des Almohades, le même qu'il avait fait mutiler après la défaite du sultan Abou-Hafs-Omar, et, pour se l'attacher davantage, il lui accorda le gouvernement de Touzer et de Castilia. Un motif semblable l'avait porté à placer Cabes et Djerba sous le commandement d'Abd-el-Ouahed-Ibn-el-Lihyani. Les deux fils Mekki furent très-mécontents de cet arrangement et, en l'an 749 (1348-9), quand Abd-el-Ouahed mourut de la peste à Djerba, ils répudièrent la domination mérinide. Ayant alors invité les autres chefs du Djerîd à suivre leur exemple, ils proclamèrent sultan l'émir El-Fadl', fils d'Abou-Yahya-AbouBekr. Cette démonstration eut lieu en 750, après que ce prince eut levé le siége de Tunis. Ibn-Ottou, qui, à cette époque n'était plus vizir, se laissa facilement gagner à la même cause. Cette révolte contribua beaucoup au découragement du sultan Abou-'lHacen et à son intention d'évacuer l'Ifrikïa.

Le chambellan Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn, qui était

Dans le texte arabe, le copiste a écrit, par erreur, El-Afdel.

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établit

revenu de l'Orient, prit alors possession de Tunis et y comme sultan l'imam Abou-Ishac, fils d'Abou-Yahya-Abou-Bekr. Comme il tenait ce prince en tutèle, afin de pouvoir exercer lui-même toute l'autorité, il mécontenta les frères Mekki à un tel degré qu'ils embrassèrent le parti de l'émir Abou-Zeid, seigneur de Constantine. Ahmed-Ibn-Mekki, accompagné par Mohammed-Ibn-Taleb-Ibn-Mohelhel, commandant des nomades de l'Ifrikïa, et par tous les gens de ce chef, se rendit auprès d'AbouZeid et l'engagea à marcher sur Tunis. Ce prince le choisit aussitôt pour chambellan et lui confia la direction de l'entreprise. Ibn-Tafraguîn envoya contre eux son sultan, Abou-Ishac, à la tête des troupes tunisiennes et d'un corps d'Arabes commandé par Khaled-Ibn-Hamza. En l'an 753 (1352), les deux armées se rencontrèrent à Mermadjenna; celle d'Abou-Zeid remporta la victoire et poursuivit les fuyards jusqu'à Tunis. Elle entreprit même le siége de cette ville, quand le bruit se répandit que l'armée mérinide avait occupé Médéa, sur la frontière du royaume de Tlemcen, et que le sultan Abou-Einan, après avoir exterminé1 les Beni-Abd-el-Ouad et réuni toutes les populations zenatiennes sous un même drapeau, se trouvait maître des deux Maghrebs et menaçait les villes de Bougie et de Constantine. A cette nouvelle, les assiégeants de Tunis se dispersèrent et l'émir AbouZeid repartit pour Constantine. Ahmed-Ibn-Mekki étant rentré à Cabes, obtint d'Abou-Zeid que le gouvernement de cette ville et de l'île de Djerba fût exercé par la famille Mekki, conjointement avec Abou-'l-Abbas, frère de ce prince. Tel fut le commencement du règne de ce sultan et de sa carrière heureuse.

Abou-l-Abbas se rendit à Cabes et, après y avoir établi son autorité, il passa dans l'île de Djerba et en expulsa les troupes qui assiégeaient El-Cachetîl au nom d'Ibn-Thabet, seigneur de Tripoli. Il rentra alors à Cabes et, quelque temps après, il envoya son frère Abou-Yahya-Zékérïa auprès d'Abou-Einan, roi du Maghreb, dont il désirait obtenir l'appui. Ibn-Mekki y ex

↑ Dans le texte arabe, lisez istalham.

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