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confia à Mohammed-Ibn-el-Hakîm le commandement de l'armée et le gouvernement de toutes les villes et de toutes les provinces de l'empire. Il lui laissa aussi le soin d'administrer l'état et de conduire les affaires publiques. Cette nomination eut lieu quand le sultan se fut tiré d'embarras par la défaite de ses ennemis [les Abd-el-Ouadites] et qu'il eut délivré le pays du poids de leur oppression. Ce fut vers la même époque que le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen, coupa les griffes et amortit l'audace des [Abd-el-Ouadites,] adversaires du sultan hafside, en dirigeant contre eux l'expédition dont nous avons parlé ailleurs 1.

A la suite de ces événements, la mésintelligence se mit entre Mohammed-Ibn-el-Hakim et Youçof-Ibn-Mansour. Ibn-el-Hakim parvint à réveiller la haine secrète que le sultan nourrissait dans son cœur contre le seigneur du Zab et à lui inspirer la ferme résolution d'employer tous les moyens afin de contraindre cet émir réfractaire à marcher droit et à mettre de la franchise dans sa soumission. Trois fois le ministre hafside sortit pour l'attaquer et, trois fois, il se retira après avoir reçu de Youçof le montant de l'impôt. Ali-Ibn-Ahmed, émir des Douaouida, indigné de se voir préférer Youçof-Ibu-Mansour quand il s'agissait de faire rentrer les impôts [du Zab], céda enfio aux inspirations de la jalousie et lui déclara la guerre. Sous prétexte de maintenir les doctrines de la sonna, il rassembla les populations du Righ et alla faire le siége de Biskera. Son fils Yacoub l'abandonna en ce moment et, étant entré dans la ville, il obtint en mariage la sœur de Youçof-Ibn-Mansour et prit hardiment la défense de son nouvel allié. Soleiman-Ibn-Ali, chef des Aulad-Sebâ et rival d ́Ali-Ibn-Ahmed, vint alors à Biskera, sur la demande de Youçof-Ibn-Mansour, et combattit les assiégeants jour et nuit, jusqu'à ce qu'il les força à la retraite. La paix se rétablit entre les deux partis postérieurement à l'an 740 (1339-40).

1 Voy. ei-après dans l'histoire des Abd-el-Quad et dans celle des Mérinides.

Voy. t. 1, p. 82.

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Ensuite eut lieu une autre expédition du caïd Ibn-el-Hakim dans le Zab. Parti de l'Ifrîkïa, il alla menacer les villes du Djerîd et, s'en étant fait payer l'impôt, il emmena comme otage le fils d'Ibn-Yemloul et passa dans le Zab avec son armée et les troupes de ses alliés, les Arabes soleimides. Traversant rapidement cette province, il occupa le village d'Aoumach et força les Douaouida et les autres Arabes riahides à prendre la fuite. Ayant alors reçu un riche cadeau de Youçof-Ibn-MansourIbn-Mozni, il s'éloigna d'Aoumach, passa dans le Rîgh, prit d'assaut et livra au pillage Tuggurt, boulevard de cette contrée, et, après avoir soumis tous les cantons du même pays, il repartit pour Tunis. En l'an 744 (1343-4) le sultan fit mourir ce général distingué.

Quand Abou-Hafs-Omar, fils du sultan [Abou-Yahya-AbouBekr], monta sur le trône, le chambellan Abou-Mohammed-IbnTafraguîn, se voyant desservi par les courtisans et craignant le caractère violent du sultan, s'enfuit à la cour du Maghreb auprès d'Abou - 'l - Hacen, roi dont la puissance menaçait tous les royaumes voisins et dont les armées renfermaient une foule de tribus et de peuples. En l'an 748 (1347-8), Abou-'l-Hacen suivit le conseil de l'ex-chambellan et marcha contre l'Ifrîkïa à la tête d'une multitude de nations. Dans son camp, à Beni-Hacen, il reçut la visite de Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, et, l'avant comblé de faveurs, il l'emmena à Constantine et le confirma dans le gouvernement du Zab et des localités au-delà de ce pays, telles qu'Ouargla et les villages du Righ. Il continua alors sa marche sur Tunis, après avoir recommandé à ce chef d'y apporter l'impôt de ces contrées et d'y escorter les gouverneurs des provinces qui, vers la fin de l'année, devaient venir des régions les plus reculées du Maghreb. Youçof prit ses mesures en conséquence et, quand il apprit l'arrivée de ces fonctionnaires, il alla les joindre à Constantine. Ils y étaient encore quand la nouvelle de la défaite du sultan à Cairouan vint les surprendre. L'émir du Zab se décida alors à rentrer chez lui, et son beau-frère, Yacoub-Ibn-Ali, commandant des nomades qui fréquentaient la partie de l'Ifrikïa qui avoisine Constantine, ac

courut pour le protéger et pour montrer combien il respectait les droits d'amitié et de parenté. Les officiers du sultan qui se trouvaient dans cette ville, ses domestiques, ses gouverneurs de provinces, les ambassadeurs du roi chrétien et les envoyés nègres, toutes les personnes qui y étaient arrivées avec l'émir Abd-Allah, un des plus jeunes des fils du sultan, se joignirent à Youçof et le suivirent à Biskera. Pendant plusieurs mois, il hébergea cette nombreuse compagnie et pourvut à tous leurs besoins. Ce ne fut qu'après l'évasion du sultan et sa rentrée à Tunis, que ces personnages se mirent en route, avec YacoubIbn-Ali, pour se rendre auprès de lui. Youçof-Ibn-Mansour 1 rendit, en cette occasion, un grand service au sultan Abou-'lHacen, et, pendant le reste de ses jours, il mérita la haute faveur de ce monarque et de ses enfants.

Flus tard, quand les chefs des diverses régions de l'Ifrîkïa abandonnèrent le parti d'Abou-'l-Hacen, l'émir du Zab lui resta fidèle. Pendant le séjour du sultan à Tunis, il lui faisait passer de l'argent, et quand ce monarque arriva dans la ville d'Alger, après avoir échappé au naufrage, il continua à lui en envoyer. Après le départ d'Abou-'l-Hacen pour le Maghreb-el-Acsa, dont il espérait reconquérir le trône, ce serviteur dévoué ne cessa de faire célébrer, dans toutes les mosquées de ses états, le service solennel du vendredi au nom de son malheureux souverain. Abou-'l-Hacen mourut, en 752 (1351), dans la montagne des Hintata.

Abou-Einan, fils du sultan Abou-'l-Hacen, entoura alors l'empire mérinide d'une renommée impérissable: après avoir incorporé Tlemcen dans ses états et renversé le trône que les BeniAbd-el-Ouad y avaient établi de nouveau, il réunit sous un même drapeau tous les peuples zenatiens et, en l'an 753 (1352), il dirigea cette armée vers la frontière de l'Afrique orientale. Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni lui envoya alors, spontanément, un écrit par lequel il le reconnaissait pour son souverain, et,

Dans le texte arabe, on a imprimé Yacoub à la place de Mansour.

encore plus tard, il lui offrit ses hommages par l'entremise d'Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abi-Amr, secrétaire et chambellan de ce souverain. Ceci eut lieu à l'époque où Abou-Einan avait mis une armée aux ordres d'Ibn-Abi-Amr afin de soumettre l'Ifrîkïa et de rétablir l'ordre dans la province de Bougie. En l'an 754, cet officier rassembla les émirs des tribus [qui habitaient ce pays], les commandants des populations nomades et les chefs des cantons, et se rendit avec eux auprès du sultan mérinide. Parmi eux se trouvèrent Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, émir du Zab, Yacoub-Ibn-Ali, émir des Arabes nomades, et tous les chefs des Douaouida. Abou-Einan les accueillit avec une bonté parfaite, en considération du dévouement qu'ils avaient montré à sa famille et à son père, et, aux marques d'honneur qu'il leur accorda, il ajouta de riches cadeaux. Youçol-Ibn-Mansour fut confirmé, comme auparavant, dans le gouvernement du Zab, du Righa et de Ouargla; il rentra chez lui, comblé de faveurs, après s'être assuré la bienveillance du sultan et un rang très-honorable à la cour.

En l'an 758 (1357), le sultan Abou-Einan partit pour l'Ifrîkïa avec l'intention de prendre Constantine. Youçof-Ibn-Mozni étant venu le joindre sous les murs de cette forteresse, fut élevé au rang de vizir et admis au nombre des intimes du monarque. Yacoub-Ibn-Ali quitta alors le parti d'Abou-Einan parce que ce prince, voulant assurer l'obéissance du chef arabe et de sa tribu, lui avait demandé plusieurs otages. Il s'était déjà éloigné avec ses gens pour rentrer dans le Zab quand le sultan se précipita sur les parties de ce pays et du Tell qui appartenait au fugitif et y abattit les dattiers, combla les puits, détruisit les édifices et en fit disparaître jusqu'aux vestiges de la civilisation. Yacoub se jeta dans le Désert avec ses tribus et mit le sultan dans l'impossibilité de l'atteindre. Revenu à Biskera, Abou-Einan passa trois jours aux environs de cette ville afin de réorganiser son armée et de lui donner ce repos qu'une expédition fatiguante à travers les sables avait rendu nécessaire. Pendant ce temps, Youçof-IbnMozni leur fournit du fourrage, du blé, de la viande, du sel, de l'huile et tout ce qui pourrait leur rendre ce séjour agréable. Il

pourvut avec une telle abondance à tous leurs besoins que son hospitalité lui a mérité un souvenir immortel. Au sultan il présenta les impôts que le Zab avait fournis cette année-là; ils se composèrent de plusieurs quintaux d'or, que l'on déposa entre les mains de commissaires fidèles, pour le compte du trésor public. Voulant le récompenser de sa générosité, le sultan lui prodigua de riches cadeaux et l'autorisa à porter, lui et tous les membres de sa famille, des habillements pareils à ceux des princes, des princesses et des demoiselles de la famille royale. Il reprit alors la route de sa capitale.

En l'an 759 (1358), Youçof envoya son fils Ahmed auprès du sultan qui tenait alors sa cour à Fez. Ahmed se mit en route avec le vizir Soleiman-Ibn-Dawoud qui rentrait en Maghreb après avoir fait une expédition en Ifrikia, et il emmena avec lui plusieurs chevaux de race et un nombre de beaux esclaves nègres que son père destinait au sultan. Sa réception fut des plus honorables, et son séjour à Fez se prolongea jusqu'à la fin de l'année, quand Abou-Einan mourut. Le régent de l'empire lui douna en retour un cadeau magnifique et le congédia avec des lettres de recommandation aux gouverneurs des territoires et des forteresses qu'il devait traverser. Après la mort du sultan, le feu de la discorde ne tarda pas à se propager dans l'empire mérinide : plusieurs révoltes éclatèrent dans les provinces, et ce ne fut qu'à grand peine et au péril de la vie qu'Ahmed parvint à rejoindre son père. Parti pour se rendre dans son pays, il s'était arrêté à Tlemcen où se trouvait une garnison mérinide, et là il devint le prisonnier d'Abou-Hammou, sultan des Abd-el-Ouad, qui était encore venu s'emparer de l'ancienne capitale de sa famille. Il dut son salut à Sogheir-Ibn-Amer, cheikh des BeniAmer-Ibn-Zoghba, qui le prit sous sa protection à cause de l'amitié qu'il portait à Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni et du désir qu'il avait de ménager à ses Arabes un asile dans le Zab et un protecteur dans Ibn-Mozni. Sogheir lui présenta une forte

A la place de thiab casrihi, le traducteur lit binat casrihi.

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