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dent, et les bourgades de Tennouma et de Badis, du côté de l'orient. Le Zab est séparé de la plaine nommée El-Hodna par des montagnes dont la masse principale se dirige de l'ouest à l'est1 et dont plusieurs cols facilitent les communications entre les deux pays. C'est encore là une partie du Deren [l'Atlas], vaste chaîne qui s'étend sans interruption depuis le fond du Maghreb jusqu'au midi de Barca. L'extrémité occidentale de cette montagne, l'extrémité qui est vis-à-vis du Zab, est habitée par un débris de la tribu des Ghomert, peuple zenatien; l'extrêmité orientale touche à l'Auras, autre montagne bien connue qui domine Biskera et qui forme la limite septentrionale de la plaine du Zab. Dans la suite de cet ouvrage nous donnerons quelques renseignements sur les habitants de l'Auras.

Le Zab est un pays étendu, renfermant de nombreux villages, assez raprochés les uns des autres et dont chacun s'appelle un zab 3. Le premier en est le Zab d'Ed-Doucen; ensuite on trouve le Zab de Tolga, le Zab de Melili et ceux de Biskera, de Tehouda et de Badis. Biskera est la métropole de tous les villages zabiens.

A l'époque où les [Hammadites] rois des Sanhadja, demeuraient dans la Calà-Beni-Hammad et que les dynasties aghlebide et fatemide avaient disparu [de l'Afrique], les cheikhs qui gouvernaient Biskera appartenaient aux Beni-Romman, famille qui était originaire de la ville, et qui tirait son influence du nombre de ses membres et de la possession de presque toutes les fermes voisines. Djâfer-Ibn-Abi-Romman, un de ces cheikhs, laissa une grande réputation. Vers l'an 450 (1058), quand Biskera se révolta contre Bologguîn, fils de Mohammed, ce fut Djâfer qui excita le soulèvement. L'armée sanhadjienne, com

L'auteur aurait du dire: du nord au sud.

Ici l'auteur a écrit du sud au nord; il aurait du mettre de l'est à l'ouest.

• Ziban pluriel de Zab, est le nom par lequel cette région est généralement connue.

• Voy, t. п pp. 47, 48.

mandée par Khalef-Ibn-Abi-Haidera, prit la ville d'assaut et en transporta les chefs à la Calâ, où Bologguîn les fit tous mourir, pour servir d'exemple.

Le conseil administratif de Biskera se composa ensuite des Beni-Sindi, autre famille, de cette ville. Arous-Ibn-Sindi, chef de cette maison, montra un sincère dévouement aux Sanhadja, et cela dans un temps où leur autorité s'était affaiblie et cédait aux atteintes de la décrépitude. Ce fut lui qui fit mourir ElMontacer-Ibn-Khazroun, chef zenatien qui, lors de son retour de l'Orient, avait marché contre le sultan [hammadite] à la tête des Maghraoua, des Arabes athbedjites et des Beni-Adi, tribu hilalienne. Voulant tendre un piége à cet aventurier, le sultan lui céda comme apanage les campagnes du Zab et du Righa; puis, il le fit assassiner par Arous, ainsi que nous l'avons déjà raconté. La chute des Sanhadja entraîna celle des Sindi.

A l'époque où s'éleva la dynastie almohade, les Romman se virent [encore] la famille la plus nombreuse et la plus ancienne de Biskera.

Quant à la famille Mozni, elle formait originairement une petite fraction d'une tribu arabe nomade qui, dans le cinquième siècle de l'hégire, pénétra en Ifrîkïa de compagnie avec l'avant-garde des Beni-Hilal-Ibn-Amer, dont elle s'était fait l'alliée. Les BeniMozni prétendent se rattacher à l'illustre tribu de Mazen, branche des Fezara, mais ils appartiennent en réalité à la tribu de Djora-Ibn-Alouan-Ibn-Mohammed-Ibn-Locman-Ibn-Khalifa-IbnLatif, fraction des Athbedj. Leur aïeul se nommait Mozna-IbnDîfel-Ibn-Mahya-Ibn-Djora. Je tiens ces renseignements d'un généalogiste hilalien, et leur exactitude me paraît démontrée par la position du pays où demeurent les Beui-Mozni : toutes les peuplades du Zab ne sont que des débris de la tribu d'Athbedj; débris qui, n'ayant plus assez de force pour mener une vie nomade, se sont fixés dans les villages du Zab, à l'instar de leurs prédécesseurs en ce pays, les Zenata et les premières bandes des Ara

Voy. t. 1, p. 49.

bes qui vinrent enlever l'Afrique [aux Romains]. Les Mozni, en se représentant comme descendants de Fezara, cherchent à cacher leur véritable origine, et le motif en est parfaitement clair: tous les Athbedj du Zab ont été réduits au rang des peuplades tributaires et corvéables; il fallait donc répudier une telle parenté et se donner une origine illustre.

Les Beni-Mozni s'établirent d'abord dans un village des environs de Biskera nommé Hias. S'étant ensuite multipliés, ils occupèrent, conjointement avec les habitants de Biskera, un grand nombre de fermes et de cours d'eau. Plus tard, ils allèrent se fixer dans la ville même, afin d'être mieux logés et mieux protégés, et ils partagèrent le sort, tantôt favorable, tantôt malheureux, des autres habitants. Leurs chefs devinrent ensuite membres du conseil de la ville et s'attirèrent ainsi la jalousie des Beni-Romman. Cette famille, indignée de voir les Mozni mis au même rang qu'elle, les menaça de sa vengeance et alluma le feu d'inimitié et de haine qui régna désormais entre les deux maisons. La querelle commença par des paroles injurieuses et par un appel au tribunal du sultan, à Tunis. Ceci se passa sous la domination hafside, pendant l'époque où l'émir Abou-Zékérïa et son fils, le sultan El-Mostancer occupaient le trône. Ensuite, les Mozni et les Romman en vinrent à des actes de violence et se livrèrent plusieurs combats dans les rues de Biskera. Le gouvernement hafside fut d'abord assez favorable aux Beni-Romman parce qu'ils formaient la famille la plus ancienne de la ville; [mais, ensuite, il changea de sentiment par suite des événements que nous allons raconter].

L'émir Abou-Ishac, s'étant révolté contre son frère Mohammed-el-Mostancer qui venait d'être proclamé sultan, passa chez les Arabes Douaouida. Mouça-Ibn-Mohammed-Ibn-Masoud-elBolt, qui exerçait alors le commandement de toutes les populations nomades, lui prêta le serment de fidélité et l'emmena daus

Variante: Hamas, localité inconnue.

↑ Dans le texte arabe il faut lire idtaremet à la place d'imtaremet.

le Zab pour y faire le siége de Biskera. Un membre de la famille Mozni, nommé Fadl-Ibn-Ali-Ibn-Ahmed-Ibn-el-Hacen-Ibn-AliIbn-Mozni, embrassa alors la cause de ce prince et força les habitants de la ville à le reconnaître pour souverain. L'arrivée inattendue de l'armée du sultan obligea les insurgés à sortir du Zab. Fadl-Ibn-Ali suivit la fortune d'Abou-Yahya et, l'ayant accompagné en Espagne, il resta avec lui dans cet asile de procrits jusqu'à la mort du sultan El-Mostancer. Cet événement ouvrit à l'émir Abou-Yahya le chemin du trône. Quand le nouveau monarque se fut établi dans Tunis, siége du khalifat, il nomma Fadl-Ibn-Ali-Ibn-Mozni gouverneur du Zab, et fit choix d'Abdel-Ouahed, frère de Fadl, pour gouverner le Djerîd. De cette manière il récompensa leurs fidèles services et le dévouement avec lequel ils avaient partagé son sort dans l'adversité.

Aussitôt que Fadl-Ibn-Mozni fut arrivé à Biskera, les Romman cédèrent devant sa puissance et, pour se conformer au désir du gouvernement hafside, ils reconnurent l'autorité du nouveau chef sans faire la moindre observation. Fadl y avait commandé pendant quelque temps quand le sultan Abou-Ishac tomba sous les coups de l'imposteur Ibn-Abi-Omara. Le sultan AbouHafs vengea la mort de son frère et releva la puissance de l'empire hafside. Ces deux souverains apprécièrent hautement le mérite de Fadl-Ibn-Mozni et lui abandonnèrent, en toute confiance, l'administration du Zab.

Les Beni-Romman, ennemis héréditaires des Boni-Mozni, supportèrent avec impatience la domination d'El-Fadl et, dans l'espoir de s'en délivrer, ils s'adressèrent, en secret, aux AuladHariz, fraction de la tribn de Latif, l'une des branches de la tribu d'Athbedj. Contrainte par sa faiblesse de renoncer à la vie nomade, cette peuplade avait fixé son séjour à Machach, village attenant à Biskera, et, s'étant liée par des mariages aux habitants de cette ville, elle avait fini par identifier ses intérêts avec les leurs. Les Romman s'adressèrent donc aux Harîz et les enga

Voy. t. 1 p. 56, 1. 34 où il faut lire Hariz à la place de Djerir.

gèrent à tomber sur Fadl Ibn-Mozni et à lui arracher le pouvoir et la vie. Ils devaient ensuite détruire de leurs propres mains le village de Machach et se transporter à Biskera, pour y vivre sous la protection des Romman. Leurrés par cette offre, ils se laissèrent tromper au point de former un complot avec les Romman et d'assassiner El-Fadl pendant qu'il se promenait à cheval, en dehors de la ville. Ceci se passa en l'an 683 (1284-5). Les Romman s'emparèrent alors du commandement de la province du Zab et, deux années plus tard, ils rompirent le traité qu'ils avaient conclu avec les Harîz. Ces malheureux furent contraints de quitter la ville et, ne trouvant aucun endroit dans le voisinage pour s'y établir, ils allèrent se disperser dans les cantons du Righa.

Après avoir trahi leurs alliés et répudié l'autorité du sultan, les Romman usurpèrent la présidence du conseil qui gouvernait Biskera et le Zab; mais, les véritables maîtres de cette province étaient les Douaouida, qui en avaient pris possession ainsi que de Nigaous, de Maggara et d'El-Mecîla, dans le Hodna.

Lors de l'assassinat de Fadl-Ibn-Mozni, son fils Mansour se trouvait à Tunis où il s'était rendu pour des affaires, et, par suite des intrigues que les Romman ourdirent contre lui, il encourut la disgrâce du sultan Abou-Hafs et fut mis en prison. Le démembrement de l'empire par Abou-Zékérïa Yahya, fils de l'émir Abou-Ishac qui s'était rendu souverain de Bougie, de Constantine et de Bône, et l'adhésion des habitants du Zab à la cause du sultan Abou-Hafs, amenèrent des changements qui facilitèrent l'évasion de Mansour-Ibn-Fadl. En l'an 694 (1292) il arriva à Bougie, quelque temps après la mort du chambellan Abou-'lHocein-Ibn-Séïd-en-Nas. S'étant alors attaché au secrétaire Abou'l-Cacem-Ibn-Abi-Djebbi, auquel le sultan Abou-Zékérïa venait de confier la place vacante, il réussit, par des services utiles et de riches cadeaux, à gagner la faveur de ce ministre et à se faire nommer gouverneur du Zab. Il prit alors l'engagement de placer ce pays sous l'autorité du sultan de Bougie, et il promit d'envoyer régulièrement à ce prince les impôts de la province. Quand Mansour parut sous les murs de Biskera avec les trou

T. III.

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