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guins auxquels son élévation inspira une profonde jalousie. Cédant aux conseils perfides d'un parent d'Ahmed-Ibn-el-Abed, nommé Ed-Doneiden', ces jeunes gens emprisonnèrent leur frère et se mirent en révolte. Ed-Doneiden n'avait pas été atteint par la proscription dont le sultan frappa les membres de la famille Abed et, pour cette raison, il était resté à Cafsa où il remplissait, avec intelligence et probité, les fonctions de distributeur des eaux de la ville. Invité alors par les notables d'expulser tous les fils d'Et-Toreiki, qu'ils croyaient disposés à faire leur soumission au sultan, il s'empara du commandement que ses aïeux avaient déjà exercé, chassa les Beni-'t-Toreiki et confisqua leurs biens.

Le sultan, voyant les Cafsiens persister dans leur égarement malgré ses remontrances et ses menaces, rassembla une armée, soudoya les Arabes et se mit en marche. Vers le milieu de l'an 795 (mai 1393) il campa sous les murs de Cafsa et, ayant reconnu que les habitants s'y étaient fortifiés, il les attaqua vigoureusement et leur fit éprouver des pertes considérables. Au moyen d'un blocus sévère il leur coupa les vivres et, ensuite, il fit abattre [une partie de] leurs dattiers, afin de faciliter ses communications. Les assiégés étaient réduits à la dernière extrê– mité quand leur cheikh, Ed-Doneiden, se rendit auprès de lui afin de ratifier une capitulation qui devait assurer le salut de la ville et des habitants. En le voyant arriver, le sultan trahit sa parole et le fit arrêter, croyant hâter ainsi la reddition de la place.

Il y avait alors dans Cafsa un autre membre de la famille El→ Abed, nommé Omar-Ibn-el-Hacen. Parti pour le Maghreb après la chute de sa famille, cet homme était ensuite rentré dans le Zab. Quand Ed-Doneiden se fut emparé du commandement, Omar se rendit auprès de lui; mais, quelques jours plus tard, il fut emprisonné par son parent dont il avait encouru les soupçons. Quand les notables de Cafsa apprirent la conduite déloyale du

'La derniére syllabe de ce nom s'écrit avec dal-kesré, noun. Le waou du texte arabe imprimé est de trop.

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sultan, ils se rallièrent à Omar et lui confièrent le commandement. Ensuite, ils cherchèrent à exciter la commisération des tribus arabes et, pour les toucher davantage, ils leurs firent passer de l'argent avec le conseil de ne pas risquer la perte des trésors qu'elles avaient déposés dans la ville. Soula-Ibn-Khaled répondit à leur appel et, profitant de l'éloignement des Arabes, alliés du sultan, lesquels s'étaient répandus dans les environs pour faire paître leurs chameaux, il déploya ses étendards à l'improviste et parut à la tête de son peuple, les Aulad-Abi-'l-Leil. Le sultan abandonna aussitôt ses positions et, étant bien secondé par ses fils et ses officiers, il repoussa les troupes de Soula qui s'étaient mises à sa poursuite. Prenant alors la route de Tunis, il opéra sa retraite en combattant, et il rentra dans sa capitale sans avoir rien laissé gagner à l'ennemi excepté de bons coups de sabre et de lance.

Soula se repentit bientôt de la faute qu'il avait commise et envoya au sultan l'offre de sa soumission; puis, voyant repousser ce témoignage de respect, il passa dans ses quartiers d'hiver, en l'an 796 (1394), et appela auprès de lui Ibn-Yemloul qui avait établi à Biskera son nid de sédition. Ahmed-Ibn-Mozni consentit volontiers au départ de son protégé, être aussi pervers que lui-même. Soula se mit alors en marche avec sa tribu et emmena Ibn-Yemloul devant Touzer, dont il voulait entreprendre le siége; mais, découragé par l'attitude ferme du gouverneur, El-Montacer, il quitta son compagnon et alla dans le Tell avec l'intention d'y passer l'été et d'invoquer encore la clémence du sultan.

Ed-Doneiden, que le monarque hafside avait laissé derrière lui en s'éloignant de Cafsa, se fit introduire dans la ville par quelques-uns de ses partisans, mais il fut arrêté dans son logement et mis à mort par Omar-Ibn-el-Abed. Les habitants eurent alors le regret de voir la présidence de leur conseil administratif usurpé par Omar, et, redoutant les suites de leur rebellion, ils cherchèrent à désarmer la colère du sultan par une prompte soumission. Ce prince accueillit leur repentir, à la condition de pouvoir entretenir chez eux un gouverneur de son choix.

Tels sont les derniers renseignements que j'ai reçus au sujet de cette ville, et j'ignore si le sultan a conclu un traité, soit avec les Cafsides, soit avec Soula.

OMAR, FILS DU SULTAN, EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE SFAX. IL S'EMPARE DE CABES ET DE L'ÎLE DE DJERBA.

L'émir [Abou-Hafs-]Omar, fils du sultan Abou-'l-Abbas, avait été élevé sous les yeux de l'ancien gouverneur de Constantine, l'émir Ibrahîm, dont il était le frère germain. Après la mort d'Ibrahim, il alla demeurer chez son père. Nous avons parlé ailleurs des troubles qui éclatèrent à Tripoli lors de la mort du gouverneur, Abou-Bekr-Ibn-Thabet, et mentionné que Cacem-Ibn-Khalef, le général tripolitain, passa au sultan. En l'an 792 (1390), Cacem fut chargé par ce monarque d'assiéger Tripoli et d'emmener l'émir Omar avec lui. Pendant une année entière, il tint la ville étroitement bloquée, mais, s'étant enfin tout aussi fatigué de la longueur du siége que les habitants euxmêmes, il consentit à recevoir une somme d'argent et à décamper. En l'an 795 (1392-3) l'émir Omar rejoignit son père qui était occupé à bloquer la ville de Cafsa, et lui raconta qu'en passant par Djerba, il avait éprouvé le désagrément de s'en voir refuser l'entrée par Mansour, l'affranchi européen qui y exerçait le commandement. Le sultan lui donna le gouvernement de Sfax pour le consoler, et lui promit de plus celui de Djerba.

Omar se rendit à Sfax et pénétra ensuite dans l'île de Djerba où il rallia autour de lui les tribus berbères qui y faisaient leur séjour. Mansour s'enferma dans le château, nommé El-Cachetîl en langue franque, et écrivit au sultan pour savoir ce qu'il devait faire. En réponse, il eut l'ordre de remettre la forteresse et l'île à l'émir Omar.

'Le chapitre auquel notre auteur renvoie le lecteur se trouve plus loin.

Quelque temps après, Omar s'assura l'appui des habitants d'El-Hamma, ennemis jurés de ceux de Cabes, et s'étant mis en marche avec eux, l'an 796 (1393-4), il surprit cette ville et coupa la tête au gouverneur, Yahya-Ibn-Abd-el-Mélek-IbnMekki. De cette manière, Cabes échappa à la domination de la famille Mekki et devint partie des états d'Omar.

MORT DU SULTAN ABOU-'L-ABBAS. SON FILS, ABOU-FARES-AZOUZ, LUI SUCCEDE.

Depuis quelque temps, le sultan Abou-'l-Abbas souffrait tellement de la goutte que, dans la plupart de ses expéditions, il avait dû se faire transporter en une litière à mulets. Vers la fin de sa vie, les attaques de cette maladie prirent une grande intensité et, en l'an 796 (1393-4), elles le conduisirent au bord du tombeau. Il avait alors pour lieutenant-général son frère Zékérïa, qu'il avait désigné comme héritier du trône et dont le fils Mohammed commandait à Bône.

Les fils du sultan étaient très-nombreux et, comme ils aspiraient tous à l'empire, ils virent avec une jalousie extrême la haute position de leur oncle, et ce ne fut pas sans effroi qu'ils envisagèrent le sort qu'il leur était réservé s'il arrivait au pouvoir plus la maladie de leur père augmentait, plus ils s'abandonnèrent à la consternation. Peu de temps avant de mourir, le sultan envoya à Constantine Abou-Bekr, son fils aîné, avec le diplôme de gouverneur. Les autres frères se rallièrent alors autour d'Abou-Fares-Azouz, second fils du sultan, et ayant arrêté leur oncle Zékérïa, au moment où il entrait au palais pour visiter le souverain malade, ils l'enfermèrent dans un cabinet sous bonne garde. Trois jours après, le sultan mourut; le 4 Châban 796 (6 juin 1394), les princes reconnurent pour souverain leur frère Abou-Fares, et les notables de la ville, accompagnés de toutes les autres classes de la population, s'empressèrent de lui prêter le serment de fidélité. Le nouveau sultan fit saisir et transporter au palais les richesses en tassées dans les maisons de son oncle, auquel il assigna pour demeure une étroite

prison. S'étant alors chargé des soins du gouvernement, il choisit pour lieutenants plusieurs de ses frères et les établit dans les chefs-lieux de l'Ifrîkïa : l'un reçut le gouvernement de Souça, l'autre celui d'El-Mehdïa; un troisième, Ismaîl, se fixa à Tunis en qualité de lieutenant-général de l'empire. Les autres furent élevés à la dignité de conseillers d'état.

La nouvelle de ces changements ébranla l'autorité d'El-Mostancer, gouverneur de Touzer, et l'obligea à se réfugier dans El-Hamma. Abou-Zékérïa, un autre fils du feu sultan, abandonna son commandement à Nefta, et se jeta dans les montagnes de Nefzaoua. Abou-Bekr, le frère aîné, partit pour Constantine peu de temps avant la mort de son père et, en passant par Bône, il trouva chez son cousin, l'émir Mohammed. un accueil très-empressé. Arrivé à sa destination, il fut invité par les officiers commandants à produire son diplôme, et, sur la lecture de cette pièce, il se fit ouvrir la porte de la ville dont il prit aussitôt le commandement.

Mohammed-Ibn-Abi-Hilal, confident du sultan Abou-'l-Abbas, reçut de ce prince, qui était alors sur son lit de mort, l'ordre de se rendre en mission auprès d'Abou-Fares-Abd-el-Azîz qui venait de remplacer, sur le trône du Maghreb, son père, le sultan Abou-'l-Abbas, fils d'Abou-Salem. Il partit dans le mois de Safer 796 (décembre 1393), emportant avec lui des cadeaux tels qu'un sultan doit offrir à un autre. Arrivé à Mîla, il apprit la mort de son maître et, en conséquence d'un ordre que l'émir Abou-Bekr lui expédia de Constantine, il rapporta les cadeaux à cette ville et se fixa auprès du prince gouverneur.

Telles sont les dernières nouvelles dignes de foi que nous avons apprises au sujet des Hafsides, et tel est l'état où ils se trouvent à présent.

HISTOIRE DES BENI-MOZNI, ÉMIRS DE BISKERA ET DE CETTE PARTIE DU ZAB QUI EN DÉPEND.

La ville de Biskera est actuellement la capitale du Zab, région qui a pour limites la bourgade d'Ed-Doucen du côté de l'occi

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