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Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki se hâta d'écrire au sultan et de lui offrir, avec sa soumission, tous les arriérés de l'impôt qu'il lui devait. Il demanda, en même temps, l'envoi d'un officier qui serait autorisé à recevoir cet argent. Le sultan lui expédia un commissaire et repartit pour sa capitale, afin d'y attendre le résultat. Ibn-Mekki différa, sous divers prétextes, l'exécution de ses engagements et finit par renvoyer l'officier avec de belles paroles. Bientôt après, ses affaires prirent une mauvaise tournure, et les Beni-Ahmed, tribu debbabienne qui habitait la campagne de Cabes, se mirent en révolte et marchèrent contre lui. Ils commencèrent par investir sa ville et, ayant obtenu de l'émir Abou-Bekr, seigneur de Cafsa, l'appui d'un corps de troupes, commandées par un caïd, ils pressèrent le siége avec une grande activité. Ibn-Mekki passa alors à l'improviste chez plusieurs habitants de la ville qu'il soupçonnait d'être en correspondance avec l'ennemi et leur ôta la vie. Par cette action il indisposa le peuple et faillit se perdre, mais il parvint ensuite à gagner une bande de brigands arabes de la tribu des Beni-Ali, et, par la promesse de leur donner autant d'argent qu'ils voudraient, il les décida à surprendre de nuit le camp des assiégeants. Ce coup de main fut si bien dirigé que l'armée combinée se dispersa après avoir perdu beaucoup de monde.

La nouvelle de cet événement décida le sultan à marcher contre Cabes. Dans le mois de Redjeb, 784 (oct.-nov., 1379), il forma un camp sous les murs de la capitale et, après y avoir passé quelques jours afin de solder ses troupes et d'en faire l'inspection, il donna à ses alliés, les Aulad-Mohelhel, et à leurs confédérés de la tribu de Soleim le temps d'arriver. Il se porta alors sur Cairouan où il compléta toutes ses dispositions, et de là il marcha sur Cabes. Les chefs des Debbab, tribu soleimide qui fréquentait les environs de cette ville, s'empressèrent d'aller à sa rencontre pour faire leur soumission. Parmi eux se trouvèrent Khaled-Ibn-Sebâ-Ibn-Yacoub, cheikh des Mehamid, et son cousin, Ali-Ibn-Rached. Encouragé par leurs représentations, il accourut pour mettre le siége devant Cabes après avoir fait sommer Ibn-Mekki de se rendre. Ce chef astucieux renvoya les

il

messagers avec des assurances de repentir et de soumission, puis, ayant fait emballer ses trésors et charger ses montures, quitta la ville et passa chez les Debbab. Son fils Yahya l'y accompagna ainsi que son petit-fils, Abd-el-Ouahed-Ibn-Mekki, dont le père était mort depuis plusieurs années.

Le sultan se hâta d'arriver à Cabes où il fit son entrée, dans le mois de Dou-'l-Câda 781 (février-mars 1380), et s'étant aussitôt emparé des maisons et des palais appartenant à IbnMekki, il accueillit la soumission des habitants et leur donna pour gouverneur un de ses officiers. Déjà, un peu avant son arrivée, il avait rencontré une députation qui lui apportait la soumission d'Abou-Bekr-Ibn-Thabet, seigneur de Tripoli; aussi, quand il eut occupé Cabes, il envoya des agents auprès d'IbnThabet pour éprouver son obéissance et obtenir la ratification de ses promesses.

En quittant Cabes, Ibn--Mekki passa chez les Arabes nomades, où il mourut au bout de deux ou trois jours. Son fils et son petit-fils se rendirent à Tripoli et, ne pouvant obtenir d'Ibn-Thabet la permission d'y entrer, ils allèrent à Zenzour, village qui dépend de cette ville, et se mirent sous la protection des Djouari, population debbabienne.

Le sultan ayant effectué la conquête de Cabes et terminé toutes ses dispositions, reprit le chemin de la capitale. Il y arriva vers le commencement de l'an 782 (avril-mai 1380) et reçut une ambassade qui lui apporta, de la part d'Ibn-Thabet, une quantité d'effets et d'esclaves comme équivalent de la contribution imposée sur ce chef. Quand il se fut réinstallé dans Tunis, il accueillit favorablement une députation envoyée par les AuladAbi-'l-Leil, qui vint lui déclarer que cette tribu s'abandonnait à à sa merci et à sa miséricorde. Leur cheikh, Soula-Ibn-Khaled, se présenta alors et fit sa soumission à l'exemple d'Abou-Sânouna, cheikh des Hakim, qui s'y était rendu avant lui. Sur la demande du sultan, ils lui donnèrent leurs fils comme ôtages et, depuis ce temps, ils lui sont restés fidèles ainsi que la fortune et la victoire. Nous sommes maintenant au commencement de l'année 783 (avril 4384).

IBN-MOZNI FAIT SA SOUMISSION.

Quand les chefs du Djerîd et du Zab virent le sultan triompher des graves difficultés qui l'avaient empêché de tourner ses armes contre eux, ils commencèrent à craindre les suites de leur insoumission et cherchèrent à se garantir du danger en suscitant de nouveaux embarras au souverain de Tunis. Croyant reconnaître dans Abou-Hammou Il, sultan de Tlemcen, une personne capable de les protéger en donnant de l'occupation à leur ennemi, ils conçurent le projet d'une alliance avec lui. «< Alors, pensèrent-ils, nous le pousserons à des hostilités contre >> Tunis, ainsi que l'on y poussa autrefois ses prédécesseurs, » Abou 1-Hammou I et Abou-Tachefin. >> Ce fut là un calcul

qui péchait par sa base, vù les malheurs qui avaient accablé les Beni-Abd-el-Ouad dans ces derniers temps, ainsi que la dispersion, la ruine de ce peuple, par la guerre civile et la guerre extérieure. Ahmed-Ibn-Mozni, seigneur de Biskera, fut le premier à tenter cette démarche; l'exemple de ses aïeux et la proximité de ses états à ceux de Tlemcen l'y invitèrent également. Les autres chefs, aveuglés par l'ambition, s'empressèrent de l'imiter.

Vers cette époque, l'émir Abou-Zian, fils du sultan AbouSaid, et cousin d'Abou-Hammou, passa chez Ibn-Yemloul, à Touzer, après s'être vu abandonner par Salem-Ibn-Ibrahîm, chef de la tribu des Thâleba. Salem avait embrassé la cause de ce prince et s'était mis en campagne avec lui; mais, au bout de quelques jours, il le renvoya et se rallia de nouveau au parti d'Abou-Hammou. Ceci se passa en l'an 778 (1376-7). AbouZîan sortit alors des états du roi de Tlemcen et arriva à Touzer. Ibn-Yemloul lui donna l'hospitalité et expédia un courrier à Ahmed - Ibn-Mozni pour lui annoncer cette nouvelle. Rien ne

Le texte arabe des manuscrits porte: Ibn.

pouvait faire plus de plaisir à ce coryphée de séditieux qu'une telle communication; il résolut de tenir Abou-Zîan sous la main, afin de contraindre Abou-Hammou à faire les volontés des chefs djeridiens. Dès lors, leurs courriers ne cessèrent de se rendre à Tlemcen et d'en revenir; mais, à la fin, les envoyés se fatiguèrent d'une négociation qui s'embrouillait chaque jour davantage, et ils ne purent obtenir d'Abou-Hammou que la promesse de leur être bon voisin et de les soutenir, pourvu qu'ils le garantissent contre les tentatives d'Abou-Zian.

On était encore à traiter cette affaire, quand Abou-'l-Abbas pénétra dans le Djerîd, après avoir dispersé les Aulad-Abi-'lLeil, cette tribu qui s'était engagée envers les chefs insurgés de lui défendre l'entrée de leur pays. Cafsa, Touzer et Nefta étant tombés au pouvoir du sultan hafside, Yahya-Ibn-Yemloul emmena Abou-Zian à Biskera et descendit chez Ibn-Mozni où il mourut peu de temps après.

Yacoub-Ibn-Ali, cheikh des Riah, s'inquiéta des suites que devaient avoir ses liaisons avec cette bande de factieux ; il se rappela avec effroi l'appui qu'il leur avait donné et son extrême empressement à excuser leur conduite; voyant aussi d'un œil jaloux les riches cadeaux que recevaient ses rivaux, les Douaouida, la haute faveur dont ils jouissaient auprès du sultan depuis leur adhésion à la cause des Hafsides, il céda au mécontentement qui l'agitait et, vers le commencement de l'an 782 (avril 1380), il partit pour Tlemcem. Son intention était d'entraîner Abou-Hammou à lever des troupes et à courir au secours de la coalition djeridienne. S'étant arrêté chez ses alliés, les Aulad-Arîf de la tribu de Soueid, il envoya son fils auprès d'Abou-Hammou pour le pousser à la guerre. Dans sa réponse, ce monarque refusa son appui aux chefs dù Djerîd, sous le prétexte d'un refroidissement survenu entre lui et le sultan du Maghreb; mais, en réalité, il voulait se tenir en observation et profiter du moment où ils se croiraient menacés par Abou-'lAbbas, pour se faire livrer Abou-Zian. Il donna même à entendre d'une façon détournée, qu'il volerait à leur défense s'ils consentaient à jeter ce prince dans le fond d'une prison.

Pendant l'absence de Yacoub-Ibn-Ali, le sultan Abou-'l-Abbas éprouva une légère indisposition, et la nouvelle s'en étant répandue, une vive agitation se déclara parmi les factieux du Djerîd. Les partisans de la famille Yemloul en firent aussitôt avertir le fils de Yahya-Ibn-Yemloul, qui était resté à Biskera depuis la mort de son père. Ibn-Mozni approuva le désir de ce jeune homme qui voulait passer dans le Djerîd avec ses amis, et, sans se donner la peine de prendre des renseignements sur l'état du sultan, il les y expédia sur-le-champ afin de surprendre la ville de Touzer. Un corps d'Arabes fut soldé pour le même objet et partit avec eux. A la suite d'une marche rapide, ils arrivèrent devant cette ville, qui était alors presque dégarnie de troupes. El-Montacer, le prince qui y commandait, rassembla aussitôt ses amis et combattit avec une telle bravoure qu'il repoussa les assaillants. A la suite de cette tentative, qui avait mis au grand jour les bonnes dispositions des habitants de Touzer et leur fidélité au sultan, Ibn-Yemloul partit pour Biskera, frustré dans son espoir, accablé de chagrin et craignant de nouveaux malheurs. Au moment où il rentra dans cette ville, Yacoub-Ibn-Ali y arriva aussi, venant du Maghreb, et leur reprocha amèrement une expédition entreprise pendant son absence et dont le résultat devait être une rupture avec le sultan, rupture complète et irréparable.

Aussitôt qu'Abou-'l-Abbas eut connaissance de l'attaque de Touzer et de la complicité d'Ibn-Mozni dans ce coup de main, il prit la résolution de marcher sur Biskera. Ayant, en conséquence, établi son camp en dehors de Tunis, il distribua de l'argent aux troupes pour leur entrée en campagne et fit apprêter les machines de siége. A la nouvelle de ces préparatifs, les chefs insoumis tinrent un conseil et, après y avoir épuisé toutes les ressources de leur esprit, ils adoptérent l'avis de mettre AbouZian aux arrêts afin d'obtenir les secours qu'Abou-Hammou leur avait promis. Sous le prétexte de quelque boutade qui aurait échappé à leur protégé, ils n'hésitèrent pas à trahır les engagements pris avec lui, et, aussitôt après son arrestation, ils expédièrent un courrier à Abou-Hammou, afin d'obtenir

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