Images de page
PDF
ePub

descendants des conquérants arabes qui habitaient encore son pays. Cette troupe s'accrut ensuite des contingents berbères, de sorte qu'El-Moëzz put aller à la rencontre de l'ennemi avec une armée très nombreuse, composée, dit-on, d'environ trente mille combattants.

Les tribus arabes de Rîah, Zoghba et Adi se postèrent au midi de Haideran, lieu des environs de Cabes. Quand les deux armées se trouvèrent en présence, l'ancien esprit national porta les descendants des Arabes qui, les premiers, avaient subjugué le Maghreb, à se détacher d'El-Moëzz pour passer aux Hilal. Alors les Zenata et les Sanhadja l'abandonnèrent aussi, de sorte qu'il dut s'enfuir avec les gens de sa maison, et se réfugier dans Cairouan. Ses trésors, ses bagages et ses tentes devinrent la proie des vainqueurs. L'on dit que dans cette affaire les Sanhadjiens perdirent, à eux seuls, trois mille et trois cents hommes. Ce fut à propos de cette journée qu'Ali-Ibn-Rize, de la tribu de Riah, prononça le poème qui commence ainsi :

L'image d'Omaima [ma bien-aimée,], se présenta à minuit auprès de ma couche; [mais j'étais déjà parti] et nos montures couraient en pressant le pas.

C'est dans cette pièce que l'on trouve les vers suivants : Oui! le fils de Badis est un excellent roi, mais ses sujets ne sont pas des hommes.

Trente mille d'entre eux furent mis en déroute par trois mille des nôtres! ce fut là un coup à faire perdre l'esprit.

Quelques personnes attribuent ce poème à Ibn-Cheddad 1. Les Arabes vinrent alors bloquer El-Moëzz dans Cairouan, et pendant ce long siège, ils portèrent la dévastation dans les campagnes et les villages des alentours. Ils n'épargnèrent même pas les lieux où la vengeance d'El-Moëzz s'était déjà fait sentir, parce qu'il en avait soupçonné les habitants d'être d'accord avec eux.

1. Abou-Mohammed-Abd-el-Azîz-Ibn-Cheddad, surnommé Izz-edDin (gloire de la religion), était petit-fils de Temîm, fils d'El-MoëzzIbn-Badis. Il composa une histoire de Cairouan et de l'Afrique septentrionale, intitulée El-Djemê-ou-el-Beian, etc. Il mourut en 501 (1107-8).

Les gens de la campagne se réfugièrent dans Cairouan, et comme les Arabes continuaient à en presser le siège et à commettre des ravages épouvantables, les habitants finirent par s'enfuirà Tunis et à Souça.

Toute la province de l'Ifrîkïa fut pillée et saccagée, et en l'an 445 (1053-4) les villes d'Obba et de Laribus tombèrent au pouvoir des Arabes. Pendant ce temps les Zoghba et les Rîah se tenaient aux environs de Cairouan. Mounès, étant alors venu camper sous les murs de la ville, accorda sa protection aux membres de la famille Ziri [famille dont El-Moëzz faisait partie], et les conduisit à Cabes et autres lieux. Les Arabes s'emparèrent ensuite du pays de Castîlïa, et un de leurs chefs, Abed-Ibn-Abi'l-Ghaith, ayant entrepris une expédition contre les Zenata et les Maghraoua, s'en revint avec un fort butin.

En l'an 446 (1054-5), les Arabes se partagèrent les villes de l'Ifrîkïa : la tribu de Zoghba s'appropria la ville et la province de Tripoli, pendant que la tribu de Mirdas, branche de celle des Rîah, occupa Bedja et les lieux voisins. Un nouveau partage se fit plus tard, et la région située au couchant de Cabes devint la propriété des tribus de Riah, Zoghba, Makil, Djochem, Corra, Athbedj, Cheddad, Kholt et Sofyan, branche de la grande tribu de Hilal. De cette manière, l'empire d'El-Moëzz se morcela et lui échappa. Abed-Ibn-Abi-'l-Ghaïth s'empara de Tunis et réduisit les habitants en esclavage, pendant qu'Abou-Masoud, un autre de leurs chefs, prit la ville de Bòne par capitulation.

Quant à El-Moëzz, il chercha sa sûreté en mariant ses trois filles aux émirs arabes, Farès-Ibn-Abi-'l-Ghaith, Abed-Ibn-Abil-Ghaith et El-Fadl-ben-Bou-Ali, le Mirdacide. En l'an 448, il donna à son fils Temîm le commandement d'El-Mehdia, et l'année suivante, il se fit escorter à Cairouan [lisez El-Mehdia par les chefs arabes, ses gendres. Comme les Arabes ne tardèrent pas à l'y suivre, il s'embarqua et partit [pour Tunis]. Le lendemain, son fils, El-Mansour [qu'il avait laissé à Cairouan], informa les habitants du départ de leur sultan. Alors ceux-ci évacuèrent la ville sous la conduite d'El-Mansour et de la troupe des nègres [que le gouvernement san

hadjien entretenait à son service]. Les Arabes y pénétrèrent aussitôt après, et commencèrent l'œuvre de dévastation, pillant les boutiques, abattant les édifices publics, et saccageant les maisons; de sorte qu'ils détruisirent toute la beauté, tout l'éclat des monuments de Cairouan. Rien de ce que les princes sanhadjiens avaient laissé dans leurs palais n'échappa à l'avidité de ces brigands: tout ce qu'il y avait dans la ville fut emporté ou détruit; les habitants se dispersèrent au loin, et ainsi fut consommée cette grande catastrophe.

Les Arabes marchèrent ensuite contre El-Mehdïa et réduisirent cette ville à la dernière extrémité en lui coupant les communications et les vivres.

Après avoir renversé le pouvoir des Sanhadja, les envahisseurs tournèrent leur armes contre les Zenata et leur enlevèrent tout le pays ouvert. La guerre entre ces deux peuples ne se termina pas de si tôt, et un descendant de Mohammed-Ibn-Khazer, qui régnait à Tlemcen, plaça un corps de troupes sous les ordres de son vizir Abou-Soda-Khalîfa-el-Ifréni, et l'envoya combattre les Arabes. Il s'ensuivit une longue série d'hostilités; mais, dans une dernière bataille, l'armée d'Abou-Soda fut mise en déroute et lui-même y perdit la vie.

Tous ces événements ébranlèrent profondément la prospérité de l'Ifrîkïa; la dévastation s'étendit partout, et une foule de brigands interceptaient les routes et dépouillaient les voyageurs.

A cette époque, le commandement des Zenata et des Berbères nomades était partagé entre quatre grandes familles, les Ifren, les Maghraoua, les Quémannou et les Ilouman. Après avoir vaincu les Sanhadja et enlevé aux Zenata les pays ouverts de l'Ifrîkïa, les Arabes conquirent encore la province du Zab; et ayant subjugué tous les Berbères de cette région, ils les accablèrent d'impôts et de contributions.

Lors de leur entrée en Ifrikïa, les Arabes avaient à leur tête plusieurs chefs de grand renom. De ces personnages, les plus célèbres furent Hacen-Ibn-Serhan, son frère Bedr-Ibn-Serhan, et Fadl-Ibn-Nahed (ces trois guerriers tiraient leur origine de Doreid, un descendant d'Athbedj); puis Madi-Ibn-Mocreb de la

tribu de Corra, Selama-Ibn-Rizc, de la famille de Kethîr (branche de Kerfa, tribu qui forme une subdivision de la grande tribu des Athbedj), Chebana-Ibn-Ohaïmer, son frère Solaïcel (que l'on dit appartenir aux Beni-Atïa, branche des Kerfa), Diab-IbnGhanem de la tribu de Thaur, et Mounès-Ibn-Yahya, que l'on fait descendre de Mirdas, c'est-à-dire Mirdas de la tribu de Riah, personnage qu'il ne faut pas confondre avec Mirdas de la tribu de Soleim. En effet, il appartenait aux Sinber, famille de la tribu de Mirdas le Rîahide. Les autres chefs marquants étaient Zeid-Ibn-Zidan, de la tribu de Dahhak, Tholeïdjan-Ibn-Abes, de celle de Himyer, Zeid-el-Addjadj-Ibn-Fadel, que l'on dit être mort avant l'arrivée de sa tribu [en Ifrîkïa], Farès-IbnAbi-'l-Ghaith, son frère Abed, et El-Fadl-Ibn-Abi-Ali, chefs que leurs historiens font descendre de Mirdas (c'est-à-dire. Mirdas le Riahide).

Tous les personnages que nous venons de nommer sont mentionnés dans les poèmes de ces Arabes. Le Dîab-Ibn-Ghanem de cette liste leur servit d'éclaireur lors de l'invasion de l'Ifrîkïa, et pour cette raison ils lui avaient donné le surnom d'AbouMokheiber (l'homme aux renseignements).

A cette époque, les Arabes envahisseurs formaient quatre grandes tribus, toutes issues de Hilal-Ibn-Amer, savoir: Zoghba, Rîah, El-Athbedj et Corra. Quelquefois on désigne la tribu d'Adi comme ayant été avec elles, mais nous n'avons rien pu découvrir de son histoire, et on ne connaît actuellement aucune peuplade qui tire son origine de cette famille. On peut donc supposer qu'elle s'est éteinte, ou, qu'étant numériquement fort réduite, elle s'est dispersée dans les autres tribus. On cite aussi parmi elles la tribu de Rebià, mais nous ne connaissons à présent aucune peuplade de ce nom, à moins que ce ne soit celle qu'on appelle les Makil, ainsi que le lecteur verra plus tard.

Avec la tribu de Hilal, il entra en Ifrikïa une foule mélangée, composée d'Arabes appartenant aux tribus des Fezara et d'Achedja (branches de celle de Ghatafan), de Djochem-IbnMoaouia-Ibn-Bekr-Ibn-Houazen, de Seloul-Ibn-Morra-IbnSâsâ-Ibn-Moaouïa, d'El-Makil, branche de la grande famille des

Arabes yémenites, d'Anéza-Ibn-Aced-Ibn-Rebiâ-Ibn-Nizar, de

Thaur-Ibn-Moaouïa-Ibn-Abbada-Ibn-Rebiât-el-Bekka-Ibn

Amer-Ibn-Sâsà,

d'Adouan-Ibn-Omar-Ibn-Caïs-Ibn-Ghaïlan, et

de Matroud, famille de la tribu de Fehm-Ibn-Caïs '.

Mais toutes ces fractions de tribu étaient, pour ainsi dire, englobées dans la tribu de Hilal et surtout dans la tribu-branche d'El-Athbedj, parce que cette famille exerçait le commandement sur toutes les autres lors de leur entrée en Ifrîkia.

Quant à la tribu de Corra, autre branche de celle de Hilal, ce ne fut ni sous l'administration d'El-Yazouri ni sous celle d'ElDjerdjeraï qu'elle passa le Nil pour se rendre en Ifrîkïa; vu qu'elle était déjà à Barca lors du règne d'El-Hakem le Fatemide. L'on sait que le souvenir de ses démêlés avec la dynastie fatemide-égyptienne et avec celle des Sanhadja sub siste encore. Elle fait remonter son origine à Abd-Menaf-Ibn-Hilal, comme on le voit par les vers suivants d'un poète appartenant à la race des Arabes nomades:

Nous trouvâmes en eux cette indulgence que nous avions sollicitée ; et certes, des Arabes aussi doux que braves n'ont aucun défaut.

Mais Dorra, [descendue] de Menaf, et toute sa race se voient maintenant repoussées loin de là: ainsi nous sûmes obtenir ce leurs ruses n'avaient pu atteindre.

que

Trois mille d'entre les Corra perdirent la vie; véritable consolation pour le cœur de nos blessés 2.

Et un autre de leurs poètes a dit :

Seigneur! protège tes créatures contre chaque malheur qui les menace; mais ne protège point la tribu qui garde [ces terres contre nous].

1. Voy., pour l'histoire de ces tribus, l'Essai de M. C. de Perceval. 2. Ces vers, ainsi que les suivants, sont remplis de fautes de toute nature; les auteurs y ont violé d'une manière vraiment barbare les règles de la grammaire, de la prosodie et de l'orthographe; et malgré toutes ces licences, ils n'ont pas pu exprimer leur pensée d'une manière claire.

« PrécédentContinuer »