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d'Ed-Daher-li-Dîn-illah-Ali, fils d'El-Hakem-bi-Amr-illahMansour, fils d'El-Azîz-billah-Nizar, fils d'El-Moëzz-li-Dîn-illahMâdd, émir de l'Ifrikia. Ainsi, de même que ses pères, il tenait son autorité des souverains Fatemides, fait sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Agé seulement de huit ans, il n'avait aucune connaissance des principes du gouvernement, aucune expérience des affaires, mais il appartenait à une famille très puissante et très fière. Ed-Daher mourut en 427 (1036) et eut pour successeur son fils El-Mostancer-billah-Mâdd, celui qui régna plus longtemps qu'aucun des khalifes de l'Islamisme: ayant gouverné soixante-quinze ans, disent les uns, soixantecinq, disent les autres. La vérité est qu'il régna soixante-treize ans, puisqu'il mourut vers la fin du cinquième siècle de l'hégire 2. El-Moëzz, fils de Badîs, eut pour les doctrines sonnites (orthodores) un certain penchant qu'il laissa quelquefois paraître 3. Ainsi, vers le commencement de son règne, il lui arriva, en faisant une promenade, d'invoquer à haute voix le secours des deux cheikhs les khalifes Abou-Bekr et Omar, dans un moment où il voyait que son cheval allait s'abattre sous lui. Les gens du peuple ayant entendu ces paroles, commencèrent à massacrer les Rafédites, et à proclamer hautement la doctrine orthodoxe : ils en firent publiquement la profession et supprimèrent les paroles venez à l'excellente œuvre (hai ala khair il âmel) que les Fatemides avaient insérées dans l'adan, ou appel à la prière.

1. Il y a une double erreur dans ce paragraphe : El-Moëzz, fils de Badis, succéda au trône en l'an 406, et sa nomination fut confirmée, non pas par Ed-Daher, mais par son père, El-Hakem. L'acte de confirmation arriva à Cairouan vers la fin de l'année suivante. Dans cette pièce, le gouvernement Fatemide accorda à El-Moëzz le titre de Chéref-ed-Dola Thonneur de l'empire). En-Nouaïri, man, ar. de la Bibl. nat., anc.

fonds, n° 702, fol. 37.

2. Il mourut en l'an 487. Ce fut son fils El-Mostàli qui mourut en 495. 3. Ibn-el-Athir dit, dans ses Annales, sous l'année 406, qu'El-Moëzz porta le peuple de l'Ifrikïa à adopter le rite de Malek, eux qui auparavant avaient suivi celui d'Abou Hanifa.

4. Le mot rafedi signifie hérétique. Il s'applique surtout aux partisans des Fatemides.

Ed-Daher ferma les yeux sur cet événement; son fils et successeur, El-Mostancer, ne parut y faire aucune attention non plus; aussi El-Moëzz, en ayant rejeté tout le blâme sur le peuple, vit agréer ses excuses. Dès lors, ce prince continua à faire la prière au nom du khalife [fatemide] et à lui envoyer les présents d'usage. Pendant tout ce temps, il entretenait une correspondance écrite avec Abou-'l-Cacem-Ahmed-el-Djerdjeraï, vizir deces deux souverains, gouverneur de leur empire et directeur de toutes leurs affaires. Cherchant ainsi à le mettre dans ses intérêts, il lançait des sarcasmes contre les descendants d'Obeid-Allah [les Fatemides] et contre leurs partisans. El-Djerdjeraï fut surnommé El-Actà (le mutilé) parce qu'El-Hakem lui avait fait couper les mains pour crime de péculat. Lors de cet événement, toute l'autorité dont ce vizir avait disposé passa entre les mains de Sittel-Molk, [sœur d'El-Hakem et grand-]tante d'El-Mostancer. En l'an 414 (1023-4), après la mort de cette princesse, El-Djerdjeraï rentra au pouvoir, et il y resta jusqu'à la fin de ses jours. Il mourut en 436 (1044-5). Son successeur dans le vizirat, Abou-Mohammed-el-Hacem-Ibn-Ali, portait le surnom d'ElYazouri, parce qu'il était originaire d'un village de la Palestine [appelé Yazour1], où son père avait été matelot?.

Quand El-Yazouri fut élevé à ces hautes fonctions, les gouverneurs des provinces se dispensèrent de lui donner, dans leurs dépêches, le titre de monseigneur (moulaï), ce qui le piqua au vif. Il en fit même des reproches à Thomal-Ibn-Saleh, seigneur d'Alep, et à Moëzz-Ibn-Badîs, seigneur de l'Ifrîkïa. Dès lors, ces deux princes le prirent en aversion. El-Moëzz fit même serment de répudier la souveraineté des Fatemides, de faire la prière publique au nom des Abbacides, et d'empêcher que celui du khalife obeidite (fatemide) fût prononcé du haut d'aucune chaire

1. Dans le Meracid, dictionnaire géographique arabe, on lit que Yazour est un village maritime des dépendances de Ramla, dans la Palestine.

2. Peut-être, à la place de mellah (marin), faut-il lire fellah (agriculteur, paysan); Ibn-el-Athir et En-Nouaïri disent effectivement que le père d'El-Yazouri appartenait à la classe des cultivateurs.

dans tout son empire. Ayant persisté à remplir son vœu, il fit couper aux robes de cérémonie et aux étendards la bordure dans laquelle les noms des princes fatemides se trouvaient tissés1, et ayant reconnu pour souverain Abou-Djâfer-el-Caïm, fils d'ElCader, l'Abbacide, il ordonna qu'on fît le [khotba] au nom de ce khalife et que l'on offrît des prières pour sa prospérité du haut de toutes les chaires. Ceci eut lieu en 437 (1045-6).

Le khalife de Baghdad ayant reçu l'acte par lequel El-Moëzz reconnaissait son autorité, lui envoya, par Abou-'l-Fadl-el-Baghdadi, le diplôme d'investiture et les robes d'honneur. On fit la lecture de cette pièce dans la grande mosquée. de Cairouan; on y déploya les étendards noirs et on démolit la maison des Ismaïliens3.

Quand cette nouvelle parvint à El-Mostancer, khalife de l'Égypte, et à ses sectateurs, les rafédites ketamiens, ainsi qu'aux autres partisans de la dynastie fatemide, ils en ressentirent une douleur extrême, et dans le trouble que cet événement leur inspira, ils demeurèrent frappés de consternation.

Nous avons déjà fait observer que les tribus hilaliennes se trouvaient cantonnées dans le Saïd. Elles se composaient des Djochem, des El-Athbedj, des Zoghba, des Rîah, des Rebiâ et des Adi; populations dont la présence sur ce territoire y répandait la dévastation et nuisait non seulement à la province mais à l'empire. Le vizir El-Yazouri donna le conseil de gagner ces tribus, d'en revêtir les chefs du commandement des provinces de l'Ifrîkïa et de les envoyer faire la guerre à la dynastie des San

p. 287.

1. Voy. la Chrestomathie de M. de Sacy, t. II, 2. Le noir était la couleur distinctive de la dynastie abbacide. (Voy. l'extrait des Prolégomènes de notre auteur, inséré par M. de Sacy dans sa Chrestomathie, t. II, p. 265.)

3. Les Ismaïliens étaient partisans des Fatemides. La maison qu'ElMoëzz fit démolir fut sans doute un établissement semblable à celui que les Fatemides avaient fondé au Caire et qui portait le nom de la Maison de la Sagesse. On y enseignait les doctrines secrètes de la secte fatemide. (Voy. l'Exposé de l'Histoire des Druzes, de M. de Sacy, t. I, pages CCLXXX et cccx11.)

hadja. « De cette manière, disait-il, les Arabes deviendront >> amis dévoués des Fatemides et formeront une excellente armée » pour la protection de l'empire. Si, comme on le doit espérer, » ils réussissent à vaincre El-Moëzz, ils s'attacheront à notre >> cause et se chargeront d'administrer l'Ifrîkïa en notre nom; » de plus, notre khalife se sera débarrassé d'eux. Si, au contraire, l'entreprise ne réussit pas, peu nous importe ! Dans » tous les cas, mieux vaut avoir affaire à des Arabes nomades » qu'à une dynastie sanhadjite. » Cet avis fut accueilli avec transport.

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On a raconté, mais à tort, que ce fut Abou-'l-Cacem-el-Djerdjeraï qui donna ce conseil et qui fit entrer les Arabes en' Ifrîkïa.

En conséquence de la décision que l'on venait de prendre, ElMonstancer, en l'an 441 (1049-50), envoya son vizir auprès des Arabes. Ce ministre commença par faire des dons peu considérables aux chefs, une fourrure et une pièce d'or à chaque individu, - ensuite il les autorisa à passer le Nil en leur adressant ces paroles: « Je vous fais cadeau du Maghreb et du royaume. » d'El-Moëzz-Ibn-Badîs le Sanhadjite, esclave qui s'est soustrait » à l'autorité de son maître. Ainsi, dorénavant, vous ne serez plus dans le besoin ! »

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Il écrivit alors au gouvernement du Maghreb une lettre ainsi

conçue:

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Nous vous envoyons Des coursiers rapides hommes intrépides - Pour accomplir telle chose.

destin décide!

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Les Arabes, animés par l'espoir du butin, franchirent le Nil et allèrent occuper la province de Barca. Ayant pris et saccagé les villes de cette région, ils adressèrent à leurs frères qu'ils avaient laissés sur la rive droite du Nil une description attrayante du pays qu'ils venaient d'envahir. Les retardataires s'empressèrent d'acheter la permission de passer le fleuve ; et comme cette faveur leur coûta une pièce d'or pour chaque individu, le gouvernement égyptien obtint non seulement le remboursement des sommes qu'il venait de leur distribuer, mais encore bien au delà.

Ces envahisseurs se partagèrent alors le pays, de sorte que la

partie orientale en échut aux Soleim et la partie occidentale aux Hilal. Ils dévastèrent ensuite El-Medina-t-el-Hamra, Adjedabia, Asmou et Sort. La tribu soleimide de Héïb se fixa sur le territoire de Barca avec ses confédérés, les Rouaha, les Nacera et les Omeira; mais les Debbab, les Auf, les Zoghb et toutes les familles hilaliennes se précipitèrent sur l'Ifrikïa comme une nuée de sauterelles, abîmant et détruisant tout ce qui se trouvait sur leur passage.

Ce fut en l'an 443 (1051-2) que les Arabes entrèrent en Ifrîkïa. Mounès-Ibn-Yahya-es-Sinberi, émir des Rîah, fut le premier qui y pénétra. El-Moëzz chercha aussitôt à gagner l'appui de ce chef, et l'ayant fait venir auprès de lui, il le déclara son ami et lui donna sa fille en mariage. Ensuite, il lui proposa d'attirer les Arabes des stations éloignées où ils s'étaient arrêtés, afin de pouvoir accabler par leur nombre et avec leur secours [les princes de la famille de Hammad] ses collatéraux, qui se tenaient en révolte contre lui dans la partie occidentale de l'empire. Après quelque hésitation, Mounès y donna son consentement et appela les Arabes. Ces nomades se mirent aussitôt à dévaster le pays en proclamant partout l'autorité d'El-Mostancer-Billah, le khalife [fatemide]. Ils défirent aussi l'armée sanhadjienne et les corps de troupes alliées qu'El-Moëzz avait fait marcher contre eux. Ce prince si rempli d'orgueil fut outré de cet échec; transporté de colère, il arrêta le frère de Mounès, et ayant dressé son camp en dehors de Cairouan, il envoya demander des secours à son cousin El-Caïd-Ibn-Hammad-Ibn-Bologguîn, seigneur de la Calà des Beni-Hammad. El-Caïd leva une troupe de mille cavaliers et la lui envoya. Les Zenata nomades, auxquels il avait aussi adressé un appel, lui envoyèrent un autre millier, tous tirés de la famille d'El-Montacer-Ibn-Khazroun-el-Maghraouj et commandés par lui-même. El-Montacer était un des chefs les plus puissants de la nation zenatienne, et au moment où on lui demanda sa coopération, il se trouvait, avec ses nomades, dans les campagnes de l'Ifrikïa.

El-Moëzz se mit alors en marche avec ses alliés, les partisans de sa famille, ses domestiques, ses amis, et le petit nombre des

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