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APPENDICE.

I

TRADITIONS ANCIENNES RELATIVES A L'ÉTABLISSEMENT DES MUSULMANS EN L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE'.

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Quand les Berbères étaient dans la Palestine, ils eurent pour roi Djalout (Goliath), lequel fut tué par Dawoud (David). Ils émigrèrent alors vers l'Occident (El-Maghreb) et vinrent jusqu'à Loubïa (la Libye) et Merakïa (la Marmarique), deux provinces de l'Égypte occidentale, situées dans la région à laquelle l'eau du Nil n'atteint pas, et qui n'est arrosée que par les pluies. Arrivés là, les Berbères se dispersèrent les Zenata et les Maghîla marchèrent vers le Maghreb et se fixèrent dans les montagnes de ce pays; les Louata allèrent habiter le territoire d'Antabolos (la Pentapole de la Cyrénaïque), qui est le même endroit que Barca. Ils se répandirent dans cette partie du Maghreb jusqu'à ce qu'ils parvinssent à Sous. Les Houara s'établirent à Lebida (Leptis Magna) et les Nefouça se fixèrent auprès de la ville de Sabra (Sabratha). A cause de cela, les Roum (Grecs) qui s'y trouvaient évacuèrent le pays, mais les Afaric (Africains) y restèrent. Ceux-ci étaient devenus serviteurs des Grecs par suite d'un traité de paix; telle étant leur manière d'agir avec quiconque subjuguait leur pays.

1. Ces traditions sont les plus anciennes que les Arabes possèdent au sujet des premières invasions de l'Afrique septentrionale par les musulmans. Elles sont tirées d'une histoire de la conquête de l'Egypte, composée dans la première moitié du troisième siècle par Abd-erRahman-Ibn-Abd-el-Hakem. La Bibliothèque Nationale possède deux exemplaires de cet ouvrage, numérotés 655 et 785. Ce dernier est le plus ancien et le plus correct. (Voyez ma lettre à M. Hase, Journal asiatique de 1844.)

Amr-Ibn-el-Aci s'avança avec sa cavalerie jusqu'à Barca, et accorda la paix aux habitants de cet endroit moyennant une capitation de treize mille dinars1, et, pour acquitter cet impôt, il les autorisa à vendre tels de leurs enfants qu'ils voudraient. Dans le traité fait avec les Berbères-Louata, Amr-Ibn-el-Aci inséra l'article suivant: Pour acquitter la capitation qui vous est imposée, vendez vos fils et vos filles. (Suivent deux traditions d'après lesquelles il paraît que l'Antabolos capitula par un traité fait avec Amr-Ibn-el-Aci.)

Dans ces temps-là, aucun collecteur de kharadj n'entrait à Barca; les habitants envoyaient [au percepteur] le montant de leur capitation au moment de l'échéance 2.

Ocba-Ibn-Nafê, chargé d'une expédition par Amr-Ibn-el-Aci, pénétra jusqu'au Zouîla [du Fezzan], et le pays situé entre cette ville et Barca devint la limite [du territoire] des musulmans.

§ II. TRIPOLI.

Amr-Ibn-el-Aci marcha sur Tripoli et, en l'an 22 (642-3), ou 23, selon un autre récit, il s'arrêta auprès du petit dôme qui couronne la hauteur située à l'est de la ville. Le siège dura un mois sans avoir aucun résultat, lorsqu'un homme de la tribu arabe de Modledj sortit un jour du camp d'Amr, avec sept autres individus, pour aller à la chasse. Ils s'éloignèrent ainsi [jusqu'au pays] à l'occident de la ville, et, en revenant au camp, ils eurent tant à souffrir de la chaleur, qu'ils suivirent le bord de la mer. Or la mer touchait immédiatement à l'extrémité de la muraille de la ville, et entre la ville et la mer il n'y avait point de muraille Aussi les navires grecs entraient dans le port jusqu'aux maisons. L'Arabe et ses compagnons s'étant aperçus que la mer avait baissé au point de laisser à sec une lisière de terrain par où il serait possible de pénétrer dans la ville, suivirent ce sen

1. La valeur du dinar (pièce d'or) et celle du dirhem (pièce d'argent, varient selon les époques et les pays, mais on peut estimer approximativement le dinar à dix francs et le dirhem à soixante centimes.

2. Abou-l-Mahacen, historien très exact, place la conquête de Barca en l'an 21 de l'hégire.

tier, arrivèrent auprès de l'église et poussèrent le cri d'Allah akber! (Dieu est très grand!). Les Grecs coururent se réfugier dans leurs vaisseaux, et Amr, voyant qu'il y avait des épées tirées au milieu de la ville, y pénétra avec son armée. Les Grecs ne purent s'échapper que dans leurs navires les plus légers et la ville fut livrée au pillage.

Le peuple de Sabra avait mis cette ville en état de défense, mais en apprenant qu'Amr ne faisait aucun progrès dans sa tentative contre Tripoli et que tous ses efforts étaient vains, ils se laissèrent aller à une sécurité entière. Le nom de Tripoli était Benara1. Sabra était l'ancien lieu de marché (es-souc el-cadim), et ce fut Abd-er-Rahman-lbn-Habîb qui, en l'an 312, transporta ce marché à Tripoli.

Quand Amr-Ibn-el-Aci se fut emparé de Tripoli, il fit partir un fort détachement de cavalerie, avec l'ordre de presser sa marche. Le lendemain, au matin, ce corps arriva à Sabra, dont les habitants, oubliant toute précaution, avaient ouvert les portes pour envoyer paître leurs bestiaux. Les [musulmans] penétrèrent dans la ville sans que personne pût s'en échapper, et [l'armée d']Amr s'empara de tout ce qu'elle renfermait. Ce détachement alla ensuite rejoindre Amr.

§ III.

AMR-IBN-EL-ACI DEMANDE [AU KHALIFE] OMER-Ibn-elKHATTAB LA PERMISSION DE FAIRE UNE EXPÉDITION EN IFRIKÏA.

Amr désirait envoyer une expédition dans le Maghreb, et il - écrivit à Omar une lettre dans laquelle il disait : « Dieu nous a rendus maîtres de Tripoli, qui n'est qu'à sept journées de I'lfrîkïa; le Commandant des croyants voudra-t-il nous autoriser à y faire une expédition? Le mérite de cette conquête sera à lui, si Dieu nous donne la victoire. » A cette demande, Omar écrivit

:

1. Variantes Yenara, Nebaoua. L'ancien nom de Tripoli était Oea, dont Nebaoua est peut-être une altération.

2. Il faut lire 131; Abd-er-Rahman gouverna l'Afrique depuis l'an 127 jusqu'à l'an 137. Les historiens arabes, et Ibn-Khaldoun surtout, ont la mauvaise habitude de ne pas toujours indiquer les centaines en marquant les dates des événements qu'ils racontent.

la réponse suivante : « Ce pays ne doit pas s'appeler Ifrîkïa ; il devrait plutôt se nommer el-Moferreca-t-el-Radera (le lointain perfide); je défends qu'on en approche ou qu'on y fasse une expédition tant que je vivrai! » ou, selon une autre tradition qui nous est parvenue: « tant que l'eau de mes paupières humectera mes yeux. »

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Lorsque [le khalife] Othman eut privé Amr-Ibn-el-Aci du gouvernement de l'Égypte pour donner cette place à Abd-AllahIbn-Sâd-Ibn-Abi-Sarh, celui-ci expédia au loin des détachements de cavalerie musulmane, selon l'usage établi du vivant d'Omar, et ces corps allèrent insulter et piller les frontières de l'Ifrîkïa. Ibn-Sâd écrivitalors à Othman pour lui représenter que ce pays était tout voisin du territoire musulman et qu'il désirait avoir la permission d'y porter la guerre. D'après l'avis de son conseil, Othman invita le peuple à prendre part à une expédition contre l'Ifrîkïa, et ayant réuni les personnes qui avaient répondu à son appel, il les mit sous les ordres d'El-Hareth-Ibn-el-Hakem, qui devait les conduire en Égypte et les placer sous le commandement d'Abd-Allah-Ibn-Sâd. Celui-ci se mit alors en marche pour l'Ifrîkïa. A cette époque, une ville appelée Carthadjina [Carthage] était le siège du gouvernement africain, et elle obéissait à un roi nommé Djoredjîr (Grégoire) qui avait d'abord administré le pays comme lieutenant de Héracl (Héraclius), mais qui s'était ensuite révolté contre son maître et avait fait frapper des dinars à sa propre effigie. Son autorité s'étendait depuis Tripoli jusqu'à Tanger.

Djoredjîr vint à la rencontre d'Ibn-Sâd, et dans la bataille qui s'ensuivit, il perdit la vie, sous les coups, à ce qu'on prétend, d'Abd-Allah-Ibn-ez-Zobéir. Son armée prit la fuite, et les détachements qu'Ibn-Sâd envoya alors de tous les côtés, rapportèrent un riche butin. Quand les chefs du peuple de l'Ifrîkïa virent ces événements, ils offrirent à Ibn-Sâd une somme d'argent pour le décider à quitter le pays. Ayant accepté cette proposition, il

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