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là au Molouïa, domptant partout l'audace des indigènes et les forçant à s'enfermer dans leurs châteaux et leurs forteresses. Les Auréba, dont cette campagne avait brisé la puissance, allèrent tous se fixer dansle Maghreb-el-Acsa, et [pendant quelque temps] ils ne firent plus parler d'eux. Arrivés dans ce pays, ils occupèrent Oulili, ville qui s'élevait sur le flanc du mont Zerhoun, et ils continuèrent à y faire leur séjour. La montagne que nous venons de nommer est située entre Fezet Miknaça [Mequinez]. D'autres expéditions partirent successivement de Cairouan et réussirent enfin à soumettre tout le pays.

En l'an 145 (762-3), Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen [petit-fils de Mahomet], perdit la vie à Médine après avoir pris les armes contre [le khalife abbacide] ElMansour; ensuite, en l'an 169 (785-6), sous le règne d'El-Hadi, un cousin du précédent, le nommé Hocein, fils d'Ali, fils de Hacen III', fils de Hacen II, fils d'El-Hacen, petit-fils de Mahomet, se révolta aussi et trouva la mort à Fakh, endroit situé à trois milles de la Mecque. Un grand nombre de ses parents périrent avec lui, mais son oncle Idris, fils d'Abd-Allah, parvint à gagner le Maghreb et à se mettre, en l'an 172 (788-9), sous la protection d'Abou-Leila-Ishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Abd-el-Hamid, commandant des Auréba et membre de cette tribu. Sur l'invitation de ce chef, les Zouagha, les Louata, les Sedrata, les Ghaïatha, les Nefza, les Miknaça, les Ghomara et les autres tribus du Maghreb prêtèrent le serment de fidélité au prince réfugié et prirent l'engagement de le soutenir. De cette manière Idris se trouva placé à la tète d'un empire. L'autorité souveraine demeura dans sa famille jusqu'à la chute de leur dynastie. Nous avons raconté ces derniers événements dans notre notice sur les dynasties fatemides3.

1. La plupart des historiens arabes ne font aucune mention de HacenIII 2. Le mot rendu ici par petit-fils est sibt, qui signifie, plus exactement, le petit-fils né de la fille. On désigne le petit-fils né du fils par le mot hafid.

3. L'histoire des Idricides forme un des appendices du second volume de cette traduction.

NOTICE DES KETAMA, TRIBU DESCENDUE DE BERNÈS QUI SUBJUGUA

LES AUTRES TRIBUS ET RENVERSA LA DYNASTIE AGHLEBIDE AU NOM DES FATEMIDES.

Les Ketama1, brave et puissante tribu berbère, sont regardés par les généalogistes de cette nation comme les enfants de Ketam ou de Ketm, fils de Bernès, mais nous trouvons dans les écrits d'Ibn-el-Kelbi et de Taberi que les généalogistes arabes les font descendre de Himyer. Selon ces derniers, Ifricos-Ibn-Saïfi, l'un des rois Tobbas, conquit l'Ifrîkïa, pays auquel il imposa son nom et dont il tua le roi Djerdjîr; puis il donna aux Berbères le nom qu'ils portent jusqu'à ce jour. L'un de ces auteurs ajoute qu'Ifricos laissa parmi les Berbères deux branches de la tribu de Himyer, savoir les Sanhadja et les Ketama, et qu'ils y subsistent encore.

La souche de Ketama étendit ses ramifications sur le Maghreb et poussa des rejetons dans plusieurs parties de ce pays; mais, après l'introduction de l'Islamisme, à la suite des bouleversements. causés par l'apostasie des Berbères, cette tribu se trouva établie dans les campagnes fertiles qui s'étendent à l'occident de Constantine jusqu'à Bougie, et au midi de Constantine jusqu'au mont Auras. Ce fut dans ce territoire que les Ketama dressaient leurs campements passagers et faisaient paître leurs troupeaux; ils possédaient même toutes les villes importantes de cette région, puisqu'entre l'Auras et le rivage de la mer qui s'étend depuis Bougie jusqu'à Bône ils occupaient Ikdjan, Setîf, Baghaïa, Nigaous, Belezma, Tiguist, Mila, Constantine, Skîkda, El-Coll et Djîdjel.

Les nombreuses ramifications de cette tribu proviennent de deux aïeux : Gharcen et Issouda, lesquels étaient fils de KetmIbn-Bernès. Les enfants d'Issouda sont : les Felaça, les Denhadja, les Mettouça et les Ourîcen. Le Casr-Ketama, place forte du Maghreb, porte encore aujourd'hui le nom de Casr-Denhadja (château de Denhadja).

1. Selon quelques philologues arabes, ce nom doit se prononcer Ko

tama.

Les enfants de Gharcen sont: Messala, Calden, Maouéten, Mâad [Inaou, Intacen et Aïan]. Inaou engendra Lehîça, Djemîla et Messalta; Intacen fut père d'Oulattaïa, Iddjana, Ghosman et Aufas. Aïan, fils de Gharcen, fut l'aïeul des Melouça, tribu dont une des branches, celle des Beni Zeldouï, habite actuellement la montagne qui se voit de Constantine1.

Les Berbères comptent au nombre des tribus ketamiennes les Beni-Istîten, les Hechtïoua, les Messalta et les Beni-Cancîla. Ibn-Hazm regarde les Zouaoua avec toutes leurs branches comme appartenant aussi à la tribu de Ketama, et cette opinion est conforme à la vérité, ainsi que nous l'avons déjà dit 2.

Plusieurs peuplades ketamiennes allèrent se fixer dans le Maghreb-el-Acsa, où elles se trouvent encore, mais le corps de la tribu resta dans son ancien territoire et continua à mener le même genre de vie qu'auparavant. Rien ne se changea dans sa position depuis l'introduction de l'Islamisme jusqu'au temps des Aghlebides. Fort de sa nombreuse population, le peuple ketamien n'eut jamais à souffrir le moindre acte d'oppression de la part de cette dynastie; Ibn-er-Rakîk nous l'assure positivement dans son histoire3. Plus tard, ils se firent champions des Fatemides, comme nous l'avons déjà raconté dans notre article sur cette famille. Après avoir établi un empire dans l'Occident,

1. Le texte porte : qui domine Constantine. 2. Voyez ci-devant, page 253.

3. Abou-Ishac-Ibrahîm-Ibn-el-Cacem-Ibn-er-Rakîk (ou Raguîg), chef d'un des bureaux du gouvernement de Cairouan, sous la dynastie des Zîrides, composa une histoire de l'Afrique septentrionale, une histoire généalogique des Berbères et un recueil de poésies sur les différentes espèces de vin. Un exemplaire de ce dernier ouvrage se trouve dans la Bibliothèque Nationale. Ibn-er-Rakîk vivait encore en l'an 377 (987), puisqu'il parle, dans son histoire, d'un fonctionnaire public dont la nomination eut lieu en cette année et avec lequel il eut ensuite l'habitude de parcourir les provinces pour y percevoir les contributions. (Voyez le Baïan, pages 252, 254.) Ceci est le même auteur que Marmol appelle Ibni al-Raquiq et Léon Ibnu-Rachich.

4. Ici le texte porte en plus : et qui est placé à la suite de l'histoire des Abbacides; cherchez et lez; vous y trouverez tout en détail, Les

les guerriers ketamiens passèrent en Orient et s'emparèrent d'Alexandrie, de l'Egypte et de la Syrie. Quand ils eurent fondé le Caire, métropole de l'Egypte, leur quatrième khalife, El-Moëzz, partit avec le reste de la nation, organisée en tribus comme elle l'était, et y établit sa demeure. Comme cet empire devint très puissant, le peuple ketamien finit pars'éteindre dans le luxe et dans la mollesse, mais quelques-unes de ses branches étaient restées dans leurs anciens territoires, le Mont-Auras et les plaines voisines. Les unes conservent encore leurs anciens noms et prénoms, les autres ont changé les leurs; mais toutes, à l'exception de celles qui se sont retranchées dans leurs montagnes, comme les Beni-Zeldouï, les Zouaoua et les habitants des montagnes de Djîdjel, ont été obligées de se soumettre à l'impôt et de passer au rang de sujets [de l'empire hafside].

Parmi les tribus ketamiennes établies dans les plaines, la plus marquante est celle des Sedouîkich. Ce peuple prend ses chefs dans la famille de Souac. Bien que nous ignorions auquel des ancêtres que nous venons de nommer il faut les rattacher, les historiens s'accordent à les représenter comme ketamiens d'origine. Nous allons maintenant raconter ce que nous savons des Ketama, à partir de la chute de leur empire1.

HISTOIRE DES SEDOUÎKICH ET DE QUELQUES AUTRES PEUPLES KETAMIENS QUI HABITENT ENCORE L'ANCIEN TERRITOIRE DE LA TRIBU.

Depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours la tribu de Sedouîkich a toujours conservé le même nom. Elle habite les plaines de cette partie du territoire des Ketama qui est située entre Constantine et Bougie. Parmi ses nombreuses ramifications on compte les Sîlîn, les Tarsoun, les Torghîan, les Moulît, les Cascha, les Lemaï, les Gaïaza, les Beni-Zâlan, les El-Bouéira, les

chapitres auxquels notre auteur renvoie le lecteur forment un des appendices du second tome de cette traduction; ils ne font pas partie de l'Histoire des Berbères.

1. Dans l'Histoire des Fatemides (voyez l'appendice no 1 du tome II), l'auteur raconte celle des Ketama.

Beni-Merouan, les Ouarmekcen, les Segdal et les Beni-Eïad. On trouve aussi dans le même pays des fractions des Lemaïa, des Meklata et des Righa. Toutes ces peuplades forment un corps très puissant, tant par leur nombre que par leurs richesses. Elles reconnaissent l'autorité d'une famille de la tribu de Sedouîkich appelée les Aulad-Souac. Les tribus [d'origine différente qui de meurent avec elles] sont réduites au rang de simples sujets et leur paient des impôts.

Les Sedouîkich se servent de chevaux pour monture; ils vivent sous la tente et parcourent le pays avec des troupeaux composés de chameaux et de boeufs. A l'instar des tribus arabes jouissant d'une certaine puissance, ils sont tantôt en paix, tantôt en guerre avec les empires voisins. Ils ne veulent pas être regardés comme ketamiens; ils désavouent même tous les rapports de parenté qui les attachent à cette race, croyant par là éviter l'opprobre dont la tribu des Ketama se voit couverte depuis quatre cents ans à cause de son attachement aux doctrines hérétiques des Chîites et de son hostilité aux gouvernements qui succédèrent aux Fatemides. Aussi se donnent-ils quelquefois pour une branche des Soleim, tribu arabe descendue de Moder; mais cette prétention n'est nullement fondée, car ils sont bien certainement des ketamiens. Les historiens de la tribu des Sanhadja nous l'assurent positivement et la localité de l'Ifrîkïa qu'habitent les Sedouîkich en est encore une preuve.

Les généalogistes et les historiens de la tribu des Sedouîkich rapportent que les Souac, leur famille principale, habitaient autrefois les Calâa des Beni-bou-Khadra, châteaux situés dans la province de Constantine, et que de là ils étendirent des ramifications dans toute cette contrée. Les Souac se partagent en deux branches: les Aulad-Alaoua-Ibn-Souac et les Aulad-Youçof-IbnHammou-Ibn-Souac. Nous avons entendu dire à nos précepteurs que pendant la domination des Almohades [hafsides, les AuladAlaoua commandaient à toute la tribu des Sedouîkich; Ali, fils d'Aloua, gouverna d'abord; son fils Talha lui succéda, et celuici fut remplacé par son frère Yahya-Ibn-Ali. Mendil, frère et successeur de Yahya, fut privé du commandement et remplacé par

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