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la mieux connue, habite la région maritime de Tlemcen où elle s'est mêlée avec les Koumïa, tribu dont elle est l'alliée tant à cause de leur origine commune que d'une confédération formelle1. Vers le milieu de ce huitième siècle, ils eurent pour chef un de leurs parents nommé Ibrahim-Ibn-Abd-el-Mélek. Cet homme se déclara pour Abou-'l-Hacen le Mérinide, après que ce sultan eut éprouvé, aux environs de Cairouan, le revers qui lui fut si fatalet qui fournit aux Abd-el-Ouadites l'occasion de rentrer en possession de la ville et du royaume de Tlemcem. Ibrahîm fut pris par le sultan abd-el-ouadite Othman-Ibn-Abd-er-Rahman, et mis à mort dans la prison de cette capitale..

Une fraction des Oulhaça bien connue est celle qui se trouve dans la plaine de Bône. Elle a des chevaux pour monture, ayant adopté non seulement la langue et l'habillement des Arabes, mais aussi tous les usages de ce peuple. En cela elle a imité l'exemple des Hoouara. On la compte au nombre des tribus qui paient l'impôt. Elle prend ses chefs dans la famille des Arîd, une de ses grandes maisons, et elle obéit maintenant aux fils de HazemIbn-Cheddad-Ibn-Hizam-Ibn-Nasr-Ibn-Malek-Ibn-Arid. Avant d'être gouvernée par les Beni-Arîd, elle reconnaissait à ses parents de la famille Asker-Ibn-Battan le droit de la commander. Voilà tout ce que nous savons des Oulhaça.

Parlons maintenant des autres branches de la tribu de Nefzaoua. Un reste des Zatîma se trouve sur le bord de la mer, près de Brechk, et une fraction des Ghassaça habite le pays maritime de Botouïa, au village et au port de mer qui s'appelle encore Ghassaça. Un débris de Zehîla occupe les environs de Badis, où il s'est mêlé avec les Ghomara. Mes professeurs se rappellent très bien avoir vuun grand saint appartenant à cette tribu et nommé Abou-Yacoub-el-Badici. Ce fut le dernier personnage de ce caractère qui parut dans le Maghreb. Quant aux Merniça, nous ne leur connaissons aucune demeure fixe, mais leur postérité vit dispersée parmi les tribus arabes de l'Ifrîkïa. Un reste de Sou

1. Les Koumïa se sont maintenant confondus avec les Oulhaça établis sur les deux rives du Tafna, du côté de la mer.

mata se trouve dans les plaines de Cairouan; et c'est d'eux, à ce qu'il paraît, que Monder-Ibn-Saîd, cadi de Cordoue sous le règne d'En-Nacer, tira son origine1.

Quant aux autres branches de la tribu de Nefzaoua, nous n'en connaissons maintenant aucune; nous ignorons les lieux où elles ont demeuré, si ce n'est certains villages assez remarquables de la province de Castîlïa, situés à une courte distance les uns des autres, et appelés les villages de Nefzaoua. On y trouve maintenant des Francs qui vivent sous la protection d'un traité; ils y sont restés, eux et leurs ancêtres, depuis la conquête musulmane jusqu'à nos jours, et comme ils professent une des croyances tolérées par l'islamisme, ils jouissent du libre exercice de leur religion et en paient la capitation.

Dans les mêmes villages demeurent un grand nombre des Beni-Soleim, appartenant tous à la famille de Cherîd. Il y a aussi quelques descendants de Zoghb. Ces Arabes possèdent les terres labourables et les fermes de cette contrée. Quand le gouvernement hafside faisait sentir sa puissance dans le Djerîd, l'administration de ces villages appartenait au seigneur de Touzer; mais aussitôt que l'autorité de l'empire eut cessé d'atteindre ces localités, l'esprit d'indépendance prit son essor et chaque village se constitua en état indépendant. Le seigneur de Touzer chercha à les faire rentrer sous sa domination, mais il ne put y réussir qu'en partie. Maintenant que l'empire de notre seigneur le sultan Abou-'l-Abbas a étendu son ombre tutélaire jusqu'à cette région, les villages en question ont reconnu la souveraineté de ce monarque et se sont attachés à son gouvernement protecteur.

HISTOIRE DES LOUATA, BRANCHE DES BERBÈRES-BOTR.

Les Louata, une des plus grandes d'entre les tribus berbères qui forment la postérité d'El-Abter, tirent leur nom et leur origine de Loua le jeune, frère de Nefzao et fils de Loua l'aîné, fils de Zahhîk.

1. Dans l'histoire d'Espagne d'El-Makkari, traduite en anglais par M. de Gayangos, on trouvera plusieurs renseignements sur ce célèbre cadi.

Quand les Berbères veulent convertir un nom singulier en nom collectif, ils y ajoutent les lettres at; ainsi de Loua ils forment Louat. Les Arabes de leur côté, ayant voulu adapter ce dernier mot au génie de leur langue, l'ont traité comme un nom singulier en y ajoutant un a pour le mettre au pluriel1.

Ibn-Hazm dit que les généalogistes berbères regardent les Sedrata, les Louata et les Mezata comme appartenant à la race copte. Ce renseignement n'est pas exact, et Ibn-Hazm l'a donné sans avoir consulté, à ce sujet, les livres composés par les savants de la nation berbère.

Les Louata se partagent en plusieurs branches et forment un grand nombre de tribus, telles que les Sedrata (ou Sedderata), enfants de Nîtat, fils de Loua, et les Atrouza, enfants de Maselt, fils de Loua. Sabec et les généalogistes de son école indiquent quelques autres familles comme issues de Maselt, savoir les Agoura, les Djermana? et les Maghagha. Une autre tribu qui tire son origine de Loua est celle des enfants de Zaïr-Ibn-Loua. Selon les généalogistes berbères, les Mezata, grande branche des Zaïr, fournissent plusieurs ramifications, savoir : les Belaïan3, les Carna, les Medjîdja, les Degma, les Hamra et les Medouna.

Les Louata, comme El-Masoudi en a fait la remarque, s'adonnaient à la vie nomade dans les territoires qu'ils occupaient aux environs de Barca. Ils prirent une part très active à la révolte d'Abou-Yezîd: une nombreuse population louatienne du MontAuras s'étant réunie aux Beni-Kemlan pour soutenir la cause de ce chef. Jusqu'à nos jours, ils ont continué à habiter l'Auras où ils tiennent en sujétion les peuplades hoouarites et ketamiennes

1. Le texte arabe porte : en ajoutant un h. Dans la prononciation, l'h final prend quelquefois, comme ici, le son de l'a. Quant à la formation du mot Louata, ce qu'Ibn-Khaldoun en dit n'est pas exact: ce sont les Arabes et non pas les Berbères qui emploient les lettres at pour former le pluriel; d'ailleurs, en langue berbère, le pluriel de Loua ou Louat est Ilouaten, le Languentan, Lauguatan et Ilaguaten de Corippus. 2. Ci-devant, page 171, on a vu ce nom écrit Djedana. 3. Pour Belaïan, si nous lisons rons les llaguas de Corippus,

Ilagaz, nous y retrouve

qui les avoisinent. Ils peuvent mettre en campagne un millier de cavaliers et un grand nombre de fantassins. C'est au moyen de leur appui que le gouvernement hafside se fait payer l'impôt par les tribus de cette montagne. Dans l'accomplissement de leur tâche, les Louata font preuve de beaucoup de zèle et d'habileté. Ils fournissaient autrefois un contingent d'hommes à l'armée de l'empire, toutes les fois qu'elle se mettait en campagne. Quand l'autorité du gouvernement eut enfin cessé de se faire sentir dans l'Auras, les Beni-Séada, tribu louatienne, passèrent dans le territoire dont les Aulad-Mohammed, branche des Douaouida, avaient obtenu la concession1, et remplirent auprès d'eux les mêmes fonctions qu'ils avaient précédemment exercées au service des Hafsides. Dans la suite, les Douaouida parvinrent à les soumettre eux-mêmes au paiement de l'impôt et les obligèrent à leur fournir un contingent de troupes, les réduisant ainsi au rang de sujets tributaires. Deux fractions des Louata, les Beni-Rihan et les Beni-Badîs, conservèrent leur indépendance, n'ayant jamais été placées par le gouvernement sous la domination d'une autre tribu; mais, enfin, Mansour-Ibn-Mozni ajouta leur territoire à ses états. Quand la famille Mozni se fut rendue indépendante dans le Zab, elle se faisait payer l'impôt par ces peuplades pendant quelques années en lançant contre elles un ramas de vagabonds arabes. De nos jours elles se tiennent sur leur montagne, sans oser descendre dans la plaine, tant elles craignent la violence et la rapacité de ces nomades.

Les Beni-Badîs se sont emparés des plaines à l'entour de Nigaous, et ils tirent de cette ville des sommes considérables à titre de tribut. Nigaous s'élève au pied de la montagne dont nous venons de parler. Quand les Arabes rentrent dans le Désert pour y prendre leurs quartiers d'hiver, les Beni-Badîs vont toucher le tribut et les droits de sauf-conduit qui leur sont dus; puis, au retour des Arabes dans leurs quartiers d'été, ils remontent jusqu'aux endroits les plus escarpés de leur montagne.

Une nombreuse population des Louata habitait au midi de

1. Voyez ci-devant, page 77.

Tèhert et s'adonnait à la vie nomade. Elle fréquentait la vallée de Minas, depuis la montagne de Yaoud, du côté de l'orient, jusqu'à Ouarslef, du côté de l'occident. On dit qu'un gouverneur de Cairouan qui les avait emmenés en expédition avec lui leur assigna cette région pour demeure. Leur chef, Aurâ-IbnAli-Ibn-Ilicham, avait été employé comme général au service d'Obeid-Allah, le Fatemide; mais, à l'époque où Hamîd-IbnYesel, seigneur de Tèhert, se révolta contre El-Mansour, troisième khalife fatemide, ils fournirent des secours au chef insurgé et le suivirent dans ses égarements. En l'an 336 (947-8), ElMansour vainquit son adversaire et le contraignit à passer en Espagne puis, ayant tourné ses armes contre ces Louata, il les refoula dans le Désert et revint camper sur le Mînas d'où il rentra à Cairouan. ·

Ibn-er-Rakik rapporte qu'El-Mansour rencontra, dans cette expédition, des monuments anciens, auprès des châteaux qui s'élèvent sur les Trois-Montagnes1. Ces monuments étaient en pierre de taille, et vus de loin, ils présentaient l'aspect de tombeaux en dos d'âne. Sur une pierre de ces ruines, il découvrit une inscription dont on lui fournit l'interprétation suivante :

Je suis Soleiman le Serdéghos2. Les habitants de cette ville s'étant révoltés, le roi m'envoya contre eux; et Dieu m'ayant permis de les vaincre, j'ai fait élever ce monument pour éterniser mon souvenir 3.

Les Louata avaient pour voisins, à Mindas, une tribu zenatienne appelée les Beni-Oudjedidjen. La vallée de Minas et Tèhert séparaient les deux peuples. Une guerre éclata entre eux à

1. Voyez tome II, Appendice no 2, § xu.

2. Serdéghos (général) est une altération du mot grec stratégos. Il se rencontre plus d'une fois dans les historiens de l'Afrique, et notre auteur s'en est servi ailleurs pour désigner le général grec qui commandait dans la Calabre, lors de l'invasion musulmane de 340 (951-2). L'emploi de ce mot se conserva en Sicile pendant le gouvernement des Normands; ces princes avaient leur stratigo qui remplissait les fonctions de gouverneur militaire et de président de la cour criminelle.

3. Cette inscription, si elle a réellement existé, prouverait que Salomon, le général de Justinien, porta ses armes jusqu'à Tacdemt.

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