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Ce peuple s'était révolté contre les Aghlebites en proclamant ouvertement son attachement aux principes chiites, doctrine qui avait été introduite chez lui par Abou-Abd-Allah-elMohteceb, missionnaire d'Obeid-Allah-el-Mehdi.

Cette révolution détruisit pour toujours l'empire des Arabes en Ifrîkïa et mit les Ketama en possession de l'autorité suprême. Les Berbères du Maghreb suivirent, plus tard, l'exemple de leurs voisins, et dès lors l'influence exercée par les Arabes en Ifrîkïa et en Maghreb disparut pour toujours, avec le royaume qu'ils y avaient fondé. Le pouvoir passa entre les mains des Berbères et se maintint tantôt dans l'une de leurs tribus, tantôt dans l'autre. Une partie de ce peuple reconnut l'autorité des Oméïades d'Espagne; une autre partie embrassa la cause des descendants de Hachem. [grand-père de Mahomet], soit de ceux qui appartenaient à la famille d'El-Abbas [les Abbacides], soit de ceux qui tiraient leur origine d'El-Hacen ou d'El-Hocein [les petits-fils de Mahomet]. Ensuite ces peuples finirent par se proclamer tout à fait indépendants. Nous entrerons dans les détails de ces changements en retraçant l'histoire des empires fondés par les Zenata et les Berbères.

HISTOIRE DES BERBÈRES-BOTR

ET DES TRIBUS DONT CETTE BRANCHE SE COMPOSE.

NOTICE DES NEFOUÇA.

Nous commencerons notre nótice des Berbères descendus d'El-Abter par l'histoire des Nefouça, tribu issue de cette souche, et nous en indiquerons les diverses ramifications.

Madghis-el-Abter, l'aïeul des Berbères appelés El-Botr, eut un fils nommé Zahhîk duquel toute les tribus de cette branche tirent leur origine1.

Selon les généalogistes berbères, Zahhîk eut quatre fils: Nefous, Addas, Dari et Loua; mais Addas vint à être regardé comme appartenant à la tribu de Hoouara, parce qu'après la mort de son père Zahhîk, et pendant qu'il était lui-même un enfant à la mamelle, sa mère devint l'épouse de Hoouar. Cela le fit considérer comme fils de Hoouar, et pour la même raison les tribus qui tirent de lui leur origine ont été comptées au nombre des Hoouara, ainsi que l'on verra plus loin.

Quant à Dari et à Loua, nous parlerons ailleurs des tribus dont ils sont les ancêtres.

Les Nefouça, descendants de Nefous, formaient une des plus grandes tribus de la race berbère. Ils se partageaient ensuite en plusieurs branches, telles que les Beni-Zemmor, les Beni-Meskouret les Matouça. Ces grandes familles habitaient les environs de Tripoli ainsi que les localités voisines. A trois journées au midi [ou sud-ouest] de cette ville est située une montagne qui porte le nom de Nefouça et qui sert encore de demeure à une fraction de peuple. Avant l'invasion musulmane, Sabra était une de leurs résidences, et pour cette raison elle s'appelle en

1. Voyez page 170.

core la Sabra des Nefouça. Cette ville fut une des premières conquêtes que les Arabes firent de ce côté, lors de l'introduction de l'islamisme, et elle fut tellement maltraitée par les conquérants qu'il n'en reste plus que des ruines à peine reconnaissables. Parmi les personnages marquants de la tribu de Nefouça, on compte Ismail-Ibn-Ziad, le même, qui, en l'an 132 (749-50), s'empara de la ville de Cabes, lors de l'avènement des Abbacides au trône du khalifat.

Aujourd'hui, on trouve quelques misérables débris de cette tribu, éparpillés dans les provinces de l'Egypte et du Maghreb. Loua eut pour descendants les Nefzaoua et les Louata, comme nous allons l'exposer.

RAMIFICATIONS ET HISTOIRE DE LA TRIBU DE NEFZAOUA.

Les Nefzaoua, enfants d'Itouweft, fils de Nefzao, fils de Loua l'aîné, fils de Zahhîk, forment un grand nombre de tribus, savoir les Ghassaça, les Merniça, les Zehîla, les Soumata, les Zatîma, les Oulhaça, les Medjra, les Ourcîf et, peut-être même, les, Meklata. Mekla1, le père de ceux-ci, n'appartenait pas, dit-on, à la race berbère; il était arabe-yémenite, mais il tomba, encore jeune, au pouvoir d'Itouweft et fut adopté par lui. Les Meklata se partagent en plusieurs branches, telles que les Beni-Ourîagol, les Gueznaïa, les Beni-Isliten, les Beni-Dimar-ou-Rihoun et les Beni-Seraïn. On dit aussi que les Ghassaça en font partie. Nous donnons ces renseignements sur l'autorité de Sabecel-Matmati et d'autres généalogistes berbères.

Les Oulhaça se composent de plusieurs branches parmi lesquelles on remarque les Ourtedîn, enfants de Dihya, fils d'Oulhas, et les Ourfeddjouma, enfants de Tidghas, fils d'Oulhas.

1. Voyez ci-devant, page 172.

2. Dans ces généalogies notre auteur met quelquefois le nom de la tribu à la place du nom de l'ancêtre de la tribu; c'est ainsi qu'il a écrit ici Oulhaça pour Oulhas, et dans la page précédente Hoouara pour Hoouar.

Les Ourfeddjouma se partagent en un très grand nombre de tribus dont l'une, appelée les Zeggoula [ou Zeddjala], s'adonna à la vie nomade et tira son origine de Zeggal, fils d'Ourfeddjoum. Les Ourfeddjouma formaient la portion la plus nombreuse et la plus puissante de la tribu de Nefzaoua. Quand Abd-er-RahmanIbn-Habîb se révolta contre Abou-Djâfer-el-Mansour, ses frères Abd-el-Ouareth et El-Yas lui ôtèrent la vie et tâchèrent ensuite d'échapper à la poursuite de leur neveu Habîb qui cherchait à venger la mort de son père. Abd-el-Ouareth se réfugia dans le Mont-Auras, chez les Ourfeddjouma, et obtint la protection. d'Acem-Ibn-Djemil, émir de ce peuple et devin très habile. Acem fit proclamer l'autorité d'Abou-Djâfer-el-Mansour, rallia autour de lui les populations nefzaouïennes, et marcha contre Cairouan. Ce fut en l'an 140 (757-8) qu'il entreprit cette expédition. Les Nefzaoua professaient alors la doctrine eibadite' et comptaient parmi leurs guerriers les plus distingués Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-'l-Djâdet Yézîd-Ibn-Seggoum. A l'approche de cette armée, Habib, fils d'Abd-er-Rahman, s'enfuit à Cairouan. IbnAbi-l-Djâd pénétra dans cette ville [et plus tard il] tua Habib. Les Nefzaoua, devenus maîtres de Cairouan, massacrèrent tous les Coreichides et tous les autres Arabes qui y étaient restés; ils attachèrent leurs montures dans la grande mosquée et commirent tant d'autres forfaits et profanations qu'ils excitèrent l'indignation des Berbères eibadites de Tripoli. Les Zenata et les Hoouara se mirent à la tête du mouvement, prirent pour chef Abou-`lKhattab-Ibn-es-Sameh, Arabe d'une haute distinction, et allèrent s'emparer de Tripoli; puis, en l'an 141, ils occupèrent Cairouan, tuèrent Ibn-Abi-'l-Djâd et passèrent au fil de l'épée les Nefzaoua et les Ourfeddjouma qui composaient son armée. Ils repartirent ensuite pour Tripoli, après qu'Abou-'l-Khattab eut confié le gouvernement de Cairouan à Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem. Le feu de la guerre se propagea dans tout le Maghreb, et les Ourfeddjouma y poursuivirent le cours de leurs dévastations jusqu'à l'an 146 (763-4), quand Mohammed-Ibn-el-Achâth y

1. Voyez ci-devant, page 204, note.

étant arrivé de la part d'El-Mansour, châtia les Berbères et étouffa l'insurrection.

En l'an 151 (768), Omar-Ibn-Hafs fonda la ville de Tobna et y établit les Ourfeddjouma, parce qu'ils s'étaient dévoués à sa cause. Ils déployèrent une constance héroïque pendant tout le temps qu'Ibn-Rostem et les Beni-Ifren y tenaient Omar assiégé. Six années plus tard, après la mort d'Omar, ils se révoltèrent contre Yezîd-Ibn-Hatem qui venait d'arriver en Ifrîkïa pour y exercer les fonctions de gouverneur, et ils élurent pour chef un de leurs guerriers nommé Abou-Zerdjouna 2. Yezîd leur fit infliger un rude châtiment par une armée qu'il expédia contre eux sous la conduite de son fils.

Plus tard, les Nefzaoua se soulevèrent contre Dawoud, fils de Yezîd, professèrent ouvertement la doctrine eibadite, et se réunirent sous le commandement d'un de leurs chefs appelé Saleh-Ibn-Noceir. Les troupes du gouvernement les attaquèrent à Sicca-Veneria et leur tuèrent tant de monde que depuis lors l'esprit de kharedjisme cessa de troubler l'Ifrîkïa. Les Berbères firent leur soumission et la tribu des Ourfeddjouma fut réduite à un tel degré de faiblesse qu'elle finit par se disperser. Les débris de ce peuple allèrent se confondre dans les rangs des autres tribus.

Les Zeddjala, branche des Ourfeddjouma, formaient une tribu considérable. Plusieurs d'entre eux se distinguèrent à l'époque où naquit la puissance fatemide et pendant la domination des Oméïades en Espagne. Tels furent les Beni-Zeddjali, famille de gens de plume qui fleurit à Cordoue. On trouve encore des Zeddjala dans un village du même nom situé au milieu de la plaine de Mermadjenna.

Les Ourfeddjouma et les autres branches des Oulhaça vivent aujourd'hui dispersés en petites bandes, à cause de l'affaiblissement auquel ils ont été réduits. Une de ces peuplades, celle qui en est

1. L'auteur aurait mieux fait d'écrire repeupla.

2. Ci-devant, page 223, ce nom est écrit Zerhouna, différence qui provient de l'absence d'un seul point diacritique.

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