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tamie. Lors de la dispersion des descendants d'Amer dans les provinces de l'empire musulman, les Beni-Haï-el-Forat occupèrent les environs d'Alep, et une de leurs familles, celle de Saleh-Ibn-Mirdas, se rendit maîtresse de la ville'. Saleh descendait d'Amer-Ibn-Kilab. Plus tard, les Mirdacides perdirent leur puissance, et ayant repris la vie nomade, ils s'établirent auprès de l'Euphrate en se mettant sous la protection des chefs de la tribu de Taï.

Dans la partie de cet ouvrage que nous avons consacrée à l'histoire de la dynastie turque [des Mamlouks Bahrites] qui régna sur l'Égypte et la Syrie, nous avons indiqué, par ordre chronologique, les noms des chefs appartenant à la famille Fadl qui se sont succédé dans le commandement des Arabes de la Syrie et de l'Irac; nous y avons parlé de chacun d'eux, en commençant à l'époque où le sultan Aïoubide, El-Mélek-el-Adel, exerça le pouvoir, et nous avons conduit notre récit jusqu'au temps actuel, c'est-à-dire la fin de l'an 796 (octobre 1394 de J.-C.). Nous reproduirons ici ces mêmes indications, en observant l'ordre dans lequel elles se présentent.

Du temps des Aïoubides, sous le règne d'El-Mélek-el-Adel, l'émir de la tribu de Taï s'appelait Eïça-Ibn-Mohammed-Ibn-Rebiâ. Il eut pour successeur Hoçam-ed-Dîn-Manê-Ibn-HadethaIbn-Ghadia-Ibn-Fadl. En l'an 630 (1232-3), son fils Mohenna lui succéda. Quand Cotoz, le troisième souverain de la dynastie turque qui gouverna l'Egypte, reprit la Syrie sur les Tatars et défit leur armée à Aïn-Djalout 2, il détacha la ville de Sélémïa' du gouvernement d'El-Mansour-Ibn-el-Modaffer-Ibn-Chahanchah, prince de Hamah 3, et la donna en fief à Mohenna, fils de Manê. Lors de la mort de Mohenna, événement dont je n'ai pu découvrir la date, le sultan [El-Mélek-] ed-Daher [Bibers] pro

1. Voy. Ibn-Khallikan, traduction, vol. I, p. 631; Abulfedæ Annales, sous l'année 402; et le Selecta ex historiâ Halebi de Freytag, p. XVI. 2. Voy. Deguignes, Histoire des Huns, t. V, p. 131.

3. Cet El-Mansour fut grand-père du célèbre historien et géographe Abou-l-Fedà.

fita de l'ascendant que le gouvernement turco-égyptien avait pris, pour se rendre à Damas afin de conduire à Baghdad le khalife El-Hakem, oncle d'El-Mostâcem. Il donna alors le commandement des Arabes de la Syrie à Eïça, fils de Mohenna, fils de Manê, et lui assigna plusieurs fiefs sous la condition qu'il veillerait à la sûreté des voyageurs. Sur la demande d'Eïça, il emprisonna le cousin de celui-ci, Zamel, fils d'Ali, fils de Rebiâ, de la famille d'Ali. Pendant tout le temps de son administration, Eïça sut maintenir la tranquillité dans le pays où il commandait et réprimer l'esprit de brigandage qui animait les Arabes. Il tenait ainsi à leur égard une conduite tout opposée au système d'indulgence qu'avait suivi son père. En l'an 679 (1280-1), Soncor-el-Achkar se réfugia auprès de lui, et ce fut alors qu'ils écrivirent à Abagha [khan des Moguls de la Perse], pour le pousser à la conquête de la Syrie. Eïça mourut en 684 (1285-6), et son fils Mohenna le remplaça par l'ordre d'El-Mansour-Calaoun [le septième des sultans Mamlouks]. Plus tard, quand [El-Mélek-] el-Achref, fils de Calaoun, se rendit à Emesse en Syrie, Mohenna, fils d'Eïça, vint le trouver avec plusieurs membres de sa famille. El-Achref l'ayant aussitôt fait arrêter, ainsi que son fils Mouça et ses frères, Mohammed et Fadl, les envoya tous en Egypte. Ils y restèrent prisonniers jusqu'à l'an 694 (1294-5), quand El-Adel-Ketbogha monta sur le trône et leur rendit la liberté. Mohenna s'en retourna alors au poste qu'il avait déjà occupé. Pendant le règne d'El-Mélek-en-Nacer, il se montra, alternativement, l'ami des Tatars de l'Irac et du gouvernement égyptien : il n'assista même pas à aucun des combats que les Mamlouks livrèrent à Ghazan [le sultan tatar]. En l'an 710 (1310-1), Cara-Soncor, accompagné d'Acouech-el-Afrem et leurs partisans, se réfugia chez Mohenna, après s'être mis en révolte, et il passa ensuite à la cour du souverain tatar, Khorbenda. Depuis lors, Mohenna resta au milieu de ses nomades sans oser paraître devant le sultan égyptien dont il redoutait la colère. En l'an 712, son frère Fadl alla présenter ses devoirs au sultan, et en récompense de cette démarche, il obtint sa nomination au commandement des Arabes. Dès lors, Mohenna se vit repoussé

par toutes les tribus, et en l'an 716, il alla trouver Khorbenda, roi des Tatars. Ce monarque lui fit un accueil très gracieux et le gratifia d'un fief situé dans l'Irac. Cette même année, Khorbenda mourut, et Mohenna, ayant rejoint ses tribus, chargea ses fils, Ahmed et Mouça, de se rendre, avec leur oncle MohammedIbn-Eïça, à la cour d'El-Mélek-en-Nacer et de présenter à ce sultan l'humble soumission de leur père. En-Nacer les reçut très bien et leur assigna un logement dans le château appelé El-Casrel-Ablac. Les ayant alors comblés de faveurs, il leur accorda la grâce de leur père auquel il rendit le commandement des Arabes et le fief dont il avait joui. Cette même année, je veux dire l'an 717, Mohenna, fils d'Eïça, accompagné de son frère Mohammed et de plusieurs autres membres de la famille Fadl, firent le pèlerinage de la Mecque, emmenant avec eux douze mille chameaux chargés. Mohenna retomba bientôt dans son ha-, bitude de courtiser les Tatars et de faire des incursions sur les terres de la Syrie. Le sultan, voyant que ces désordres ne s'arrêtaient pas, en fut tellement courroucé, qu'en l'an 720, lors de son retour du pèlerinage, il ordonna à ses lieutenants en Syrie, d'expulser de ce pays tous les membres de la famille Fadl et de les y remplacer par leurs collatéraux de la famille Ali. De cette manière, Mohammed-Ibn-Abi-Bekr reçut le commandement des Arabes et obtint, pour lui et les siens, tous les fiefs que le gouvernement égyptien avait concédés à Mohenna et à ses fils. Mohenna resta en disgrâce jusqu'à l'an 731 (1330-1), époque à laquelle il se rendit auprès du sultan, avec la suite d'El-Afdel, fils d'El-Mouwéïd et seigneur de Hamah. Ce fut par l'intercession de ce protecteur, qu'il obtint son pardon et rentra en possession de ses fiefs et de son commandement.

Un grand émir égyptien qui vit Mohenna lors de cette visite (ou qui en avait entendu parler), m'a raconté que cet Arabe refusa tous les cadeaux du sultan, et qu'il avait amené avec lui plusieurs chamelles pour se nourrir de leur lait. Il s'abstint même de rendre visite aux grands officiers de l'empire, ou de faire la moindre sollicitation auprès d'eux.

Mohenna alla ensuite retrouver ses tribus, et mourut en l'an

734. Son fils, Modaffer-ed-Dîn-Mouça, lui succéda et mourut en 742 (1341-2), quelque temps après la mort d'El-Mélek-enNacer. Il eut pour successeur son frère Soleiman. Celui-ci mourut en 743, et son cousin paternel, Chérif-ed-Din-Eiça, fils de Fadl, fils d'Eiça, lui succéda. Chéref-ed-Dîn mourut à El-Kirietein 1, en l'an 744, et fut enterré auprès du tombeau de KhaledIbn-el-Ouélid. Son frère Seif, fils de Fadl, le remplaça dans le commandement des Arabes nomades. En l'an 746 (1345-6), le sultan d'Égypte, El-Kamel, fils d'En-Nacer, remplaça Seif par Ahmed, fils de Mohammed, fils d'Eiça. Seif réunit alors du monde [afin d'attaquer son successeur], mais ses troupes furent mises en déroute par Féïad, fils de Mohenna. Le commandement passa ensuite à Ahmed, fils de Mohenna, que le sultan Hacen-enNacer nomma à cette dignité afin de mettre un terme à ces dissensions. Ceci se passa à l'époque où ce prince était encore sous la tutelle de Beibogharous, et pendant le premier de ses deux règnes. Ahmed, fils de Mohenna, mourut en 749 et eut pour successeur son frère Féïad. Celui-ci mourut en 762 (1360-1). Le sultan Hacen-en-Nacer, qui régnait alors pour la seconde fois, nomma Kheiar, un autre fils de Mohenna, à la place vacante. Kheiar se révolta en 765 et resta deux années dans le Désert sans vouloir reconnaître l'autorité du sultan; puis il se fit réintégrer dans son commandement par l'intercession du vice-roi de Hamah. En l'an 770, il se révolta de nouveau; et, d'après l'ordre du sultan El-Achref, il fut remplacé par son cousin paternel Zamel, fils de Mouça, fils d'Eïça. L'émir déposé se rendit alors aux environs d'Alep, et ayant réuni autour de lui les Beni-Kilab et d'autres tribus, il se mit à ravager ce pays. Le gouverneur d'Alep, Cochtémir-el-Mansouri, marcha à sa rencontre, et s'étant avancé jusqu'à l'endroit où Kheiar avait dressé son camp, il enleva les troupeaux des Arabes et se porta vers leurs tentes.

1. El-Kirietein, station sur la route qui mène de la Mecque à Deraïa, est située à 94 lieues de la première de ces villes. Khaled-Ibn-el-Ouélid fut enterré près d'Emesse.

2. Voy. Deguignes, Histoire des Huns, t. V, p. 223.

Ceux-ci, voulant l'arrêter, se battirent en désespérés et finirent par culbuter ses troupes. Dans cette affaire, Cochtémir et son fils perdirent la vie, le premier ayant reçu la mort de la main. de Nâir [fils de Kheiar]. Kheiar, s'étant ainsi mis en révolte ouverte, passa dans le Désert, et El-Achref confia le commandement des tribus arabes à Moaïkel, fils de Fadl-Ibn-Eïça et cousin paternel du chef insurgé. En 771 (1369-70) Moaïkel envoya son chambellan auprès du sultan pour solliciter la grâce de Kheiar. Le sultan consentit à oublier ce qui s'était passé, et en l'an 775, quand Kheiar se présenta à la cour, il lui pardonna tout et le réintégra dans le commandement. Kheiar mourut en 777 et eut pour successeur son frère Cara. Celui-ci mourut en 781 (1379). Sa place fut remplie par deux chefs à pouvoirs égaux : Moaïkel, fils de Fadl, fils d'Eïça, et Zamel, fils de Mouça, fils d'Eïça, fils de Mohenna; mais l'année même de leur nomination, ils furent remplacés par Nâir, fils de Kheiar, fils de Mohenna.

Le véritable nom de Nair était Mohammed; il exerce encore aujourd'hui le suprême commandement chez les Al-Fadl et chez toutes les tribus taïennes de la Syrie.

Le sultan El-Mélek-ed-Daher-Bercouc avait pour habitude, chaque fois que Nâir le mécontentait, de lui susciter un rival dans la personne de Mohammed, fils de Cara et cousin de Nâir. L'insubordination et la désobéissance de Nâir se prolongèrent encore, et le sultan, ayant reconnu que Mohammed, fils de Cara, connivait à cet état de choses, lui retira sa faveur et le remplaça dans le commandement des Arabes par Mouça, fils d'Assaf, fils de Mohenna. Nâir, ayant été rejeté dans le Désert, sans avoir les moyens de nourrir ses partisans, vit leur nombre diminuer en même temps que ses propres ressources. Tel est encore l'état où il se trouve aujourd'hui.

Revenons maintenant aux autres tribus de cette catégorie. Toute la tribu d'Amer-Ibn-Sâsâ demeurait dans le Nedjd; celle de Kilab occupait El-Hamaserïa et Er-Rébeda, localités des environs de Médine; la tribu de Kâb-Ibn-Rebià se tenait entre le Tihama de Médine et la Syrie; celle de Hilal-Ibn-Amer ha

1. Tihama est un nom générique employé pour désigner les régions

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