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mais à Dieu ne plaise qu'une telle calomnie soit dite de la sœur d'Er-Rechîd, et que l'on attribue à de puissants Arabes de la tribu de Taï une origine si vile, en les faisant descendre d'une race. étrangère, d'une famille d'affranchis tels que les Barmekides1. D'ailleurs, il est impossible, par la nature même des choses, qu'une personne descendue de Barmek ait pu exercer l'autorité suprême dans une tribu à laquelle elle n'appartenait pas par la naissance. Nous avons déjà fait une observation semblable dans les Prolégomènes de cet ouvrage 2.

La famille de Mohenna obtint le commandement des Arabes à peu près vers l'époque où s'établit la puissance des Aïoubides. Eimad-ed-Din-el-Ispahani dit, dans son ouvrage intitulé ElBarc-es-Chami3: « El-Adel s'arrêta au Merdj, près de Da» mas, accompagné d'Eiça, fils de Mohammed, fils de Rebiâ, >> chef des Arabes du Désert, qui s'était fait suivre d'un grand >> nombre de son peuple. Auparavant, lors de la souveraineté >> des Fatemides, le droit de commander à ces Arabes appar» tenait à la famille Djerrah, de la tribu de Taï. Ils avaient >> alors pour chef Moferredj-Ibn-Daghfel-Ibn-Djerrah, auquel la >> ville de Ramla avait été concédée en fief. Ce fut lui qui arrêta >> Iftîkîn, client de la famille des Bouides, qui s'était enfui de >> l'Irac avec son patron Bakhtyar5, en l'an 364 (974-5 de J.-C.). >> Iftîkîn avait envahi la Syrie et s'était emparé de Damas. >> Il marcha ensuite avec les Carmats et livra bataille à El-Aziz, >> fils d'El-Moëzz-li-Dîn-Illah, et souverain de l'Egypte; mais son

1. Comparez la Chrestomathie de M. de Sacy, tome I, p. 372.

2. Cette observation n'est pas d'une justesse absolue. Dans le cours de cet ouvrage on trouvera plus d'un exemple d'une personne parvenue au commandement d'une tribu à laquelle elle n'appartenait pas.

3. Eimad-ed-Din fut un des secrétaires du sultan Saladin (Salâh-edDin), dont il a écrit la biographie. Cet ouvrage a été publié par Schultens. Le Barc-es-Chami formait sept gros volumes et renfermait l'histoire des guerres de Saladin en Syrie.

4. El-Adel, ou plutôt El-Mélek-el-Adel-Saif-ed-Din, frère de Saladin, gouverna successivement plusieurs provinces au nom de ce sultan. 5. Voy. Abulfedæ Annales, an 364.

» armée ayant été mise en déroute, il prit la fuite. Ce fut alors » que Moferredj-Ibn-Daghfel l'arrêta et le conduisit à El-Azîz. ->> Ce prince l'accueillit d'une manière très distinguée et l'éleva

à un poste important dans l'administration. » Moferredj continua à gouverner la tribu de Taï jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 404 (1013-4). De ses quatre fils, Hassan, Mahmoud, Ali et Djerrar, le premier lui succéda et acquit une grande réputation. Il se montra tantôt dévoué, tantôt hostile aux Fatemides. Ce fut lui qui dévasta la ville de Ramla et qui, ayant défait les troupes du général égyptien Barouk El-Torki, s'empara de ses femmes, après l'avoir tué dans le combat. Le poète Et-Tihami2 l'a célébré dans ses vers.

El-Moçabbihi3 et d'autres historiens qui ont écrit sur la dynastie des Fatemides disent qu'au nombre des parents de Hassan, fils de Moferredj, se trouvèrent Fadl, fils de Rebiâ, fils de Hazem, fils de Djerrah, et son frère Bedr-Ibn-Rebiâ, avec deux fils de celui-ci. Peut-être ce Fadl est-il l'aïeul de la tribu qui porte le même nom et dont nous discutons ici l'histoire.

Nous apprenons d'Ibn-el-Athîr', que les aïeux de Fadl, fils de Rebiâ, fils de Hazem, furent les seigneurs du Belca3 et de Jérusalem. Quant à lui, il se rangea tantôt du côté des Francs (les Croisés) et tantôt du côté des khalifes égyptiens; mais cette conduite lui valut l'inimitié de Toghdikîn, seigneur de Damas,

1. Dans son histoire des Fatemides, notre auteur appelle ce général Yarokh-Tikin. (Voy. aussi la Vie de Hakem par M. de Sacy.)

2. Le poète Abou-'l-Hacen-Ali-et-Tihami fut mis à mort au Caire l'an 416 de l'hégire. (Voy. sa vie dans la traduction d'Ibn-Khallikan, vol. II, p. 316.)

3. Izz-el-Molk-Mohammed-el-Moçabbihi a laissé une histoire de la ville de Harran, et une histoire d'Égypte en douze gros volumes. Il mourut en 420 (1029).

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Hadji-Khalfa.

4. Célèbre annaliste dont l'ouvrage se trouve maintenant complet dans la Bibliothèque nationale. (Voy, sa vie dans Ibn-Khallikan, vol. II, page 228. [Edité depuis par Tornberg, 14 vol. 1851-76, E. D.]

5. Le Belca est la contrée située au sud-est de la mer Morte.

et (ancien] tuteur des enfants de Tutuch'. Expulsé de la Syrie par ce prince, il s'arrêta à Hilla, chez Sadaca-Ibn-Mezïed2, qui lui fit cadeau de sept mille pièces d'or. Ils s'engagèrent alors par serment à se soutenir mutuellement. En l'an 500 (1106-7), lors de la dissension qui s'éleva entre Sadaca et le sultan Seldjoukide Mohammed-Ibn-Mélek-Chah, dissension qui aboutit àune guerre, Fadl vint se joindre au premier ainsi que Kirouach, fils de Chérefed-Dola, Moslem-Ibn-Coreich, seigneur de Mosul et quelques chefs turcomans, tous alliés de Sadaca. Quand on se fut mis en marche contre le sultan, Fadl et ses compagnons, qui s'étaient placés à l'avant-garde, passèrent du côté d'Ibn- Mélek-Chah. Ce prince les accueillit avec une haute distinction, et les ayant revêtus de pelisses d'honneur, il installa Fadl dans l'hôtel que Sadaca possédait à Baghdad. Quelque temps après, le sultan marcha contre Sadaca, et s'étant laissé tromper par Fadl qui s'engageait à tenir ce chef en échec, il lui donna la permission de passer dans le Désert. Fadl traversa alors le fleuve, atteignit la ville d'El-Anbar, et à partir de cette époque, ne revint plus auprès d'Ibn-Mélek-Chah.

Ces renseignements d'Ibn-el-Athîr et les paroles d'El-Moçabbihi prouvent clairement que Fadl appartenait, tout aussi bien que Bedr, à la famille de Djerrah. D'ailleurs, la généalogie des Djerrah, telle qu'on nous la donne, démontre que leur ancêtre, Fadl, est bien le même individu que celui-ci. En effet, pendant que les uns l'appellent Fadl, fils de Rebiâ, fils d'El-Djerrah, les autres le nomment Fadl, fils de Rebiâ, fils d'Ali, fils de Moferredj.

Dans cette dernière généalogie on donne Rebiâ comme un descendant de Moferredj, aïeul de la tribu de Djerrah erreur dans laquelle on a pu tomber à cause de l'ancienneté des faits, ou par suite du peu de soin que des nomades tels qu'eux ont pu mettre à garder le souvenir d'une circonstance de cette nature.

1. Voy. l'ouvrage de M. Reinaud intitulé Extraits des historiens arabes, relatifs aux Croisades, pages 22 et suiv.; et Ibn-Khallikan, trad., t. I, page 273.

2. Voyez la traduction d'Ibn-Khallikan, t. I, page 634.

Sur la question de savoir si la maison de Fadl, fils de Rebiâ, fils de Felah', fils de Moferredj, tire son origine de l'aïeul des Taï, quelques-uns de cette famille font le récit suivant : « Le >> commandement de la tribu de Taï appartenait à Aïas-Ibn» Cabîça, descendant de Homa, fils d'Amr, fils d'El-Ghauth, fils » de Taï. Ce fut à cet Aïas que Chosroës [Parviz] confia le >> gouvernement de la ville de Hira, après avoir fait périr En-No>> man-Ibn-el-Mondir? et enlevé l'autorité à la famille Mondir. » Ce fut encore le même Aïas qui obtint de Khaled-Ibn-el» Quélîd 3 que Hira ne serait pas attaqué, pourvu que les habi» tants payassent la capitation. Depuis ce temps, les descendants » de Cabiça ont continué à exercer le commandement dans la >> tribu de Taï avec l'autorisation du gouvernement de l'empire » musulman. » Il se peut que les familles d'El-Djerrah et de Fadl tirent leur origine de ce Cabiça; si, au contraire, la postérité de Cabîça s'est éteinte, ces deux maisons en sont proches parentes. L'on sait que le droit d'exercer le commandement dans une tribu appartient à ceux qui lui sont alliés par le sang et qui partagent, avec elle, le même esprit de corps. Ceci est un principe que j'ai établi dans la première partie de mon ouvrage1. Ibn-Hazm3 dit, en parlant de la généalogie de la tribu de

1. Jusqu'à présent, le raisonnement de notre auteur est peu clair; par l'introduction de cette nouvelle généalogie dans laquelle le nom de Felah est substitué, apparemment, à celui d'Ali, il l'a embrouillé lout à fait.

2. Voyez l'histoire des Beni-'l-Mondir dans l'Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, par M. Caussin de Perceval, tome II.

3. Un des principaux généraux du khalife Abou-Bekr. (Voy. son histoire dans le tome III de l'Essai de M. C. de Perceval.)

4. Le chapitre dans lequel Ibn-Khaldoun discute ce principe se trouve dans la seconde section de ses Prolégomènes, ouvrage dont M. Quatremère va publier une édition.

5. Abou-Mohammed-Ali, surnommé Ibn-Hazm, naquit à Cordoue en 384 (994). Il composa plusieurs ouvrages dont on trouvera les titres dans Ibn-Khallikan. I mourut dans la première moitié du cinquième siècle de l'hégire. Sa vie se trouve dans ma traduction d'Ibn-Khallikan, vol. II, p. 267 et suiv.

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Taï: « Quand ce peuple sortit du Yémen avec les Beni-Aced, il » s'établit aux Deux-Montagnes, Adja et Selma, et sur le terri>> toire qui les sépare, pendant que les Beni-Aced se fixèrent >> entre ces lieux et le pays de l'Irac. Mais lors de la guerre que » l'on a appelée Harb-el-Feçad (guerre d'iniquité)', plusieurs branches de la tribu de Taï, telles que Beni-KharedjaIbn-Sâd-Ibn-Catra, appelés aussi les Beni-Djedila, du nom » de leur aïeule, quittèrent les Deux-Montagnes avec la fa>> mille de Teim-Allah et celle de Hobeich, pour aller s'établir » à Alep et à Hader-Taï (demeure fixe de Taï). La seule portion » de la tribu de Taï qui resta aux Deux-Montagnes fut la famille >> des Beni-Rouman-Ibn-Djondob-Ibn-Kharedja-Ibn-Sâd. Ceux» ci reçurent le nom d'El-Djébélïîn (gens de la Montagne) » et ceux qui allèrent se fixer sur le territoire d'Alep et à Hader>> Taï furent appelés Es-Sehlïîn (gens de la Plaine). »

>>

Il se peut donc que les familles de Djerrah et de Fadl, établies maintenant en Syrie, appartiennent à cette tribu de Kharedja qu'Ibn-Hazm représente comme s'étant transportée à Alep et à Hader-Taï; car la Palestine, où les Djerrah demeurent à présent, est plus rapprochée des lieux que nous venons de nommer qu'elle ne l'est des Deux-Montagnes, Adja et Selma, où habite l'autre partie de la tribu de Taï. Mais, après tout, c'est Dieu seul qui sait la vérité au sujet de leur origine.

Les Beni-Haï-el-Forat (enfants de la tribu de l'Euphrate), descendants de Kilab, fils de Rebiâ, fils d'Amer-Ibn-Sâsà, vivent sous la protection de la famille de Fadl. Ils avaient d'abord accompagné les autres tribus qui tirent leur origine d'Amer-IbnSâsâ quand elles émigrèrent du Nedj et passèrent en Mésopo

1. Harb-el-Feçad fut une guerre intestine qui déchira la tribu de Taï pendant qu'elle habitait les Deux-Montagnes. (Voyez Selecta ex historia Halebi, page 1). Et-Tebrizi raconte, d'après l'historien AbouRiah, l'origine de cette guerre qui dura vingt-cinq ans. (Voyez Hamaça, p. 176.) Ce fut entre les familles de Djedila et d'El-Ghauth qu'elle commença. (Voyez aussi l'Essai de M. Caussin de Perceval, tome I, page 629.)

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